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Données expérimentales

Études magnétostructurales de complexes papillons de fer

IV.3 Données expérimentales

Depuis la première étude magnétochimique en 1991 de ce type de complexe, d’autres complexes papillon furent synthétisés. Au total, nous avons retrouvé huit composés papillon de fer présentant une étude expérimentale du magnétisme. Dans la Figure 1 est reportée la dépendance en température de la susceptibilité magnétique de sept de ces molécules papillon. Toutes ces courbes présentent un comportement global antiferromagnétique. Le huitième complexe [Fe4O2(O2CEt)7(bpy)2]+ présente une courbe expérimentale étrange avec une valeur maximale de χMT égale à 1,3 cm3Kmol-1 pour 300 K.[22]

Pour effectuer l’étude théorique, nous avons choisi trois de ces complexes Fe4, le premier de cette lignée, [Fe4O2(O2CMe)7(bpy)2]+,[19] ainsi que deux complexes plus récents, [Fe4O2(O2CPh)7(phen)2]+ et [Fe4O2(O2CPh)8(phen)2].[23] Nous avons complété cette étude avec un composé papillon modèle que nous avons fabriqué à partir de la structure du complexe de Fe8. Puisque le complexe Fe8 présente des ponts liant hydroxo, il fut aisé de simplement retirer les quatre cations FeIII extérieurs avec leurs ligands tacn associés. Au final, nous obtenons ainsi un composé Fe4 en tout point semblable à un papillon traditionnel mais sans ponts carboxylato. Toutes ces structures sont représentées dans la Figure 2. Observez pour le composé modèle, en bas à droite, sa structure superposée au complexe Fe8 complet, dessiné en trait fin.

Figure 1. Dépendance en température du produit χMT pour sept complexes papillon. [Fe4O2(O2CMe)7(bpy)2]+ (–),[19] [Fe4O2(O2CMe)6(bpy)2]2+ (),[24]

[Fe4O2(O2CPh)7(phen)2]+ (), [Fe4O2(O2CPh)8(phen)2] (),[23]

[Fe4O2(O2CCMe3)8(NC5H4Me)2] (--),[25] [Fe4O2(salox)2(dpg)3L2(a)]+ (--)[26] et [Fe4O2(O2CMe)6(N3)2(phen)2] (--).[20]

Tableau 1. Constantes d’échange expérimentales et calculées, en cm-1, pour les complexes décrits dans la Figure 2.

Calculées Expérimentales

Jwb Jbb Jww Jwb Jbb Jww

Réf.

[Fe4O2(O2CMe)7(bpy)2]+ -80,0 8,3 -5,3 -91,0 -18,8 - [19] [Fe4O2(O2CPh)7(phen)2]+ -84,2 -0,9 -7,2 -77,6 -2,4 - [23] [Fe4O2(O2CPh)8(phen)2] -82,8 -15,2 -6,3 -65,7 -15,6 - [23] [Fe4O2(OH)12(tacn)2]8+ -82,8 -7,6 -5,6 - - -

[Fe8O8(OH)12(tacn)6]8+ -66,5 5,1 - -120 -25 - [3, 6]

(a)

salox : salicylaldoximato dianion. dpg : diphenylglycolate.

Figure 2. Structures moléculaires des quatre complexes papillon étudiés. Le

modèle de Fe4 est mis en valeur par une représentation sphérique sur le modèle squelettique du Fe8. Les sphères de couleur verte, rouge et bleue correspondent respectivement aux atomes de fer, d’oxygène et d’azote. Les atomes de carbone sont représentés en mode cylindrique et les atomes d’hydrogène sont cachés par souci de lisibilité.

Les constantes d’échange expérimentales et théoriques des complexes représentés en Figure 2, sont reportées dans le Tableau 1. Elles furent calculées avec le programme

Gaussian,[27] la fonctionnelle B3LYP[28] et une base d’orbitales atomiques de qualité

triple-ζ , incluant tous les électrons,[29] à partir de l’état haut spin et de plusieurs états de bas spin

comme indiqué au Chapitre II. On remarque en premier lieu que l’interaction principale,

modérément antiferromagnétique, correspond à la constante d’échange Jwb. Elle oscille

entre –65 et –90 cm-1 dans les études expérimentales et autour de –80 cm-1, donc très

d’une dizaine de nombres d’onde. Cette prépondérance de Jwb est amplifiée par le fait qu’elle apparaît quatre fois dans la molécule, alors qu’il n’y a qu’une interaction cœur-cœur et aile-aile. Pour vérifier l’effet du nombre de carboxylato dans ce chemin d’échange prépondérant, nous avons calculé un état bas spin supplémentaire pour le premier complexe. Cela aboutit à une constante d’échange Jwb = –80,2 cm-1 quand il y a un seul

pont carboxylato avec le pont oxo et à une constante d’échange Jwb = –79,9 cm-1 quand il y

en a deux. On peut donc bien simplifier le système à une seule interaction aile-cœur.

Depuis l’étude séminale de 1991, l’interaction Jww fut toujours négligée.[19] Cela est

dû à la difficulté d’obtenir un ajustement pertinent de la susceptibilité magnétique avec plusieurs constantes différentes. Toutefois, au vu de la différence entre les constantes

d’échange, les valeurs proposées expérimentalement pour Jbb sont-elles fiables ? Nous

avons simulé des courbes de susceptibilité magnétique pour différentes valeurs de la

constante Jbb (voir Figure 3). Des variations importantes dans cette interaction sont

quasiment transparentes pour l’évolution du produit χΜT. De fait, McCusker et al. avaient

déjà souligné cette incertitude attachée à Jbb, affirmant que des valeurs de +30 à –200 cm-1

aboutissaient à des courbes presque identiques.[19] Toutefois, ils ont alors proposé une

valeur de Jbb = –18,8 cm-1. Malheureusement, de nombreux travaux proposèrent par la

suite, des valeurs similaires, tout en reconnaissant la forte incertitude attachée à cette constante.

Figure 3. Simulation de la variation du produit χMT en fonction de la température, pour différentes valeurs de Jbb.

L’un des intérêts du calcul des constantes d’échange par la DFT est l’indépendance de ces résultats vis-à-vis des mesures de la susceptibilité magnétique. De cette manière, il n’y a pas de risque d’excès de paramètres. Donc, il est possible d’étudier des interactions d’échange faibles sans autres approximations que celles de la méthode employée. On remarque ainsi que les valeurs obtenues de Jbb pour les complexes de Boudalis et al. sont en excellent accord avec les valeurs expérimentales, alors que dans le cas du premier complexe nous obtenons une valeur ferromagnétique, contrairement aux –18,8 cm-1 cités plus haut.[23] Nous pouvons constater que les valeurs de cette constante Jbb varient énormément en fonction du système. Au contraire, la troisième interaction, Jww, est sensiblement identique pour les trois systèmes. Elle est de plus, du même ordre de grandeur que Jbb. Ainsi contrairement à l’opinion largement répandue, pour l’ajustement de la susceptibilité magnétique, Jbb et Jww ont sensiblement le même poids. Une autre constatation intéressante concerne le modèle créé. Les constantes d’échange obtenues pour ce modèle sont très proches de celles des structures papillon complètes. De plus, ce complexe modèle est issu du complexe Fe8 qui ne possède pas de pont carboxylato. Ces derniers nous auraient gêné pour l’étude magnétostructurale qui suit. On vérifie ainsi que pour des structures similaires, la présence de pont carboxylato n’a pas d’impact fondamental sur la constante aile-cœur. Ainsi, en supprimant les quatre fer « des coins » du complexe Fe8, nous récupérons la différence qui existait dans l’interaction aile-cœur et même cœur-cœur, cette dernière changeant même de signe. Finalement, il est important de noter que les ordres de grandeur relatifs des différentes interactions concordent avec les résultats obtenus pour d’autres composés polynucléaires de fer tels que les complexes Fe8, Fe10, Fe11 et Fe19 où les interactions au travers d’un pont oxo simple, avec ou sans pont carboxylato, sont toujours plus fortes que les interactions correspondantes au travers d’un double pont oxo.[3-12, 21]

Si bien qu’à la fin, le magnétisme de cette famille de complexes se résume à une seule constante antiferromagnétique et deux autres presque négligeables. L’ajustement est alors trivial, mais l’appareil informatique nous permet justement d’étudier ces interactions faibles, et nous fournit des informations utiles pour des complexes de nucléarité plus élevée, notamment sur leur sensibilité vis-à-vis de modifications de la géométrie du système.