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Diversité végétale comparée entre régions

Dans le document Spectres chorologiques et écologiques IV D (Page 98-104)

ChailluSão Tomé

IV.5 Diversité végétale comparée entre régions

Les aspects relatifs à la diversité ont été en grande partie traités au chapitre III.3. Nous y avons montré que le type forestier le plus diversifié parmi ceux étudiés correspondait aux forêts de basse et moyenne altitudes situées sur le flanc exposé aux vents de la cordillère de Niefang (LitInflCol et LitInflBas) et ce quelle que soit la strate envisagée.

Nous avons ensuite examiné les différences entre strates et ensembles structuraux et sommes arrivés à la conclusion que la diversité végétale augmente des strates supérieures aux strates inférieures. Par contre, la richesse propre de chaque strate, c’est-à-dire la richesse des ensembles structuraux, diminue des strates supérieures jusqu’à la strate arbustive puis augmente à nouveau pour l’ensemble structural de la strate herbacée. Pour ce qui est de la contribution des types biologiques, celle-ci a été étudiée et discutée au chapitre IV.2.1.

Enfin nous avons montré que lorsqu’on fait des comparaisons de diversité entre communautés végétales, entre types forestiers ou entre régions, il est important de comparer des ensembles qui soient caractérisés par une β-diversité similaire. Une région A peut être plus diversifiée qu’une région B mais cela n’empêche pas que les forêts denses de terre ferme de la région B puissent être plus riches que celles de la région A.

Le but du présent chapitre est de rechercher les différences en termes de diversité entre nos principaux types forestiers et des types forestiers homologues pour d’autres régions et d’autres continents. A cette fin, nous avons envisagé une partie des travaux cités au chapitre I.4.1.6. Nous envisageons dans un premier temps les relevés complets puis nous nous concentrerons sur les relevés de strates ligneuses.

IV.5.1 RELEVÉS COMPLETS ET DIVERSITÉ DES HERBACÉES TERRESTRES

Nous avons vu au chapitre I.4 que les relevés complets, c’est-à-dire incluant toutes les plantes présentes dans les limites d’une surface donnée, sont extrêmement rares pour les forêts tropicales des trois continents. Il semble que les dernières avancées en la matière datent des travaux de GENTRY & DODSON (1987), en Amérique du Sud et centrale, et de REITSMA

(1988), au Gabon. Selon ce dernier, un seul relevé de ce type est à mentionner pour l’Asie du Sud-Est (Meijer 1959, inREITSMA 1988).

Les données de relevés complets dont nous avons connaissance sont résumées au Tab.74. Ceux pour lesquels il n’y a pas eu de comptage des individus sont probablement plus sujets à des " oublis " d’espèces et sont donc à interpréter avec précautions. De manière générale, il est d’ailleurs très difficile d’interpréter ces résultats en raison du grand nombre de facteurs qui entrent en jeux et dont on ne sait bien souvent rien. Par exemple, il est évident que dans la réalisation d’un relevé complet en forêt tropicale, on est confronté au problème des espèces indéterminées. Mais il est rare de trouver des indications quant à la solution choisie par un chercheur face à ce problème. Certains ne comptabilisent que les taxons identifiés au niveau de l’espèce, d’autres vont jusqu’à définir des morpho-espèces, d’autres encore considèrent les individus indéterminés comme autant d’espèces potentielles et donc comptabilisées, etc. Il y a donc là une importante source de variabilité entre chercheurs et dont il est difficile d’estimer l’ampleur.

Les relevés de GENTRY &DODSON (1987) ont été plusieurs fois cités comme les plus riches qui soient en termes de nombre d’espèces végétales, avec 365 espèces sur 10 ares. REITSMA

(1988) a cependant montré que plusieurs relevés complets ont révélé en Afrique des richesses dépassant les résultats de GENTRY &DODSON lorsque ceux-ci sont ramenés à un même effort

Gabon alors que pour une surface équivalente GENTRY &DODSON n’en auraient que 182. En ce qui nous concerne, notre parcelle de 200m² la plus riche a atteint les 167 espèces. Il semble d’après REITSMA que la parcelle la plus diversifiée qui ait jamais été réalisée soit celle de LETOUZEY (1968), dans la région d’Essam au Cameroun, avec 227 espèces sur à peine 100m². Ce qu’on peut conclure de ces remarques, c’est que la diversité totale d’une parcelle de surface donnée varie autant d’une station à une autre, même au sein d’un même type forestier, qu’entre continents. On sait en effet que dans le sous-bois, la densité est elle-même excessivement variable et est en général liée aux conditions d’éclairement et d’humidité (BLANC 2002). Ainsi des forêts denses néotropicales de milieux forestiers moins humides, comme les forêts sèches de Capeira (Equateur), sont moins riches que nos forêts humides d’Afrique centrale (Tab.74). L’humidité du milieu conditionne l’abondance des plantes herbacées du sous-bois, notamment épiphytiques, et par conséquent conditionne en grande partie la diversité d’une parcelle de surface donnée.

Un autre facteur très important est la diversité des supports disponibles au sein de la parcelle inventoriée. En effet, dans une même station, la diversité d’une parcelle peut varier très fort en l’espace de quelques dizaines de mètres, même sans variation de l’humidité du milieu, rien que par l’apparition de rochers affleurant, par exemple, ou de souches pourries, etc., nécessaires à la présence d’espèces à petites graines (guildes PS et PD).

En conséquence si on souhaite comparer la diversité totale du sous-bois entre régions différentes, il serait nécessaire de tenir compte de ces facteurs.

La Fig.85 illustre la variabilité de la diversité des herbacées terrestres entre parcelles issues des trois continents et en fonction de leur surface. On remarque qu’en tenant compte de la densité, la diversité alpha de Fisher semble plafonner vers 20 dans des forêts submontagnardes de Bornéo (POULSEN &PENDRY 1995) et en forêt de terre ferme en Guyane (VAN ANDEL 2001).

Fig.85 Nombre d’espèces (RSp) herbacées terrestres par parcelle de dimensions différentes (abscisse en m²) au travers des trois continents (Af-Afrique, As-Asie et Am-Amérique). La diversité alpha de Fisher (Fα) est également affichée et semble plafonner vers 20. Les données présentées sont issues du Tab.74.

0 20 40 60 80 100 120 10 100 1000 10000 100000 Af-RSp-H Am-RSp-H As-RSp-H Af-Fa-H Am-Fa-H As-Fa-H Mt. Alén-H Mt. Alén-Fa RSp et Surface (m²)

Tab.74 Comparaison de la richesse spécifique (RSp) et de la diversité alpha de Fisher (Fα) pour des relevés complets et des relevés d’herbacées terrestres (ground herbs). La symbolique utilisée pour les types forestiers est celle décrite au Tab.30. (1) valeurs obtenues pour un relevé multistrate concentrique et (2) pour une parcelle de 200m², pour le relevé Litb1 ; *les types biologiques inclus dans les herbacées terrestres sont relativement mal définis dans la littérature ; pour nos données, nous donnons une deuxième série de valeurs correspondant à la définition d’herbacée terrestre au sens de POULSEN &BALSLEV (1991).

Sources Localisation Type de forêt surface (m²) Ab RSp Fa Ab RSp Fa %sp Gentry & Dodson 1987 Rio Palenque (W-Ecuador) fdhh 1000 7210 365 81 1220 50 10 14 Gentry & Dodson 1987 Jauneche (W-Ecuador) fdh 1000 2783 169 40 944 18 3 11 Gentry & Dodson 1987 Capeira (W-Ecuador) fds 1000 5428 173 34 2854 50 9 29 Gentry & Dodson 1987 Rio Palenque (W-Ecuador) fdhh 100 721 123 43

Gentry & Dodson 1987 Rio Palenque (W-Ecuador) fdhh 200 182

présente étude (1) Monte Alén fdhh 2023 231 67 780 51 12 22 présente étude (2) Monte Alén fdhh 200 1720 167 46 780 51 12 31 présente étude (1)* Monte Alén fdhh 2023 231 67 761 43 10 19 présente étude (2)* Monte Alén fdhh 200 1720 167 46 761 43 10 26 Van Gemerden 2004 Akuom II (SW-Cameroun) fdh 625 750 117 39 216 12 3 10 Van Gemerden 2004 Akuom II (SW-Cameroun) fdh+Ci 625 765 124 42 292 17 4 13 Reitsma 1988 Oveng (NO-Gabon) fdh 200 160 70 44 Reitsma 1988 Doussala (SO-Gabon) fdh 200 132 54 41

Reitsma 1988 Lopé (C-Gabon) fdhs 200 125 51 41

Reitsma 1988 Ekobakoba (E-Gabon) fdhs 200 201 79 39 Letouzey 1968 (in Reitsma 1988) Essam (Cameroun) fdh 100 1263 227 81

Meijer 1959 (in Reitsma 1988) Asie du SE fdh+SM 10000 350 Hall & Swaine 1976 Ghana fdh 625 190 Hall & Swaine 1976 (in Gentry &

Dodson 1987) Ghana fdh 1000 42

Mosango & Lejoly 1990 Zaïre, centre fdhs 2500 134 Whitmore & al. 1985 (in Costa

2004) Horquetas (Costa Rica) fdh 100 200 120 16 5 Poulsen & Balslev 1991 Amazonie (Ecuador) fdh 10000 10960 96 14 Costa 2004 Manaus (Amazonie centrale) fdh 34 50 14 6 Costa 2004 Manaus (Amazonie centrale) fdh 67 98 22 9 Costa 2004 Manaus (Amazonie centrale) fdh 880 1285 35 7 Duivenvoorden & Lips 1995 (in

Costa 2004) Middle Caqueta area (Colombia) Acri-Ferralsol 1000 10 Duivenvoorden & Lips 1995 (in

Costa 2004) Middle Caqueta area (Colombia) Ali-Acrisol 1000 23 Dirzo & al. 1992 (in Costa 2004) Los Tuxlas (Mexique) fdt+Pi 130 1729 52 10 Dirzo & al. 1992 (in Costa 2004) Los Tuxlas (Mexique) fdt+Pi 130 30 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), plot 1 fdh 2500 660 33 7 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), plot 2 fdh 2500 1634 37 7 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), plot 3 fdh 2500 594 31 7 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), total bas de pente fdh 7500 2888 55 10 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), plot 4 fdh 2500 98 11 3 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), plot 5 fdh 2500 106 14 4 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), plot 6 fdh 2500 133 7 2 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), total mi-pente fdh 7500 337 22 5 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), plot 7 fdh+SM 2500 2291 70 14 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), plot 8 fdh+SM 2500 2860 70 13 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), plot 9 fdh+SM 2500 1055 49 11 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), total SM fdh+SM 7500 6206 99 17 Poulsen & Pendry (1995) Brunei (Bornéo), total 22500 9431 121 20 Smith 1987 (in Costa 2004) BCI (Panama) fdhs 800 65 Poulsen 1996 Brunei (Bornéo) fdh 10000 6300 92 15

Poulsen 1996 Brunei (Bornéo) fdh 10000 74

Van Andel 2001 Barama (NW-Guyane) fdh 40 268 55 21 Van Andel 2001 Moruca (NW-Guyane) fdh 40 536 68 21 Van Andel 2001 Barama (NW-Guyane) fdh+Cié 40 431 77 27 Van Andel 2001 Moruca (NW-Guyane) fdh+Cid 40 588 65 19

IV.5.2 RELEVÉS DE STRATES LIGNEUSES

En Afrique comme ailleurs, le type de relevé de ligneux le plus fréquent correspond à des parcelles d’1ha pour tous les arbres à DBH ≥ 10cm. Parmi les sources présentées au chapitre I.4.1.6, nous en avons illustrées quelques unes à la Fig.86, représentatives des principaux ensembles structuraux et des différents niveaux d’effort d’échantillonnage. Pour ce faire, nous avons extrait les valeurs présentées ici à partir de résultats publiés pour des relevés ou au travers de courbes aire-espèces. Nos données personnelles ont été insérées dans les graphes. On remarque que notre communauté la plus riche (LitInflBas) est parmi les plus riches d’Afrique, en considérant essentiellement des inventaire d’arbres dominants (A) et dominés (Ad).

Les flores forestières néotropicale, africaine et d’Asie du SE diffèrent de manière remarquable sur le plan de leur diversité végétale. L’Afrique est de loin moins riche que l’Amérique, elle-même moins diversifiée que l’Asie du SE. On attribue généralement ces différences à des raisons historiques. Par exemple, l’Asie du SE a occupé sa position équatoriale depuis des temps bien plus reculés que l’Afrique et que l’Amérique. Depuis l’éclatement du Gondwana, au Crétacé, l’Afrique est progressivement remontée vers l’Europe jusqu’à atteindre sa position équatoriale au milieu du Tertiaire (PLANA 2004, SCOTESE 2000).

D’autre part, les changements climatiques, lors de phases glaciaires, ont été plus accentués en Afrique que sur les autres continents, l’archipel indo-malais ayant été particulièrement préservé. La topodiversité est sans doute également un élément important pour expliquer la faible diversité de l’Afrique, où les hauts reliefs sont relativement rares dans les régions à climat humide. Par ailleurs, la majorité de ces hauts reliefs n’est apparue que relativement tardivement, vers le Miocène (30 millions d’années B.P.), ce qui est encore plus vrai pour la cordillère des Andes. Les massifs montagneux d’Asie du SE sont en revanche bien plus anciens.

Malgré ces fortes différences à l’échelle des flores continentales, il n’existe pas de différence majeure à l’échelle de relevés stationnels entre la diversité des différents continents. Les différences sont par contre plus marquées entre types forestiers (Fig.86b). Les types forestiers humides (fdh) sont plus riches en espèces que les types forestiers à tendance semi-décidues (fdhs, à faible saisonnalité). Les forêts denses semi-décidues (fdhsd) sont quant à elles encore moins diversifiées.

Si on considère des types forestiers submontagnards, la même constatation peut être faite: les forêts submontagnardes de l’aire des forêts denses humides sempervirentes sont plus riches en espèces que leur homologue dans l’aire des forêts denses semi-décidues.

Par ailleurs, nous avons vu que les forêts submontagnardes que nous avons étudiées à Monte Alén sont moins riches que nos autres types forestiers de basse et moyenne altitudes. La

Fig.86b indique que la diversité de nos forêts submontagnardes, situées dans l’aire des forêts denses humides sempervirentes, est comparable à la diversité des forêts de plaine de l’aire des forêts à tendance semi-décidue, comme celles qui caractérisent le secteur bas-guinéen continental en Afrique.

Les rares données bibliographiques que nous avons trouvées sur la diversité des forêts submontagnardes (PROCTOR & al. 1988, LIEBERMAN & al. 1996, LEIGH &LOO DE LAO 2000, HAMANN & al. 1999, etc.) montrent que celles-ci peuvent être bien plus riches, dans les îles d’Asie du SE notamment.

Fig.86 Comparaison de la richesse spécifique (a) entre continents (Af.-Afrique, Am.-Amérique, As.-Asie) et (b)

entre types forestiers (symbolique cf. Tab.30). Les données présentées proviennent de 35 sources différentes

(annexe 18). 0 50 100 150 200 250 50 150 250 350 450 550 650 Af. Af.Sent Am. As. A-LitInflBas Ad-LitInflBas A-MontTyp Ad-MontTyp R2 = 0,6271 R2 = 0,264 R2 = 0,4799 0 50 100 150 200 250 0 100 200 300 400 500 600 700 fdhh Ad-LitInflBas fdh fdhs fdhsd fds fdh+SM Ad-MontTyp fdhsd+SM MI MS hydro Logarithmique (fdhs) Logarithmique (fdhsd) Logarithmique (fdh) (b) (a) Nombre d'individus Richesse spécifique Nombre d'individus Richesse spécifique

Quant aux forêts denses marquées par une certaine hydromorphie, leur diversité semble très variable, allant de très faible à très élevée. Cette variabilité est peut-être liée à des différences quant au degré d’hydromorphie: une forêt à tendance hydromorphe est en effet logiquement plus riche qu’une forêt marécageuse, en accord avec la théorie des perturbations intermédiaires (MOLINO &SABATIER 2002).

IV.5.3 RICHESSE EN ESPÈCES RARES ET CONSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ

Une des particularités de l’Afrique centrale, et notamment de pays encore très peu explorés comme le Gabon et la Guinée Equatoriale, est d’être encore exceptionnellement riche en espèces inconnues pour la science. Plusieurs raisons peuvent être invoquées.

Premièrement, des pays comme la Guinée Equatoriale et le Gabon sont relativement peu peuplés et regorgent encore de vastes étendues de massifs forestiers intacts ou seulement atteints par l’exploitation forestière.

Deuxièmement, les petites chaînes montagneuses de la façade atlantique de l’Afrique centrale ont vraisemblablement constitué des zones de refuges forestiers lors des périodes glaciaires du Quaternaire. L’importante diversité qui résulte de cette situation privilégiée n’a encore été prospectée que très superficiellement pour des raisons d’accessibilité mais aussi historiques. En Guinée Equatoriale par exemple, les explorations botaniques menées par les espagnols sont restées très superficielles et ont en grande partie été effectuées par Emilio GUINEA (1946) ainsi que quelques autres explorateurs (AEDO & al. 2001).

D’autre part, la grande majorité des prospecteurs qui se sont succédés ont bien souvent emprunté des chemins similaires ou en tout cas n’ont que très rarement eu l'occasion de s’enfoncer plus profondément dans la forêt.

Enfin, ce n’est pas tout d’aller au bon endroit, par exemple dans les zones montagneuses du cœur des monts de Cristal, il faut aussi y aller au bon moment. Or pour des raisons pratiques, la majorité des botanistes évitent les saisons de fortes pluies comme octobre ou mai, qui correspondent pourtant au pic de floraison de bon nombre d’espèces.

Et quand bien même on se trouve dans une région propice à la diversité, à une période idéale pour la collecte d’échantillons à fleurs ou à fruits, il faut encore ne pas passer à côté des plantes à collecter. En faisant nos relevés d’environ 1 ha chacun, sur lesquels nous passions plusieurs jours entiers, et plus encore en faisant nos parcelles de 200m², nous avons eu l’occasion de nous rendre compte qu’il y a toujours un grand nombre de plantes qui passent totalement inaperçu et qu’on ne remarque que grâce à une progression systématique et rigoureuse.

Premièrement, le sous-bois est sombre. Ensuite la végétation est exubérante au point qu'il devient difficile de dicerner un grand nombre de chose d'un simple coup d'oeil. Enfin, bien des plantes ont des fleurs ou des fruits très discrets: minuscules, verdâtres ou encore couverts de microparticules d’humus. Il nous est même arrivé plusieurs fois de collecter une plante qu’on pensait stérile, pour les besoins d’un relevé, et de nous rendre compte par la suite, lors de l’étude de l’herbier en laboratoire, que celui-ci était muni de minuscules fleurs.

Nous émettons ces commentaires pour bien mettre en évidence l’importance considérable qu’ont les études de type phytosociologique et de manière plus générale les études de végétation basées sur des relevés se voulant complets. En effet, nous sommes convaincus que ce type de démarche est de loin la plus appropriée pour découvrir le plus grand nombre de nouvelles espèces. Le fait de regarder chaque individu de plante l’un après l’autre, de manière rigoureuse et systématique, en ne négligeant aucun des principaux types biologiques accessibles, permet de ne plus passer à côté d’échantillons fertiles.

Des relevés homogènes subdivisés en sous-relevés structuraux, comme détaillés au chapitre II.2, permettent de rentabiliser bien des aspects. Premièrement, les paramètres écologiques peuvent être contrôlés relativement précisément. Deuxièmement, pour une de ces stations écologiquement déterminées, on dispose d’un échantillon suffisant pour l’étude de la diversité et des aspects sociaux. Enfin, les dimensions raisonnables d’un tel relevé, conditionnées par l’exigence de l’homogénéité mésologique, permettent d’envisager un plus grand nombre de répétitions judicieusement placées afin d’explorer au mieux la variabilité écologique pour une région donnée.

Dans le cadre de notre étude, avec les avantages que nous venons de rappeler, nous avons ainsi pu mettre en évidence un nombre très important d’espèces rares, ou du moins rarement observées. Sur nos 1050 espèces, nous en avons répertorié une centaine (10% !) qui n’étaient connues que de quelques échantillons. On peut notamment citer Korupodendron songweanum, Diospyros soyauxii, Eugenia librevillensis, Sorindeia oxyandra, etc. (annexe 19). Parmi celle-ci, 20 sont vraisemblablement nouvelles pour la science: Achyrospermum

sp.nov.1, Amischotolype sp.nov.1, Anthocleista sp.nov.1, Ardisia sp.nov.1, Begonia sp.nov.1,

Bikinia sp.nov.1, Crossandrella cristalensis Champl. & Senterre, Culcasia sp.nov.1,

Diospyros sp.nov.2, Dischistocalyx minima Champl. & Senterre, Dischistocalyx

purpureoviridis Champl. & Senterre, Garcinia sp.nov.1, Memecylon sp.nov.1, Octoknema

sp.1, Pellegriniodendron sp.nov.1, Phyllocosmus sp.nov.1, Reissantia sp.nov.1, Tricalysia

sp.nov.1, Trichoscypha sp.nov.1, aff. Soyauxia grandifolia Gilg & Stapf (les espèces en gras

ont été révisées par des spécialistes).

Une manière classique de caractériser l’importance des espèces rares pour une région donnée consiste à envisager huit catégories de rareté définies sur base de trois critères: l’un géographique, le second écologique et le dernier relatif à l’abondance dans l’habitat et l’aire de distribution. Un tel système de classification a été mis au point par Rabinovitz (1981 in PITMAN & al. 1999).

Parmi toutes les espèces observées dans nos 37 relevés, 44% sont à faible amplitude géographique dont 14% sont en outre rares et à amplitude écologique très étroite. Ces valeurs sont très nettement supérieures à celles obtenues par PITMAN & al. (1999), au Parc National du Manu (Pérou), ou encore par EILU & al. (2004), dans la partie ougandaise du rift Albertin. Notre méthodologie est donc non seulement efficace pour l’étude de la diversité et de sa variabilité entre strates et entre habitats, mais aussi pour la mise en évidence des espèces rares et donc pour l’étude des communautés végétales et de leur importance en termes de conservation de la biodiversité.

Tab.75 Nombre d’espèces par catégorie de rareté selon le système défini par Rabinovitz (1981 in PITMAN & al. 1999) sur base de l’amplitude géographique (Géogr.), écologique (Ecolog.) et de l’abondance (Abond.).

Les pourcentages sont calculés par rapport au nombre d’espèces pour lesquelles la catégorie de rareté a pu être déterminée (833).

(b)-valeurs obtenues par EILU & al. (2004)

Géogr. Ecolog. Abond. Nbr. Sp. % % (b) Large Large élevée 148 18 30 Large Large faible 151 18 23 Large étroite élevée 108 13 24 Large étroite faible 63 8 16 étroite Large élevée 64 8 0 étroite Large faible 57 7 0 étroite étroite élevée 124 15 5 étroite étroite faible 118 14 2 Indét. 217 Total 1050 193

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