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4 Structures et fonctionnement des sols

4.4 Distribution des métaux à l’échelle micro et submicroscopique

4.4.3 Distributions de Zn, Pb, Cu dans les horizons profonds.

La Fig. 52 montre la cartographie par micro-fluorescence-X de la distribution des éléments en trace Zn, Cu, Pb par rapport à celle de Fe dans un revêtement de fer (ferrane) dans l’horizon E/BT d’un Luvisol examiné dans la tranchée 1 (position 10;4, profondeur 60-68 cm, cf. Fig. 50a, c-e). Le ferrane se superpose à un revêtement d’argile avec des oxydes de fer (ferri- argilane) à la surface d’un grand biopore. La surface analysée représente une partie du ferrane, et mesure 1000 (D(X)) sur 1380 (D(Y)) µm² (Fig. 52a, cadre blanc), c’est-à-dire environ 1.4 mm². Avec un temps de pose de 500s par point d’analyse et une taille de faisceau de 50 x 30 µm², il a fallu au total 137 heures de mesures pour obtenir des cartes élémentaires avec une résolution suffisante.

Les cartes du Fe et du Zn (Fig. 52b) montrent des distributions fortement similaires, confirmées par une valeur remarquable de la corrélation Zn/Fe (R = 0.99, Fig. 52c). Le zinc est présent en grande quantité dans les ferranes, mais également, en quantité moindre, dans les associations fer-argile des revêtements argileux. Pour le plomb et le cuivre, on note également

une co-localisation Pb-Fe et Cu-Fe, mais les valeurs de leurs corrélations RCu/Fe = 0.57,

RPb/Fe = 0.51 (p < 0.0001) sont moins élevées (Fig. 52c). Les teneurs en Cu et en Pb sont sans

doute plus faibles que celle du Zn, et seulement les parties les plus riches en fer montrent des accumulations significatives en Cu et Pb.

Ces distributions indiquent la coprécipitation du fer, qui est libéré en grande quantité dans cet horizon sous l’action de la ferrolyse, et des métaux Zn, Pb, et Cu qui migrent dans la solution du sol, soit sous forme dissoute (Zn) soit sous forme colloïdale (Cu, Pb).

Figure 52. (a) Photographie d’un revêtement de fer (ferrane) dans un large biopore d’horizon E/BT, tranchée 1 (10,4) ; (b) cartographie par microfluorescence-X de la distribution élémentaire de Fe, Zn, Cu, et Pb ; (c) corrélations entre Zn, Cu, Pb et Fe. Taille du faisceau : 50*30µm ; N = 987 points ; t=500s/point d’analyse ; surface totale analysée : 1000 x 1380 µm².

Dans la Fig. 53, les distributions de Ca, Fe, Zn, Cu, Pb sont présentées, cartographiées sur lame mince à la zone périphérique du substrat calcaire (Tranchée 1). La cartographie révèle une particule riche en fer (Fig. 53a), à droite qui contient également du Zn et du Pb (Fig. 53b). Les structures organiques contiennent à la fois du Fe, du Zn et, localement du Cu. Le Zn est fortement corrélé au Fe (R = 0.86), le Pb faiblement et pour Cu on observe une absence de corrélation (Fig. 53c). Cependant, la détection de Cu et de Fe à une profondeur de 70-80 cm, dans des structures d’origine biologique, suggère qu’il y a migration de métaux, logiquement associée au transfert de colloïdes organiques, qui est intercepté par des particules d’oxydes de fer et/ou de structures organiques liées à une activité microbienne. L’arrivée de colloïdes organiques pourraient fournir une source de carbone assimilable et de l’énergie pour l’activité des champignons dans les horizons profonds.

Figure 53. (a) photographie de structures organiques au contact du substrat calcaire, horizon BT/C1, tranchée 1 au coordonnées (10,4), profondeur 70-80cm ; (b) cartographie par microfluorescence-X de la distribution élémentaire de Fe, Ca, Zn, Pb et Cu ; (c) corrélations entre Zn, Cu, Pb et Fe. Taille du faisceau : 50*30µm ; N = 273 points ; t=1000/point d’analyse ; surface totale analysée : 1000 360 µm².

Dans la Fig. 54, les distributions de K, Ca, Fe, Mn, Zn, Cu, Pb sont cartographiées dans la zone de contact entre le substrat calcaire et l’horizon BT dans le sol P6 (secteur des Boërs). Les cartographies révèlent une particule riche en fer de couleur rouge-marron et des structures noires, opaques, qui ont été identifiées ci-avant comme des résidus de sclerotium fongique (cf. Fig. 51). Comme dans l’exemple précédent de la Fig. 53, la particule riche en fer accumule également du Zn et du Pb (Fig. 54b), confirmé par des coefficients de corrélation élevés (RZn/Fe = 0.85 ; RPb/Fe = 0.53, Fig. 54c). Par contre, les particules organiques opaques

concentrent du manganèse, et contiennent du Zn et du Cu, et peut être des trace de Pb (Fig. 54b,c). Les corrélations Zn/Mn et Cu/Mn sont fortes (Fig. 54c).

Figure 54. (a) photographie de particules opaques au contact du substrat calcaire, horizon BT/C1, P8 (les Boërs), au coordonnées (17;40), profondeur 64-72 cm ; (b) cartographie par microfluorescence-X de la distribution élémentaire de K, Ca, Mn, Fe, Cu, Zn, et Pb ; (c) corrélations entre Zn/Fe, Zn/Mn, Cu/Mn, et Pb/Fe. Taille du faisceau : 50 30µm ; N = 324 points ; t=1020/point d’analyse ; surface

Des structures fongiques semblables, accumulant le manganèse, sont décrites dans la littérature, en particulier dans le cas des sols présentant des conditions variés d’anoxie temporaires (Thompson et al., 2005). Les microorganismes, jouant un rôle moteur essentiel dans le cycle biogéochimique du manganèse dans les sols (Ehrlich, 1998), sont à l’origine de

son accumulation en transformant par oxydation le Mn2+, mobile, à partir des zones anoxique,

en oxydes de Mn (Mn3+ ou Mn4+). Ces oxydes de manganèse, noirs et opaques, épousent alors

parfaitement l’emplacement des champignons, dans des zones distinctes, situées le long de l’interface aéré/saturé du sol (Thompson et al., 2005).

A la vue de nos résultats (la morphologie particulière de structures de sclerotium, la présence localisée de manganèse, (ainsi que l’omniprésence de spores, notée dans l’ensemble des horizons des sols, pas présentée ici), une activité fongique d’oxydation du Mn semble probable dans les sols irrigués, où de fortes contrastes d’aération existent périodiquement après des inondations répétées des sols, entre les horizons Bt, très argileux, et le substrat de calcaire soit fortement fragmentée, soit très sableux. Les invaginations profondes de poches d’argile, longtemps saturées d’eau, au sein d’un substrat calcaire qui se dessèche rapidement, constituent des zones particulièrement favorables au développent d’une telle activité de champignons adaptés aux conditions anoxiques. Cette activité dans les horizons profonds peut s’expliquer par la migration de colloïdes organiques à partir de la surface du sol, fortement enrichie en matières organiques par les eaux usées. La présence de colloïdes organiques, notamment des bio-colloïdes dans la solution gravitaire des sols avait déjà été noté par les travaux de Citeau (2004) ; Citeau et al., 2006 ; Lamy et al., 2004). L’arrivée de ces colloïdes organiques en profondeur représenterait donc à la fois une source de carbone et d’énergie pour l’activité des champignons, ainsi qu’une source de polluants métalliques qui sont alors bio-accumulés.

Enfin, dans la Fig. 55, nous examinons les distributions des métaux polluants en relation avec la présence de structures noires opaques dans les horizons E/BT et BT, parfois interprétées comme des revêtements de manganèse (manganes, cf. Fig. 50b, f-h). L’exemple présenté dans la Fig. 55 correspond à l’horizon de transition Eg/BT d’un sol de la Tranchée 4, aux coordonnées (36,1). Cet exemple montre à nouveau, la remarquable distribution localisée du manganèse (Fig. 55b) dans des structures noires au contact d’un ancien revêtement d’argile (Fig. 55a). La localisation de Mn est fortement corrélée à celle de Zn, et de Ni, et dans un moindre mesure avec du Cu (Fig. 55b, c). On note l’absence d’une distribution organisée du plomb. Le fer est présent dans les structures noires, mais également dans le ferri-argilane, corrélé à la distribution du potassium (K), qui est un élément constitutif des argiles (Fig. 55c). Si les structures noires correspondent bien à des fragments de sclerotium, des résidus rigidifiés d’origine fongique, cela signifie que l’activité microbiologique et notamment des champignons dans les sols durablement irrigués avec des eaux usées, concerne l’ensemble des horizons E, E/BT, BT, et Cca, jusqu’à des fortes profondeurs (1 à 2m) et qu’elle joue un rôle important dans le piégeage et l’immobilisation des métaux polluants.

Figure 55. (a) photographie de particules opaques, formant des parties d’un revêtement de manganèse superposé, sur un revêtement d’argile dans un large biopore, horizon Eg/BT, Tranchée 4,aux coordonnées (36,1), profondeur 100-108 cm ; (b) cartographie par microfluorescence-X de la distribution élémentaire de K, Mn, Fe, Cu, Zn, Pb et Ni ; (c) corrélations entre Zn/Mn, Zn/Fe, Ni/Mn, Cu/Mn, et K/Fe. Taille du faisceau : 50 30µm ; N = 210 points ; t=720/point d’analyse ; surface totale analysée : 650 420 µm².