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4 Structures et fonctionnement des sols

4.3 Relations entre les évolutions pédologiques et le devenir des ETM.

4.3.1 Distributions des ETM dans les sols.

La distribution des ETM au sein des structures de cryoturbation apparait plus complexe que le long d’un simple profil vertical dans une fosse pédologique (cf. Fig. 32c,d).

La distribution des teneurs en Zn dans une structure invaginée, tranchée T4 aux coordonnées (36.0, 0), montre des contrastes importants, mais sur des courtes distances (Fig. 44). Ces contrastes, à la fois horizontaux et verticaux, sont liés à la disposition des différents horizons pédologiques. Ainsi, dans les fines bandes E/Bfe, présentes dans l’horizon E, la teneur en Zn

dépasse les 200 mg kg-1, alors qu’au-dessus et en-dessous dans l’horizon E, la teneur est

d’environ 80 mg Zn kg-1 seulement. De même, entre l’horizon BT et les horizons Cca, parfois

distant de moins de 10 cm, la teneur en Zn peut varier de la dizaine à plusieurs centaines de

mg kg-1, comme par exemple à l’extrémité de l’invagination. Par conséquent, compte tenu de

la stratégie d’échantillonnage retenu, combinant des prélèvements parfois selon des profils de sols, parfois prioritairement dans des structures de cryoturbation, la présentation de la distribution des ETM sous la forme de gradients de concentrations en fonction de la profondeur (Fig. 45) montre avant tout une grande variabilité des concentrations en ETM, mais n’apporte que peu d’information sur leur migration dans les sols.

Fig. 44. Distribution des teneurs en zinc à différentes profondeurs dans une structure de cryoturbation ; plan d’échantillonnage centré sur les coordonnées (36.0, 0) de la tranchée T4.

Fig. 45. Relation entre la concentration totale en zinc déterminée à différents profondeurs des sols des tranchées T1, T4 et T6.

L’examen de rapports entre les concentrations en certains ETM considérés comme mobiles dans les sols, (Zn, Cd) (Citeau et al., 2003) et un élément considéré comme peu ou non- mobile (Pb) (Erel et al., 1997 ; Semlali et al., 2004 ; Fernandez et al., 2007) permet d’apprécier des enrichissements relatifs dans différents horizons des sols. Dans l’hypothèse qu’au sein des mêmes horizons (E, BT, Cca), les natures minéralogiques sont similaires, un rapport Zn/Pb ou Cd/Pb indiquerait donc une migration et accumulation de Zn ou Cd dans l’horizon, pour une même teneur en Pb. De tels rapports Zn/Pb, Cu/Pb et Cd/Pb (× 100) sont présentés dans la Fig. 46a-i), pour l’ensemble des horizons de sols des tranchées T1, T4, et T6. De plus, dans les 3 graphes de T1 (Fig. 46a, d, g) figurent également les valeurs des rapports déterminées dans les horizons L, E, BT, BC et Cca du sol témoin DBZ (points en vert claire, reliés par un trait en pointillé).

Ces graphes montrent de manière générale une faible dispersion des rapports pour les horizons de labour (sauf cas exceptionnels comme le rapport Cu/Pb dans la tranchée 6, Fig. 46f). Cette faible dispersion dans l’horizon de labour peut être attribuée à i) la présence des polluants métalliques dans les eaux d’irrigation, ii) l’arrivée concomitante des ETM avec la MO d’origine urbaine, iii) le rôle de cette dernière dans la rétention des ETM en surface, et iv) l’homogénéisation de l’horizon de surface par le labour annuel. Cependant, pour les horizons L des sols de T6, les graphes montrent une plus grande variabilité, aussi bien pour Zn/Pb (0.5 – 2, Fig. 46c), Cu/Pb (0.2 – 3, Fig. 46e, que pour Cd/Pb (0.2 – 1.0, Fig. 46i). Cette grande dispersion indique soit une plus grande variabilité dans la distribution spatiale des polluants (hétérogénéité d’irrigation, autres apports de déchets), soit un appauvrissement relatif en éléments mobiles dans cet îlot d’irrigation, dépendant d’un autre réseau de distribution des eaux usées que l’îlot de T1 et T4, comme cela avait déjà été suggéré par Tamtam et al. (2010) au cours de leurs recherches sur le devenir des polluants organiques.

a b c

d e f

Dans les horizons plus profonds, la variabilité des valeurs est importante, et les rapports sont presque toujours plus grands que les valeurs observées dans les horizons correspondants du sol témoin DBZ (Fig. 46a,d,g). L’étendu des valeurs est particulièrement grande pour les horizons de la tranchée T1, avec des rapports Zn/Pb qui peuvent atteindre jusqu’à 30 – 50 en E, 15 – 40 en BT et qui varient de 5 à 50 dans l’horizon Cca (Fig. 46a). Mais cette variabilité importante s’observe aussi pour les rapports Cu/Pb (Fig. 46d) et Cd/Pb (Fig. 46g). Elle est sans doute liée au plan d’échantillonnage, selon une dizaine de profils de sols de la tranchée T1 (aux coordonnées 2.0, 6.0, 10.0, 10.5, 13.0, 13.5, 23.0, 27.5, et 28.5), couvrant ainsi différentes structures d’origine cryogénique : invaginations et zones de remontés de bouillies calcaires directement sous l’horizon de labour. Par contre, dans les tranchées T4, et T6 où le plan d’échantillonnage a privilégié le prélèvement d’échantillons au sein de deux grandes structures de cryoturbation, la variabilité des rapports Zn/Pb, Cu/Pb et Cd/Pb dans les différents horizons est, vue dans son ensemble, plus restreinte. D’autre part, le niveau de contamination en surface est plus important en T1 par rapport aux tranchées t4, et T6 (cf. Fig. 45).

Cette grande variabilité des rapports entre Zn/Pb, Cu/Pb, et Cd/Pb dans les horizons situés sous l’horizon de labour indique une certaine migration et accumulation en profondeur des sols, mais à des degrés très variables. On note en particulier la large étendue des valeurs de Zn/Pb (et dans un moindre mesure pour Cd/Pb) dans les horizons Cca des sols du T1. En regardant de plus près les données de Zn/Pb de la Fig. 46a pour les horizons Cca des sols de la tranchée T1 (Fig. 47) on peut noter une tendance à l’augmentation de ce rapport quand l’horizon Cca apparaît plus haut dans le solum. Le transfert maximal de Zn dans le substrat calcaire se manifesterait donc dans les remontées de l’encaissant calcaire. Cependant, le drainage vertical et latéral des quantités d’eaux usées dépend de plusieurs facteurs, de la position des sols aux bouches d’irrigation, de la microtopographie locale, de la présence de structures de cryoturbation, et de la perméabilité du fond des horizons de labour, permettant l’eau de s’infiltrer vers les horizons profonds.

Fig. 47. Relation entre le rapport Zn/Pb dans l’horizon Cca et sa profondeur d’apparition à différentes localisations de la tranchée T1.

Enfin, les indications de migration pour le Cu et Cd qui s’observent dans la Fig. 46, en tenant compte de leurs affinités respectives fortes pour les matières organiques, suggèrent qu’une partie importante du transfert des ETM dans les sols de Pierrelaye s’effectue sous forme colloïdale.

Cette constatation implique qu’il faut envisager aussi la possibilité d’existence de distributions particulières des différents éléments métalliques, qui auraient migrés en

retrouver à différents endroits en profondeur des sols. Ces accumulations localisées ne sont pas nécessairement mesurables par un échantillonnage suivant une grille en carrés de 10 x 10 cm, voire un échantillonnage centimétrique, même si la stratégie d’échantillonnage a été basé sur des caractères morphologiques des horizons sur le terrain. D’autant plus que ces échantillons prélevés en vrac sont homogénéisés, broyés et tamisées avant leur mise en solution totale pour l’analyse du contenu en métaux (ISO no. 1-1380 ; Afnor, 2004). De telles accumulations de métaux, non détectables par un échantillonnage raisonné sur la macromorphologie d’horizons, avaient été mise en évidence pour le cas du plomb dans des horizons profonds d’un sol contaminés par des résidus de la métallurgie dans le Nord de la France (van Oort et al., 2006 ; 2007).

Nous avons donc étudié sur des échantillons non-perturbées (lames minces) prélevés dans les différents horizons des sols afin de vérifier la présence de telles accumulations microscopiques, qui pourraient confirmer l’existence de transfert de polluants métalliques par voie colloïdale.

4.3.2 Relations "ferrolyse – localisation du zinc".

L’évolution pédologique produite sous l’action prolongée de l’épandage d’eaux usées a

affecté la minéralogie des argiles, principalement dans la partie supérieure des sols irrigués. Le processus de ferrolyse a notamment accentué le contraste dans la réactivité des argiles entre horizon E et BT, notamment vis-à-vis des ETM. Dans la Fig. 48, les relations entre la CEC et la teneur totale en Zn déterminées sur la fraction argileuse extraite des horizons E, /BT, et BT sont montrées pour une sélection de sols de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt.

N.B. Rappelons que ces horizons E, E/BT, et BT sont pauvres en MO et dépourvus de carbonates, par conséquent l’extraction des fractions argileuses a été effectuée à l’aide de l’eau seulement, sans ajout d’autres agents chimiques qui peuvent déplacer les métaux d’une phase du sol à une autre.

Cette présentation des relations entre la teneur totale en Zn et la CEC de la fraction argileuse montre que le rapport Zn/CEC est toujours maximal dans les horizons E des sols soumis à l’épandage centenaire, alors qu’il est minimal dans l’horizon BT. Dans le sol témoin, DBZ-2, les valeurs de Zn/CEC sont identiques entre les horizons E et BT. En outre, rappelons également les profils caractéristiques des concentrations en ETM dans les Luvisols (cf. Fig. 32c, d), montrant généralement une teneur minimale en Zn dans l’horizon éluviaux et son

accumulation dans les horizons illuviaux (BT), attribué à la rétention de Zn2+ sur le complexe

d’échange des argiles.

L’ensemble de ses observations soulève des questions sur la distribution du Zn et la réactivité des argiles silicatées dans les horizons affectés par la ferrolyse (cf. Fig. 40, 38, 43). Il intervient probablement des différences de localisation et de spéciation du Zn.

Fig. 48. Rapport de la teneur totale en Zn et la valeur de la CEC déterminées sur les fractions argileuses extraites des horizons E, E/BT et BT de sols sélectionnés dans différents endroits de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt, ainsi que des horizons E et BT d’un sol de référence dans le secteur non-irrigué (DBZ-2).

Afin d’élucider cette apparente contradiction dans la distribution du Zn, une partie des fractions argileuses préparées pour leur examen par la diffraction des rayons-X, préalablement saturées en cation Ca (plus de Zn échangeable !) a été soumise à des extractions chimiques par citrate-Na. Ce traitement est utilisé en minéralogie des argiles pour extraire l’aluminium placé en position interfoliaire des smectites alumineuses et chlorites secondaire, afin de vérifier leur nature smectitique initiale (Tamura, 1958 ; Robert & Tessier, 1974 ; Barnishel & Bertsch, 1989). Dans ces extraits, les concentrations en Al et Zn ont été analysées (Fig. 49). Les résultats de ces extractions montrent que dans certains horizons E, les quantités de Zn extraites sont considérables, similaires (T1-13.5) ou supérieurs (T1-10.5) aux quantités d’Al extraites des espaces interfoliaires des minéraux argileux. Dès les années 1960, des études minéralogiques ont signalé la rétention du zinc sur des argiles de type smectite, en excès par rapport à la valeur de CEC (Bingham et al., 1964). Par ailleurs, des études récentes de Jacquat

et al. (2009) montrent que le Zn s’incorpore préférentiellement dans le réseau des polymères

d’aluminium dans les smectites Intergrades hydroxylés. Bien que réalisées sur un nombre restreint de fractions argileuses, nos résultats sont en accord avec les résultats de ces deux études. Dans l’horizon E du sol PC-25, la valeur du rapport Zn/Al extrait au citrate et la valeur de la CEC sont confondus avec les résultats des horizons BT, ce qui est en accord avec le faible degré de ferrolytisation constaté dans ce sol développé sur substrat calcaire de type Cca2 (cf. Fig. 35).

Fig.49. Rapport de la teneur totale en Zn et la valeur de la CEC déterminées sur les fractions argileuses extraites des horizons E, E/BT et BT de sols sélectionnés dans différents endroits de la plaine de Pierrelaye-Bessancourt, ainsi que des horizons E et BT d’un sol de référence dans le secteur non-irrigué (DBZ-2).

Cependant, il faut encore expliquer pourquoi certains horizons E, à très faible valeur de CEC

(de 30 – 40 cmol+ kg-1) comparé à environ 60 cmol+ kg-1 observés dans les horizons BT, les

proportions de Zn et Al sont très faibles. Pour certains sols (PC-18) on peut invoquer le faible degré de contamination des sols (Lamy et al., 2006), mais pour d’autres, est-ce parce que la ferrolyse a conduit à la présence de chlorites secondaires, dans lesquels la couche hydroxylée [Al +Zn] s’est stabilisée au point de ne plus être extractible par le traitement Citrate de sodium ? Ces questions restent du domaine de recherches futures.