4. Les distributions d’équilibre
Les équations de l’hydrodynamique classique (c’est-à-dire les équations de Navier-
Stokes) peuvent s’obtenir en perturbant les populations qui sont des solutions sta
tionnaires uniformes à l’équilibre statistique de l’équation de LiouviUe. Dans le cas
d’un gaz réel, ces solutions d’équilibre correspondent à une distribution de Maxwell-
Boltzmann des populations. Nous allons montrer dans cette section que les gaz sur
réseaux possèdent également des solutions stationnaires et uniformes de l’équation de
LiouviUe, donnant lieu à une distribution de Fermi-Dirac des occupations moyennes.
Ces solutions d’équilibre sont universeUes, en ce sens qu’elles ne dépendent pas des
règles de coUisions particulières utilisées, pour autant que ces dernières satisfassent
aux conditions C1-C3 de la section 2.c. Nous calculerons également la forme ex
plicite de ces solutions d’équilibre en termes des grandeurs moyennes conservées p,
U et 0 pour de faibles vitesses hydrodynamiques u.
a. Les solutions d’équilibre uniformes de l’équation de LiouviUe
Nous recherchons des solutions stationnaires et uniformes de l’équation de Liou-
ville (1.3.25). Les collisions qui se produisent dans les gaz sur réseaux sont pure
ment locales (la portée d’interaction entre les particules est nulle), ce qui permet
d’introduire une hypothèse de factorisation : les distributions d’équilibre se mettent
sous la forme d’un produit de distributions, chaque distribution ne dépendant que
de l’état en un seul nœud
-P(«.) = n
pW’’)) •
r€C
La généralisation à deux espèces du théorème-H démontré par M. Hénon [Frisch et
al. 1987, Appendice F] implique que la fonction décroît au cours du
temps et est bornée inférieurement par
^p(s)lnp(s) > Y^(XilnXi 4- Y.-lnY;- + {1 - iV.)ln(l - A.)) . (4.2)
3 i
Ceci suggère que la solution d’équilibre p{s) soit celle pour laquelle cette borne est
atteinte ; elle est alors de la forme
Pis) ^HX^X^'il - iV.)('-’'-) , (4.3)
i
c’est-à-dire qu’elle est factorisée sur toutes les occupations de chaque nœud, ce qui
est équivalent à supposer l’indépendance de tous les nœuds et la décorrélation de
toutes les directions.
H faut maintenant vérifier s’il existe réellement des solutions de la forme (1.4.1)
où pis) est factorisée selon (1.4.3). Partant de l’équation de LiouviUe (1.3.27), nous
y substituons l’expression complètement factorisée pour obtenir
= s')l[X-^Yl'^il - , Vs' . (4.4)
Nous définissons les populations réduites
5.-1 _ iVi ’ 1 - Ni
ce qui permet de réécrire (1.4.4) comme
1-Ni' (4.5)
11(111(1vs', (4.6)
soit encore
B-l B-ln j;'=E ■^(» - *') n .
v»'-j=0 s j=0
(4.7)
La suite de la démonstration est identique à celle de l’appendice C de [Frisch et al.
1987]. Nous multiplions les deux membres de (1.4.7) par s'- et sommons sur l’ensemble
des états s' possibles. Nous remplaçons la variable muette s' par s dans le membre
de gauche et y introduisons le facteur A(s —► s') = 1. Nous obtenons ainsi
B-l
x:(4: - 4i).4(4 -
>')n ^1'=0 ■
s,s' j=0
(4.8)
Nous multiplions chacun des deux membres par ln5, et sommons sur i, ce qui donne
A(s s') In H = 0 , (4.9)
avec
B-l B-l
E=n^'. 2'=n^i'- (i-io)
j=0 j=0
En invoquant le bilan semi-détaillé (X^, i4(s —> s') = A(s -♦ 5') = 1), nous
pouvons écrire
J2A{
s^
s'){E-E') = 0, (4.11)
ce qui, combiné à (1.4.9), nous donne
E >1(4-4') [i" (|)
h+
h-
h'] =0 (4.12)
Les ajguments E et E' étant strictement positifs, chacun des facteurs [E ln(E'/—) -|-
E - E'j ne peut prendre que des valeurs négatives ou milles, la valeur nulle n’étant
obtenue que si E = E'. Le membre de gauche de (1.4.12) est donc une somme de
grandeurs de même signe avec des poids i4(s —» s') tous positifs ou nuis. Une telle
somme ne peut s’annuler que si chacun des termes s’annule séparément. Ceci impose
que
4. Les distributions d’équilibre 45
Pour obtenir un invariant de sommation, nous prenons le logarithme des deux mem
bres
B-i B-l«î In Si = In Si , Vs, A(s ^ s') ^0, (4.14)
t=0 t=0ou encore
B-l- s,)A(s -> s')\nSi = 0 , Vs,s' , (4.15)
t=0ce qui implique que In 5, est un invariant de collision. La forme la plus générale d’un
tel invariant est une combinaison linéaire des grandeurs conservées par la collision,
c’est-à-dire la masse de chaque espèce et les D composantes du moment microsco
pique (propriété Cl de la section 2.c), ce qui s’écrit
ln5i = -{hi + q-Ci) , (4.16)
où hi et q définissent D-|-2 paramètres, h, prenant l’une des valeurs hx ou hy selon
que i fait référence à une particule X ou y. Les populations d’équilibre uniformes
sont donc de la forme
X'" =
x;’ =
1
1 -I- exp{hx + q •
Cf)_________ 1________
1 +
exp(/iy-I- q •
Cf)________ 1________
1-h exp(/i-I-q • Cf)
(4.17)
(4.18)
(4.19)
avec h = — ln(e“^^ -|- e“^''). Cette forme particulière des fonctions d’équilibre Xf,
Vf et Ni correspond à une distribution de Fermi-Dirac, ce qui est bien compatible
avec la nature Booléenne des occupations microscopiques Xf, yi et nf. Lorsque nous
substituons ces expressions des Xi et Yi dans la relation (1.4.3), la probabilité d’un
état s s’écrit
p{s) = exp l-hxJ2^i -hrYlvi-^'Y^ ) Il(^ “
\ t * t / t
(4.20)
et ne dépend dès lors que des propriétés physiques (nombres de particules de chaque
espèce et moment total) associées à cet état et pas de la configuration particulière
des particules ; ceci implique que des états ayant des configurations différentes mais
correspondant aux mêmes propriétés physiques ont la même probabilité d’apparition
pour ces solutions d’équilibre uniformes.
Le calcul qui vient d’être effectué montre que l’équation de Liouville (1.3.27)
possède des solutions d’équilibre uniformes pour lesquelles les Si ont la forme d’une
distribution de Fermi-Dirac. Si ce développement montre que des solutions du type
(I.4.17)-(L4.19) existent, il ne prouve pas qu’elles sont uniques, ni que, si d’autres
solutions existent, les solutions effectivement sélectionnées par la dynamique seront
les distributions de Fermi-Dirac (I.4.17)-(I.4.19). Cependant, le théorème-H mon
tre que ces solutions ont une grande probabilité d’apparition et sont les plus sta
bles dans l’ensemble des solutions. De plus, toutes les simulations réalisées jusqu’à
présent montrent que la distribution de Fermi-Dirac est la seule solution d’équilibre
effectivement obtenue au cours de l’évolution d’un gaz sur réseau.
Les paramètres hx, hy et q dépendent a priori de l’état microscopique du gaz
exprimé en terme des grandeurs conservées p, pu et p6 ainsi que des règles de collision
microscopiques exprimées par la matrice de transition A(s -+ s'). Nous remarquons
cependant que la définition des grandeurs moyennes
^ ^ 1 ±exp(/i± q-c.) (4.21)
= Çl+exp(ft + <,.c,) (4.22)
Ç ^ 1 ± exp(/ix ± q • c.) (4.23)
correspond à la donnée de D -|- 2 équations non-linéaires qui permettent d’exprimer
de manière unique les D + 2 paramètres h, q et hx en termes des grandeurs
physiques p, u et 6. Ceci implique que les fonctions /i(p,u), q(p,u) et hx{p,u,0)
sont indépendantes des règles de collision. Les distributions de Fermi-Dirac (1.4.17)-
(1.4.19) paramétrées par p, u et 6 sont donc des solutions d’équilibre uniformes
universelles pour tout modèle de gaz sur réseau obéissant aux propriétés décrites
dans la section 2.
Les équations (I.4.21)-(I.4.23) forment un système d’équations non-linéaires, et
de ce fait ne permettent pas en général d’obtenir d’expressions explicites pour les
fonctions /i(p,u), q(p, u) et hx{p,M,0)- Dans le cas du modèle HPP à une espèce,
le système peut se réduire à une équation polynomiale du troisième degré [Hardy
et al. 1973], dont les solutions donnent une expression formelle des populations
en fonction de p et u. H est également possible d’obtenir les solutions du système
(I.4.21)-(I.4.22) lorsque la vitesse est suffisamment faible et présente une orientation
particulière par rapport aux axes du réseau dans le cas des modèles FHP ou FCHC
incolores [d’Humières et Lallemand 1987 A, Diemer et al. 1989].
Les figures lla-c représentent les populations moyennes iV, pour différentes den
sités moyennes par lien d du modèle FHP-I* en fonction de la vitesse lorsque celle-ci
est parallèle à l’une des directions du réseau c,-. Les symétries du réseau impliquent
qu’il n’y a dans ce cas que quatre populations différentes correspondant à la di
rection c, parallèle à u, aux directions à ±60° par rapport à u, aux directions à
±120° par rapport à u et à la direction opposée à u. Même dans ce cas simple, il
n’est pas possible d’obtenir une expression algébrique pour les A, en fonction de d
et de u. Les figures lla-c ont donc été obtenues en résolvant de manière itérative
'Grâce à l’universalité de la distribution de Fermi-Dirac en tant que solution de l’équation de Liouville, ces populations représentent les distributions d’équilibre pour tout modèle FHP â six vitesses (c’est-â-dire fc = 6m = 6, fcr = 0 et ZJ = 2).
4. Les distributions d’équilibre 47
Figure 11: Les populations d’équilibre N
q, Ni = N
5, N
2= N
4et N
3(de haut en
beis sur chaque figure) en fonction la vitesse hydrodynamique u = (u,0) alignée
le long de la direction
cqpour le modèle FHP-I. Les trois figures correspondent
respectivement à une densité moyenne par lien de 0.1, 0.3 et 0.5.
l’équation de Boltzmann sur réseau (voir section 3.d) associée à la dynamique du
modèle FHP-I pour des populations Ni uniformes (les détails de ce calcul sont donnés
dans l’appendice A). D est intéressant d’observer que les A, varient de manière forte
ment non-linéaire en fonction de la vitesse pour les vitesses élevées et qu’il existe
une vitesse u maximale dépendant de la densité au-delà de laquelle il n’existe plus
de populations d’équilibre uniformes. La dépendance des populations en fonction de
la vitesse pour les vitesses faibles présente par contre une symétrie et une linéarité
manifestes. Cette observation suggère qu’un développement en série des populations
en fonction de la vitesse doit être valable à la limite des vitesses faibles.
b. Les populations d’équilibre à faible vitesse
Dans un gaz réel classique, la distribution d’équilibre des vitesses est une distribution
de MaxweU-Boltzmaiin. L’invariance des lois physiques par une transformation de
Galilée implique alors que les populations A,(p, u) ne dépendent que de la différence
c, - U
dans une description continue. La présence du réseau et d’une vitesse maximale
finie c a pour conséquence que les populations d’équilibre Ni ne sont pas invariantes
par une transformations de Galilée dans le céis des gêiz sur réseaux. Nous venons
de voir que la forme générale des populations d’équilibre est universelle (c’est-à-dire
indépendante du modèle de gaz sur réseau considéré), mais qu’il n’est en général pas
possible d’obtenir la forme explicite des fonctions h{p, u) et q(p, u) qui interviennent
dans les distributions de Fermi-Dirac (1.4.19). Il est cependant aisé d’obtenir une
forme explicite des populations lorsque la vitesse hydrodynamique u est faible vis-
à-vis de la vitesse des particules (c’est-à-dire u = ||u|| •< c) en développant en série
les fonctions h et q en termes de la vitesse u (un développement au second ordre
en u nous suffira puisqu’il correspond à l’ordre le plus élevé apparaissant dans les
équations de Navier-Stokes).
Lorsque u = 0, nous pouvons effectuer une isométrie quelconque du réseau sans
modifier la situation physique. Les populations A, doivent donc être indépendantes
de i, ce qui implique que
q(p,0) = 0 (4.24)
Ni{p,0) = ^ = d. (4.25)
Nous développons maintenant h et q en puissances de u en remarquant que l’inva
riance des populations par renversement de l’espace (u ——u, c, -+ —c,) exige que
h{p, u) soit une fonction paire de u et q(p, u) une fonction impaire de u,
h{p, u) = ho + h2U^ + O(u^) (4.26)
qa(p, u) = ÇiUa + O(u^) . (4.27)
n est à noter que le caractère scalaire de qi et /12 est dû à l’isotropie de tout tenseur
de rang 2 apparaissant dans les modèles (propriété P3 de la section 2.b). Nous
développons les A, au second ordre en termes des fonctions h et q, puis nous util
isons les définitions des grandeurs moyennes (1.3.33)-(I.3.34) et la valeur du moment
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