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1.2.1 Effet des revêtements sur la vitesse de dissolution

Dans un milieu naturel, on observe un couplage fort entre les réactions de dissolution et de précipitation secondaire qui interviennent souvent de manière simultanée. Alekseyev et al. (1997) montrent par exemple, que les cinétiques de dissolution de la sanidine et de l’albite, mesurées à 300C, 88 bars et pH 9 en présence de NaHCO3et KHCO3, sont totalement contrôlées par la vitesse de préci-pitation des phases secondaires (analcime et sanidine).

La formation de phases secondaires sur un minéral peut créer un masque et empêcher un contact direct entre le fluide et la surface minérale. Cela peut se tra-duire par une baisse de la surface de minéral primaire exposée au fluide (Cubillas et al. 2005) ou par la mise en place d’une barrière de diffusion pour les solutés (Zhu et al. 2006). Ces deux facteurs peuvent influencer la vitesse de dissolution effective du minéral sous-jacent. A ce titre, la présence de revêtements est souvent invoquée pour expliquer la différence entre les vitesses de dissolution mesurées en laboratoire et celles observées sur le terrain (e.g. Nugent et al. 1998; White and Brantley 2003).

La quantification de l’effet des couvertures de phases secondaires a fait l’objet de différentes études. Certaines d’entre elles ne mettent pas en évidence un ef-fet inhibiteur majeur des revêtements. Par exemple, Petrovi´c (1976), Berner and Holdren (1977, 1979) et Lee et al. (2008) observent que la présence de couver-tures d’argile n’affecte pas de manière significative la vitesse de dissolution des feldspaths. Giammar et al. (2005) ou Stockmann et al. (2011, 2013) concluent de la même manière quant à l’effet de la précipitation de carbonate sur les vitesses de dissolution de la fosterite, des verres basaltiques ou du diopside. De même, Hod-son (2003) montre un effet très limité des couvertures sur la vitesse de dissolution de l’anorthite. Tous expliquent leurs résultats par la structure des revêtements

for-més. Ceux-ci sont soit très poreux, discontinus ou présents sous forme de cristaux distincts. Ils ne limitent donc pas significativement les interactions fluide/minéral primaire.

En revanche, Daval et al. (2009) montrent que, bien que l’effet de la précipi-tation de carbonate de calcium sur la dissolution de la wollastonite est limité en milieu acide, celui-ci peut être important à pH neutre car la structure du revête-ment est plus dense. Cubillas et al. (2005) observent que les vitesses de dissolution de la calcite ou de l’aragonite sont fortement impactées par la présence d’otavite (CdCO3) en surface. En effet, ils observent que la présence d’une couche d’otavite de 0,01 à 10 µm d’épaisseur induit une diminution de la vitesse de dissolution

des carbonates jusqu’à deux ordres de grandeur. Cette étude montre que l’effet des couvertures secondaires est plus important lorsque la croissance des précipités se fait de manière épitaxiale1. Il semble nécessaire que le revêtement ait une struc-ture similaire au minéral primaire pour qu’il soit imperméable et affecte significa-tivement la cinétique de dissolution du minéral. De plus, dans le cas de réactions couplées, Velbel (1993) indique que le rapport entre les volumes molaires des pro-duits (phases secondaires) et des réactifs (minéral primaire) doit être supérieur à 1 pour aboutir à la passivation de la surface réactive.

Au contraire, Murakami et al. (1998) observent que la précipitation de phases secondaires peut aussi stimuler la dissolution des minéraux par l’intermédiaire d’une augmentation de l’affinité chimique de la réaction (i.e. la consommation des ions produits par dissolution permet de maintenir la réaction de dissolution dans des conditions loin de l’équilibre chimique).

On remarque que l’effet des revêtements n’est pas unique. Il semble surtout dépendre de la relation structurale entre les phases secondaires et les phases pri-maires, ainsi que de la localisation du revêtement. De plus, leur formation affecte les conditions chimiques du milieu réactionnel (p. ex. pH,rG). Isoler l’impact des

couvertures secondaires sur les vitesses de dissolution peut donc être complexe. Bien que les effets des revêtements puissent être correctement reproduits a

pos-teriori(e.g. Daval et al. 2009), ils ne sont pas anticipés par les codes de transport réactifs usuels en raison de deux facteurs principaux : (i) la non-prise en compte du processus global de nucléation-croissance des phases secondaires, qui condi-tionne la localisation et l’étendue surfacique de la couverture secondaire et (ii) la méconnaissance du coefficient de diffusion effectif des revêtements. Finalement, la

1Epitaxie : phénomène d’orientation mutuelle de cristaux de substances différentes dû à des analogies étroites dans l’arrangement des atomes des faces communes

surface réactive des minéraux est très souvent utilisée comme un paramètre d’ajus-tement dans les modèles géochimiques. Fournir des informations sur la diffusivité des revêtements et l’évolution de la surface réelle exposée au fluide permettrait d’améliorer les capacités prévisionnelles des modèles de transports réactifs.

1.2.2 Formation des phases secondaires

Pour cette étude il est nécessaire que les phases secondaires se forment à même la surface du minéral primaire. Concernant ce point, Stockmann et al. (2011) ob-servent que la précipitation de carbonates de calcium (CaCO3) a lieu sur la sur-face d’un verre basaltique lorsque la solution en entrée du réacteur à circulation ne contient pas de calcium. Le calcium nécessaire à la formation des phases secon-daires provient alors directement de la dissolution du verre. En revanche, lorsque qu’une solution riche en calcium est introduite dans le milieu réactionnel, la for-mation de CaCO3 n’intervient pas sur la surface du verre basaltique, mais par nucléation homogène dans la solution.

Au final, les études réalisées mettent en évidence l’importance de la morpho-logie et de la localisation des phases secondaires. Leur effet inhibiteur semblerait dépendre des structures relatives des phases primaire et secondaire, du degré de saturation du fluide et de la source des éléments constitutifs des revêtements.

2 Stratégie adoptée

Afin de quantifier l’effet protecteur potentiellement induit par les couvertures secondaires, notre stratégie a consisté à réaliser des expériences de dissolution sur des poudres d’orthose préalablement recouvertes de phases secondaires. La pre-mière étape du protocole consiste à former un revêtement de phases secondaires sur le minéral primaire. Pour cela les conditions de saturation du fluide utilisé sont choisies afin de favoriser la formation de phases secondaires. En changeant le pH, la concentration du fluide, le débit ou encore le temps de réaction, il est possible de faire varier les propriétés physicochimiques des phases secondaires (structure, proportion de surface couverte, épaisseur). La seconde étape est l’évaluation de la vitesse de dissolution du minéral primaire recouvert de phase secondaire. Celle-ci est effectuée par bilan de masse établi à partir de la variation des concentrations en solution. Enfin, la comparaison des vitesses de dissolution des poudres couvertes et non-couvertes permettra de quantifier l’effet des revêtements sur la cinétique de dissolution de l’orthose.

La caractérisation des revêtements permettra aussi de fournir des valeurs de coefficient de diffusion, d’épaisseur de revêtement et de proportion de surface re-couverte. Ces informations sont nécessaires au développement et à l’amélioration de la modélisation des processus couplés de dissolution de phases primaires et de nucléation-croissance de phases secondaires.

Dans les chapitres suivants sont présentés le protocole expérimental utilisé, les résultats obtenus ainsi qu’une discussion approfondie des résultats. Enfin, un modèle numérique simulant la diffusion des espèces aqueuses à travers les couver-tures de phases secondaires est décrit et discuté dans le chapitre IV.

II

Matériel et méthode

Sommaire

1 Caractéristiques des échantillons d’orthose . . . 27

2 Réacteur à circulation . . . 28

3 Procédures suivies . . . 30

3.1 Détermination des conditions de réaction . . . 30