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Dissipation dans les mousses en ´ecoulement

J ~v M, et ¯¯¯¯ G ≃ ∇v d’apr`es la section 6.2.2, et l’´equation d’´evolution se

transforme formellement en :

DM¯¯

Dt =∇v·M¯¯ + ¯¯M ·t∇v+ ¯¯T(∇v,M¯¯). (6.6) Si l’on parvient `a pr´edire la d´ependance du tenseur topologique ¯¯T en fonction du gradient de vitesse et de la d´eformation, nous aurons trois ´equations permettant en principe la d´etermination compl`ete du champ de vitesse et des contraintes ´elastiques (via la d´eformation statistique, ´equation (6.1)) dans le r´egime o`u la dissipation est n´egligeable : d’une part, les classiques ´equations de conservation de la masse et de la quantit´e de mouvement, d’autre part, l’´equation de conser-vation du tenseur de texture (6.6) dans laquelle on injecte la relation constitutive

¯¯

T(∇v,M¯¯).

6.3 Dissipation dans les mousses en ´ecoulement

Nous avons ´evoqu´e dans la section 5.1 que la dissipation pour une mousse 2D confin´ee par une ou deux plaques provient essentiellement du frottement bulle/paroi [20]. Ce cas est int´eressant, car il s’applique `a un grand nombre d’´etudes exp´erimentales de rh´eologie 2D des mousses (except´e le radeau de bulles ; voir la figure 1.1 pour se rem´emorer les syst`emes quasi-2D), et car il permemt de n´egliger la dissipation intrins`eque de la mousse, dont l’expression exacte reste un probl`eme ouvert, devant un frottement externe bien connu. Nous nous pro-posons maintenant de r´efl´echir aux implications de cette dissipation d’origine extrins`eque.

6.3.1 Localisation de la dissipation

Il convient dans un premier temps de localiser les zones de forte dissipation. Cantat, Kern et Delannay [20] proposent que ces zones sont les bords de Plateau (figure 6.2a), ´etant donn´e que ces zones sont des zones de fort gradient de vitesse. Nous avons utilis´e ce mod`ele pour d´ecrire de mani`ere correcte la variation de perte de charge en fonction de l’aire des bulles (section 5.2.3). Allons un peu plus loin ; l’hypoth`ese principale, et implicite, de ce mod`ele, est l’hypoth`ese d’interface fluide : cela transparaˆıt sur la figure 6.2a, par les commentairesV = 0 dans le film entre la paroi et les bulles. Comme les bulles d’air avancent `a vitesse non nulle, il existe donc une discontinuit´e de vitesse `a l’interface, que celle-ci subit sans r´eagir si et seulement si elle est parfaitement fluide, notamment si sa viscosit´e de cisaillement est n´egligeable.

Fig.6.2 – (a) Figure 1(a) de [20] : localisation des zones de forte dissipation dans le r´egime d’interface fluide. (b) Interfaces rigides : d´eveloppement de gradients de vitesse dans les films entre bulles et paroi (voir aussi [41]).

Dans la pratique, si certains surfactants forment une interface assez fluide pour que le mod`ele pr´ec´edent fonctionne, cela n’est pas vrai pour tous les sur-factants. Par exemple, les prot´eines forment aux interfaces des milieux pouvant ˆetre cristallins ou amorphes, avec des propri´et´es ´elastiques ou plastiques (voir par exemple [31]). Dans ce cas, l’interface elle-mˆeme a tendance `a r´esister aux gradients de vitesse, et on aura alors un gradient de vitesse dans les films entre les bulles et la paroi ; ce film ´etant tr`es fin, le gradient sera fort, et on peut alors s’attendre que les zones de films fins contribuent de fa¸con significative, si ce n’est pr´epond´erante, `a la dissipation de la mousse 2D (figure 6.2(b)).

Peut-on mesurer les cons´equences de ces deux modes de dissipation `a l’´echelle de la mousse enti`ere ? Dans le cas des interfaces fluides, ce sont les bords de Plateau qui dissipent, alors que dans le cas des interfaces rigides, ce sont aussi (et surtout ?) les films bulle/paroi. Or l’importance des bords de Plateau est crucialement modifi´ee par la fraction fluide : ainsi, pour des mousses tr`es humides comme celle d’´epaisseur 2 mm (photos 3.6), les bords de Plateau sont des zones de transition beaucoup plus douces, donc de gradient de vitesse beaucoup plus faibles. Dans l’hypoth`ese d’interfaces fluides, on s’attend donc `a une chute notable de la dissipation, donc du gradient de pression. La figure 3.22 montre qu’il n’en est rien : on en d´eduit que nos interfaces sont au moins partiellement rigides, et qu’une partie pr´epond´erante de la dissipation s’op`ere bien entre les bulles et la paroi. Cela corrobore la mesure de l’exposant du gradient de pression en fonction du d´ebit (section 5.2.2).

Selon la rh´eologie des interfaces, un ´ecoulement de mousse quasi-2D confin´ee par une (ou deux) plaques va donc dissiper majoritairement soit dans les bodrs de Plateau, soit dans les films mines entre bulles et paroi. Ceci dit, dans ce cas, la dissipation dans les films entre bulles elles-mˆemes reste n´egligeable, car

les gradients de vitesse y sont beaucoup plus faibles ; c’est donc une dissipation externe (car li´ee `a la pr´esence des parois) qui pr´edomine.

6.3.2 Dissipation extrins`eque et loi de Bernoulli modifi´ee

´

Equation du mouvement avec une dissipation purement extrins`eque

La dissipation extrins`eque agit comme une force ext´erieure sur la mousse, et non pas comme une contrainte. La densit´e de force associ´ee peut s’´ecrire :

~

f =−κvαv,ˆ (6.7)

o`u ˆv =~v/v, et o`u κ est le coefficient de dissipation extrins`eque. Nous avons vu

que l’exposant α ´etait en g´en´eral compris entre 1/2 (interfaces rigides) et 2/3 (interfaces fluides). Cette densit´e peut ˆetre interpr´et´ee comme une cons´equence du mod`ele de la « mousse visqueuse » [79], qui d´ecrit localement la dissipation extrins`eque pour l’inclure dans les simulations [79, 22]. Plus pr´ecis´ement, dans ce mod`ele, un bord de Plateau orthogonal `a l’´ecoulement subit une force par unit´e de longueur1 µvαv. Dans notre cas, on passe `a une dissipation volumique par laˆ relation :κ=ρµ/e, o`ueest l’´epaisseur de la mousse etρest la longueur moyenne des liens par unit´e de surface ; grossi`erement, ρ≈1/√

A et κ≈µ/e√

A.

Ici, nous allons consid´erer un milieu continu 2D en ´ecoulement, pour le-quel la dissipation est d’origine purement extrins`eque. Pour simplifier l’´etude, et d´ecoupler l’influence de l’´elasticit´e et de la dissipation, nous ne prenons pas non plus en compte de contraintes ´elastiques. Dans ce cas, l’´equation de quantit´e de mouvement est simplement l’´equation d’Euler [8, 62, 70] avec la force (6.7) :

ρ ∂~v ∂t + (~v·∇~)~v =−∇~P −κvαv.ˆ (6.8) Si la vitesse caract´eristique de l’´ecoulement est U et sa dimension caract´eristique (`a tout hasard, la taille d’un obstacle, par exemple) L, le rapport entre le terme inertiel et le terme de dissipation est un nombre de Reynolds extrins`eque Reext =

κL/ρU2−α. Si Reext ≪1, l’´equation (6.8) devient simplement :

~

∇P =−κvαv.ˆ (6.9)

Cette ´equation est celle qui r´egit l’´ecoulement stationnaire de mousse dans le canal sans obstacle ; ind´ependamment de la valeur de Reext, le terme (~v ·∇~)~v s’annule alors pour des raisons purement g´eom´etriques (´ecoulement parall`ele).

1

Notre pr´efacteurµ est g´en´eralement not´eλdans la litt´erature associ´ee [79, 37, 22]. Nous pr´ef´erons r´eserver la notationλ`a la tension de ligne.

Loi de Bernoulli modifi´ee

L’´etude g´en´erale de l’´equation (6.8) sort du cadre de cette th`ese, mais cette ´equation est simplifi´ee si on suppose2 α = 1. En effet, on peut alors appliquer la th´eorie des ´ecoulements potentiels : pour un champ de vitesse irrotationnel, il existe un potentiel des vitesses Φ tel que ~v = ~Φ, et la dissipation extrins`eque s’´ecrit alorsf~=−κ~∇Φ d’apr`es (6.7). Puisque par ailleurs (~v·∇~)~v =∇~

v2 2 ~v∧(∇∧~ ~v) =∇~ v2 2 , (6.8) se r´earrange enρ ∂t∇~Φ +∇~ v2 2 =−∇~(P+κΦ), d’o`u on tire l’´equation de Bernoulli modifi´ee :

ρΦ

∂t +

ρv2

2 +P +κΦ = cste. (6.10)

´

Ecoulement autour d’un cercle

´

Etudions les cons´equences de l’´equation (6.10) dans le cas de l’´ecoulement autour d’un cercle. Pour une vitesse `a l’infini U et un rayon du cercle R, le potentiel des vitesses s’´ecrit [8, 62, 70] : Φ(r, θ) = U r

1 + R 2 r2 cosθ. On en

d´eduit le champ des vitesses :

~v(r, θ) =U 1−R 2 r2 cosθ ~er− 1 + R 2 r2 sinθ ~eθ , (6.11) d’o`u l’expression de la pression, d’apr`es (6.10) :

P(r, θ) = cste−κU r 1 + R 2 r2 cosθ ρU 2 2 " 1− R 2 r2 2 cos2θ+ 1 + R 2 r2 2 sin2θ # , (6.12) qui nous permet de calculer la force exerc´ee sur le cercle (par unit´e de longueur) :

~

F =−R

Z

0

P(R, θ)dθ = 2πκR2U~ex. (6.13) Il est int´eressant de constater que la loi de Bernoulli modifi´ee (6.10) l`eve le pa-radoxe de d’Alembert (un obstacle plac´e dans un ´ecoulement potentiel de fluide parfait ne subit aucune traˆın´ee), en pr´edisant bien une traˆın´ee d’origine dissipa-tive. Si on repasse dans le contexte de notre ´etude, toutes pr´ecautions prises par ailleurs, cette traˆın´ee peut correspondre `a la contribution dynamique mesur´ee.

2

Cette approximation peut paraˆıtre approximative et grossi`ere, mais elle est pratique et d´ej`a employ´ee avec succ`es dans les simulations du mod`ele de la«mousse visqueuse»[79, 37]

Ordres de grandeur

Pour aller plus loin et tester la pertinence de ce mod`ele, il convient d’es-timer l’ordre de grandeur du param`etre κ. Si la dissipation extrins`eque est en

~

f = −κvαv, alors d’apr`es (6.9),ˆ κ = ∇P/vα. Pour nos exp´eriences, d’apr`es

(3.8), ∇P v0,59. Or dans le mod`ele, α est ´egal `a 1, donc nous prendrons κ =

∇P/(v0,59U0,41), o`uU est la vitesse typique de nos exp´eriences. Nous consid´erons les conditions de r´ef´erence suivantes : ν = 1,06 mm2·s−1, A = 16 mm2, et un d´ebit Q = 102 ml·min−1; d’apr`es la loi d’´echelle (3.8), on calcule κ = 1,3×104 Pa·m−2·s, donc µ≈eκ√

A= 0,2 Pa·s pour l’´epaisseur de r´ef´erencee= 3,5 mm. Cela nous permet de comparer le coefficient visqueux `a la force (6.13) : on a F/Q= 2πκeR2U/Q = 2πκR2/d. On en d´eduit F/Q = 1,8×102 N·m−3·s, ou F/Q= 3,0×10−3 mN·min·ml−1, ce qui est de l’ordre de grandeur du coefficient visqueux directement mesur´e (5×10−3 mN·min·ml−1 d’apr`es la figure 3.5b).

On peut ´egalement mener une comparaison avec les mesures du champ de pres-sion. En effet, d’apr`es (6.12), la pression provenant de la dissipation extrins`eque vaut−κU r 1 + R 2 r2

cosθ. Cette pression a la bonne d´ependance angulaire

(sur-pression en amont, d´e(sur-pression en aval de l’obstacle), et l’ordre de grandeur de son amplitude est 2κU R. Pour le d´ebit maximal ´etudi´e en section 4.4.1 (515 ml·min−1), on a U = 2,5 cm·s−1. On calcule alors 2κU R = 9 Pa. Cette ´echelle de pression est du mˆeme ordre, et mˆeme l´eg`erement sup´erieure, aux variations de pression observ´ees autour de l’obstacle circulaire (figure 4.5). Cela contredit le fait que la pression ne d´epend pas significativement du d´ebit observ´e en section 4.4.1.

On touche donc les limites de la mod´elisation propos´ee dans cette section. Entre autres simplifications, il est probable que l’hypoth`ese d’´ecoulement poten-tiel est abusive ici, car nous avons vu que dans le cas des mousses, le rotationnel du champ des vitesses est significativement non nul (figure 4.14).