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Discussion des mesures locales

5.3.1 Champ des vitesses

Probl´ematique

Nous avons d´ecrit en section 4.2.1 le champ des vitesses autour d’un obstacle circulaire, en mettant en ´evidence une asym´etrie amont/aval. Cette asym´etrie contraint fortement les mod`eles rh´eologiques non-newtoniens : elle est incompa-tible avec l’hypoth`ese d’´ecoulement potentiel utilis´ee pour ´etudier l’´ecoulement bi-dimensionnel de fluides du second ordre autour d’obstacles [77, 138]. Elle n’est pas non plus d´ecrite par le mod`ele de Bingham, qui pr´edit ´egalement un ´ecoulement sym´etrique autour d’un obstacle circulaire [145, 121, 104]. Par contre, elle est ob-serv´ee ou pr´edite pour des ´ecoulements de fluides visco´elastiques [4]. On peut donc intrins`equement associer l’asym´etrie du champ des vitesses `a une ´elasticit´e de la mousse. Malheureusement, il est difficile de comparer directement nos champs de vitesses avec ceux des fluides visco´elastiques, qui v´erifient une condition de non-glissement aux parois, contrairement aux mousses.

Nous avons d´ecid´e de nous inspirer d’une autre approche : partir d’un ´ecoulement de base connu, et introduire perturbativement un terme ´elastique. C’est l’ap-proche d´evelopp´ee par Renardy pour le mod`ele de Maxwell [120], qui, partant d’un fluide newtonien, perturbe la contrainte par un terme ´elastique de Maxwell. Dans notre cas, ceci n’est pas possible car on ne connaˆıt justement pas le champ de contrainte total de la mousse (notamment la partie dissipative).

Nous nous sommes content´es du mod`ele suivant : nous sommes partis de l’´ecoulement de base potentiel, qui est compatible avec le glissement aux parois observ´e dans notre cas, et nous avons perturb´e le champ des vitesses par un terme de retard ´elastique. Cela n’est pas tr`es satisfaisant, car la r´eponse retard´ee porte normalement sur la contrainte, mais cela permet un calcul analytique avec lequel nous comparerons nos r´esultats.

Mod`ele

L’ingr´edient minimal pour d´ecrire l’´elasticit´e, par rapport aux mod`eles ins-tantan´es2 (fluides newtoniens, mod`ele de Bingham) est un temps de r´eponse ou de retardλ. `A partir d’un ´ecoulement de base~v0, le champ perturb´e s’´ecrit [120] :

~v(~r) = 1

λ

Z +∞

0

et/λ~v0[~y(~r,−t)]dt,

o`u~y(~r, t) est la position `a l’instanttde la particule fluide pass´ee par~r`a l’instant 0.

NotantU la vitesse de base de l’´ecoulement potentiel etR le rayon de l’obstacle,

2

Notons maintenant que la compressibilit´e de la mousse ne peut pas expliquer l’asym´etrie : les mod`eles instantan´es sont insuffisants, et la compressibilit´e est elle-mˆeme un effet instantan´e dans l’´equation de continuit´e.

˜

~v = ~v/U, ˜~r = ~r/R et ˜t = U t/R d´esignent les variables adimensionn´ees, qui

v´erifient l’´equation : ˜ ~v(˜~r) = Z +∞ 0 e˜t~v˜0[˜~y(˜~r,−W˜t)]d˜t,

o`u le nombre de Weissenberg W = λU/R compare le temps ´elastique au temps typique d’´ecoulement autour de l’obstacle. D´esormais, notons sans tilde les va-riables adimensionn´ees. Supposons que W 1 (faible ´elasticit´e) ; on a alors :

~y(~r,−W t) = ~y(~r,0)−W t∂~y

∂t(~r,0) +O(W2t2) = ~r −W t~v0(~r) +O(W2t2), par

d´efinition de~y. Donc : ~v(~r) = Z +∞ 0 e−t~v0[~r−W t~v0(~r) +O(W2t2)]dt = Z +∞ 0 et[~v0(~r)−W t~v0(~r)·∇ ⊗~ ~v0(~r) +O(W2t2)]dt = ~v0(~r)−W t~v0(~r)·∇ ⊗~ ~v0(~r) +O(W2t2).

Nous allons retenir le premier ordre dans le d´eveloppement :~v ≃~v0+W~v1, avec : ~v1 =−~v0·∇ ⊗~ ~v0. (5.7) Cette expression est valable quelque soit l’´ecoulement de base.

´

Ecoulement potentiel perturb´e

Le champ des vitesses adimensionn´e de l’´ecoulement potentiel est donn´e par (6.11) : ~v0(r, θ) = 1−r12 cosθ ~er− 1 + 1 r2 sinθ ~eθ . D’apr`es (5.7), on en d´eduit : ~v1(r, θ) = 2r(1−r2) cos2θ+ 2(1 +r2) sin2θ r6 ~er (1r+ 2r 2+ 2r3+r4−r5) cosθsinθ r5 ~eθ.

Ce champ est rotationnel, et on calcule : (∇ ∧~ ~v1)·~ez = (−4 + 8r−7r2+ 2r4+ r6) cosθsinθ/r7. On repr´esente le rotationnel en figure 5.2. Il comporte les deux lobes principaux observ´es exp´erimentalement, mais il est centr´e sur l’obstacle, contrairement au rotationnel exp´erimental (figure 4.14). Comme autre test, nous tra¸cons la composantevx de la vitesse totale en fonction de x, sur les axesy= 0 et |y| = 1 (figure 5.3). Sur l’axe |y| = 1, l’accord est qualitatif avec les donn´ees exp´erimentales, notamment car le minimum local en x <0 est plus bas que celui

-2 -1 0 1 2 -2 -1 0 1 2

Fig. 5.2 – Rotationnel du champ perturb´e~v1. Les zones claires, respectivement sombres, sont les zones de rotationnel positif, respectivement n´egatif.

-4 -2 2 4 vx1 0.2 0.4 0.6 0.8 x -4 -2 2 4 vx2 0.5 1.5 2 2.5 x

Fig. 5.3 – Composante vx de la vitesse en fonction de x sur les axes y = 0 (`a gauche), et|y|= 1 (`a droite). Le champ potentiel est en noir et le champ perturb´e en rouge.

-0,2 0 0,2 0,4 0,6 0,8 0,2 0,3 0,4 0,5 0,6 0,7 0,8 0,9 lo g 10 p re ssi on (P a)

log10 distance à l'obstacle (cm)

Fig. 5.4 – Logarithme de la pression en fonction du logarithme de la distance `a l’obstacle, tous d´ebits confondus. La ligne droite r´esulte de l’ajustement lin´eaire des donn´ees.

donn´ees exp´erimentales, pour lesquelles `a |x| donn´e, vx est sup´erieur en x qu’en

−x (figure 4.22).

S’il pr´edit un rotationnel et une asym´etrie, le mod`ele propos´e est trop simple pour capturer finement les caract´eristiques du champ des vitesses. Nous n’irons donc pas plus loin : il faut vraisemblablement d´evelopper un mod`ele rh´eologique complet, incluant `a la fois ´elasticit´e, plasticit´e et dissipation pour esp´erer expli-quer le champ des vitesses.

5.3.2 Champ de pression

Nous avons vu en section 4.4 que le champ de pression ´etait essentiellement caract´eris´e par une surpression en amont de l’obstacle et par une d´epression en aval, et que les variations de pression ne d´ependaient pas significativement du d´ebit. Nous avons aussi montr´e en section 4.5.3 que pour l’aile cambr´ee, le comportement de la pression est oppos´e au cas newtonien. Ceci semble montrer que cette distribution de pression a une origine purement ´elastique, ce que nous allons maintenant discuter.

Nous nous concentrons sur les variations de la pression le long de l’axe de l’´ecoulement (figure 4.23), qui sugg`erent une variation r´eguli`ere avec la distance au centre de l’obstacle. Plus quantitativement, nous avons trac´e pour les diff´erents d´ebits le logarithme de la pression en fonction du logarithme de la distance `a l’obstacle (figure 5.4). Ces donn´ees s’ajustent bien sur une loi de puissance : logP(x) = (0,98±0,03)−(1,13±0,05) logx. L’exposant est proche de −1.

Fig. 5.5 – Sch´ema explicatif de la r´epartition des T1 sur un cˆot´e de l’obstacle. La ligne verte d´esigne une ligne de courant, les ellipses bleues la d´eformation locale des bulles, et les bifl`eches rouges la direction de plus grande ´elongation du gradient de vitesse.

Cette ´etude est `a rapprocher de celle de Cantat et Delannay [19], qui pr´edit le champ de pression 2D dans une mousse monodisperse autour d’une bulle plus grosse, dans un r´egime visqueux (expression (10) de la r´ef´erence [19]) : P(~r) = −∇P x + λv0D

2 2πd

x

~r2. Ici, λ est un coefficient de viscosit´e d´ecrivant le frottement bulle/paroi, de valeur 0,18 Pa·s (voir section 6.3.2), v0 est la vitesse de l’´ecoulement,D est le diam`etre de la grosse bulle etd celui des petites bulles. Le premier terme est exactement l’analogue de notre perte de charge, et le se-cond pr´esente une d´ecroissance en 1/x le long de l’axe x. Cette ´etude peut-elle se comparer avec la nˆotre ? Il peut paraˆıtre hardi de comparer une grosse bulle et un obstacle fixe, mais cela donne au moins un ordre de grandeur de la pres-sion visqueuse dans notre cas : Pvisq λv0R/2πed, o`u l’´epaisseur de la mousse e est introduite pour passer d’une pression 2D `a une pression 3D. Pour le d´ebit maximal de 515 ml·min−1, on calcule :Pvisq ≈1 Pa.

L’amplitude de la pression mesur´ee vaut 4 Pa (figure 4.6). Cette valeur est nettement plus grande que la pression visqueuse, mˆeme si celle-ci devient non n´egligeable aux plus forts d´ebits. On en d´eduit que dans notre gamme de d´ebits, la pression est essentiellement d’origine ´elastique, ce que conforte le fait que la pression ne varie pas significativement avec le d´ebit (figure 4.23).

5.3.3 R´epartition des T1

Nous avons vu en section 4.2.6 que la r´epartition des T1, comme d’autres quantit´es, est asym´etrique amont/aval (figures 4.15 et 4.17). La mˆeme asym´etrie est observ´ee dans des exp´eriences de Stokes 3D en cours, effectu´ees par Olivier Pitois et Isabelle Cantat [23]. Nous proposons ici un sc´enario explicatif simple de cette asym´etrie, qui ´eclaire la corr´elation entre T1, d´eformations et gradients de vitesse.

Consid´erons une ligne de courant passant sur un cˆot´e de l’obstacle (figure 5.5). Supposons les bulles initialement isotropes. Subissant une ´elongation dans

le sens de l’´ecoulement vu la constriction impos´ee par la pr´esence de l’obstacle, les bulles s’allongent de plus en plus dans ce sens, ce qui favorise les T1 dans la zone en amont et sur les cˆot´es de l’obstacle (zone encadr´ee en jaune sur la figure 5.5). Les bulles arrivent ainsi sur le cˆot´e de l’obstacle d´eform´ees dans le sens de l’´ecoulement, et elles subissent ensuite une ´elongation perpendiculaire `a la direction du flot du fait de l’´elargissement. Dans un premier temps apr`es leur passage par le cˆot´e de l’obstacle, la d´eformation des bulles et l’´elongation jouent en sens inverse ; les bulles r´eagissent ainsi en redevenant isotropes, mais sans subir de T1. Quand de nouveau leur d´eformation et l’´elongation deviennent de mˆeme sens, le gradient de vitesse d´ecroˆıt et le nombre de T1 n’est plus aussi important qu’en amont (zone encadr´ee en jaune pˆale sur la figure 5.5).

Ce sc´enario simple est en bon accord avec les donn´ees de la figure 4.17 et le graphique 4.18, qui montrent que le maximum des T1 est effectivement bien plus prononc´e en amont qu’en aval, et que le nombre des T1 sur les cˆot´es de l’obstacle passe par un minimum imm´ediatement en aval. Il sugg`ere que le m´ecanisme de d´eclenchement des T1 passe essentiellement par un couplage entre d´eformation et ´elongation, justifiant notre ´etude de corr´elation effectu´ee en section 4.3. Il reste maintenant `a quantifier cette corr´elation, dans un formalisme n´ecessairement ten-soriel. Notons que la l´eg`ere pr´ed´eformation existant dans nos exp´eriences ne fera qu’amplifier le ph´enom`ene expliqu´e, sans l’affecter qualitativement.