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2. Chapitre 2 : Revue de littérature et cadre théorique

2.4 Dispositifs participatifs

Il est impossible de parler de participation citoyenne sans aborder en détail les modèles et les dispositifs de participation publique. À notre connaissance, il y a peu d’études et de recherches faisant état de consultations, auprès des citoyens, pour la réalisation de projets d’infrastructures souterraines16. Nous avons par contre repéré une littérature foisonnante sur les outils et dispositifs développés pour assurer la participation citoyenne dans les projets de planification urbaine, incluant ceux de la planification délibérative tels qu’utilisés pour les projets de rénovation urbaine intégrée (RUI).

Blondiaux (2004) présente les traits des mécanismes participatifs et délibératifs mis en œuvre en urbanisme et réunissant des acteurs d’origines différentes. Bherer (2011a), présente trois modèles québécois de participation publique à l’échelle municipale :

 la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) dont les exigences de participation citoyenne sont minimales;

 les conseils de quartier17 à l’origine notamment de tension avec les arrondissements au niveau micro-local qui les perçoivent comme des instances rivales;

 l’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) que Gauthier (2008, 173) décrit comme « une institution originale qui a encouragé des pratiques de participation des citoyens qui vont bien au-delà des règles minimales prévues par la LAU ».

Ces trois modèles s’appliquent à l’urbanisme et aux projets urbains à l’échelle d’un quartier ou de l’ensemble de la ville.

Bacqué et Gauthier (2011) relèvent les processus ayant permis à l’urbanisme rationnel d’évoluer et d’encourager la participation citoyenne : 1) les mouvements urbains; 2) les expériences novatrices visant à sortir la planification de la technique bureaucratique; 3) les critiques post

16Sauf celles imposées par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (LAU) pour l’approbation de règlements d’emprunt. La LAU ne s’applique qu’aux projets sous la responsabilité des arrondissements de la ville de Montréal. (Trépanier et Alain 2008, 230). Les réseaux d’eau secondaires sont sous la juridiction de la Ville de Montréal tandis que les arrondissements ne sont responsables que de leur entretien. La planification des interventions et des investissements du Service de l’eau n’est régie par aucun mécanisme de consultation.

modernes décriant les tendances technocratiques des pratiques urbanistiques; 4) les savoirs urbains s’exprimant avec l’évolution de la société et la prise de conscience des citoyens de leurs propres savoirs; 5) le passage du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine; et finalement 6) le développement urbain durable. Dans le cas des infrastructures souterraines, il apparaît que la gestion du service peut être amalgamée à une gestion rationnelle ou administrative dont la remise en question par le Vérificateur général de la Ville semble provenir de l’influence des processus de transition vers la gouvernance urbaine (le processus 5) et le développement urbain durable (le processus 6) (Bacqué et Gauthier, 2011).

L’évolution des dispositifs de consultation montréalais a été présentée par plusieurs auteurs (Douay, 2008; Gauthier, 2008; Trépanier et Alain, 2008) qui se sont intéressés à la gouvernance métropolitaine et urbaine. Cet intérêt a d’abord été centré sur la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), une organisation créée en 2000, dont le premier exercice de consultation a suscité «une mobilisation toute relative […] cette vision illustre bien la difficulté à prendre en compte le tournant collaboratif dans la réalité des pratiques » (Douay 2008, 120).

Dans le domaine de la planification urbaine, le « développement de dispositifs et d’institutions voués à l’information et à la consultation publiques contribue à modifier les rapports entre les élus, les gestionnaires et les citoyens » (Gauthier 2008, 178). L’analyse du processus de consultation pour le plan d’urbanisme de la Ville de Montréal et de l’impact de la participation des citoyens a permis « de repérer des transformations concrètes et significatives impulsées par la participation des citoyens […] la consultation publique n’a pas tant reflété des oppositions fondamentales sur le plan des idées ou de valeurs mais qu’elle a plutôt favorisé un rôle de chien de garde de la part de la société civile » (Gauthier 2008, 194).

Cloutier (2009) a étudié un cas de revitalisation urbaine intégrée (RUI), un dispositif de planification misant sur la délibération et la collaboration entre des acteurs multisectoriels. Son analyse montre que les acteurs impliqués dans ce processus délibératif réussissent à développer une vision commune du quartier revitalisé idéal, ce qui permet de développer un projet plus conforme aux besoins réels et aux opportunités du quartier.

Dans leur cadre de référence de la participation publique, Thibault, Lequin et Tremblay (2000) proposent plusieurs conditions pratiques à la qualité et au succès de la participation publique : une décision est à venir, celui qui initie la participation est habilité à décider, le décideur accepte d’être influencé, le processus est accessible à tous, le processus est public, les règles et les processus de la participation sont clairs et connus, il y a une phase d’information et de

questionnement, le débat est fondé sur le bien commun, les citoyens doivent être touchés par l’objet de la participation (nous dirions que l’objet de participation ait une signification pour eux, que les citoyens le perçoivent comme important) et enfin, la participation doit avoir lieu au moment opportun. Ces conditions permettent de développer une confiance mutuelle entre les parties et de partager le pouvoir. La participation citoyenne est au cœur de la nouvelle gouvernance et l’influence des citoyens dépend pour beaucoup des valeurs et des attitudes des acteurs face à leur participation.

Dans son étude des pratiques participatives dans quatre arrondissements de la ville de Montréal, Boyer-Gendron (2015) a observé que les arrondissements de Montréal avaient des pratiques participatives variées et que « chacun des arrondissements semble répondre à une logique lui étant propre » (Boyer-Gendron 2015, 101). Par ailleurs, elle conclut que les innovations participatives découlent de facteurs internes. Dans le cas des arrondissements de la ville de Montréal, l’auteure reconnaît, à l’instar de Wolman, Strate et Melchior (1996) que « la longévité politique et la gouvernance locale de type « administrative » ne favorisent pas un renouvellement démocratique local » Boyer-Gendron (2015, 103).

Plusieurs auteurs (Cloutier, 2009; Gourgues, 2009; Blondiaux, 2004 et 2011; Morin et Latendresse, 2001; Thibault, Lequin et Tremblay, 2000), s’entendent pour souligner les bienfaits de la participation citoyenne en urbanisme puisqu’elle a permis aux citoyens d’influencer les politiques et les projets dans leurs quartiers en plus de développer des connaissances techniques et des compétences démocratiques. Toutefois, d’autres auteurs en font la critique (Godbout, 2014; Gourgues, 2012; Bherer, 2005; Blondiaux, 2004). Parmi les plus sévères, certains arguent que « dans un contexte d’inégalités sociales structurelles, la délibération ne saurait être qu’un faux semblant, un paravent à toutes les formes de domination » (Blondiaux 2004, 4) et un renforcement de l’exclusion. D’autres dénoncent une forme de mise en marché de la participation, « la constitution d’un ensemble d’ingénieries participatives tend à faciliter la production de la participation par les autorités publiques, qui déterminent ainsi le temps, l’espace, les thèmes et les instruments de cette participation » (Gourgues 2012, 5); tandis que d’autres, plus nuancés, relèvent, d’une part, que « la question du nombre de participants demeure importante pour évaluer le succès d’une instance fondée sur la participation mais elle ne s’y limite pas » et, d’autre part, « qu’on peut se demander si le fait que la concrétisation d’un certain idéal de rapprochement ne concerne qu’une minorité de citoyens n’est pas la preuve que la démocratie participative est un leurre » (Bherer 2005, 11).