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IV Dispersion en rhéo-optique

On a vu précédemment que la détermination des mécanismes de dispersion dans le mélangeur est difficile car l’écoulement est complexe et observer la charge in-situ est impossible. Pour observer la charge en écoulement simple, des outils rhéo-optiques ont donc été développés.

IV.1 Observation de la dispersion dans les liquides newtoniens

De nombreuses études ont d’abord été menées par Manas-Zloczower et al. [RWE 90, BOH 94, LI 95, YAM 98a, LEV 02, SCU 02]. Récemment, Navard et al. se sont également intéressés à ce sujet [SEY 99, AST 01]. Il s’agit dans les deux cas d’observer les mécanismes de fragmentation d’amas sous cisaillement simple grâce à des dispositifs expérimentaux adaptés.

IV.1.1 DISPOSITIFS EXPÉRIMENTAUX

Rwei et al. [RWE 90] ont adapté un rhéomètre rotatif cône-et-plateau pour observer les mécanismes de dispersion de granulés de charge.

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Ce rhéomètre (Figure 1-12) permet d’appliquer un taux de cisaillement connu à la matrice dans un écoulement simple par la rotation du cône supérieur. Les plans étant en verre, il est possible d’observer le devenir de la charge placée au préalable dans le fluide entre le plateau inférieur et le cône à chaque fois qu’elle repasse dans la zone d’observation après une rotation. L’échantillon est ensuite extrait, la matrice diluée et une analyse microscopique de la distribution en taille de fragments peut être effectuée.

Plan transparent

Moteur

Camera

Enregistrement Boîtier de commande

de la rotation

Cône

Granulé de charge PDMS

Analyse d’image

Figure 1-12 : Schéma du rhéomètre cône plan transparent, d’après [RWEI 90]

Navard et al. [SEY 99, SEY 01a] ont développé un rhéomètre du même type que le précédent mais le plateau inférieur tourne dans le sens inverse. Ce système contra-rotatif rend donc possible l’observation de l’amas en direct en continu (sans avoir à attendre qu’il repasse par la fenêtre d’observation). Ce dispositif également utilisé dans le cadre de nos travaux est décrit au Chapitre 2.

IV.1.2 MÉCANISMES DE DISPERSION : ÉROSION ET RUPTURE

Deux mécanismes ont été observés dans les fluides newtoniens, l’érosion et la rupture [BOH 96]. Les analyses en distribution de taille montrent deux types d’histogramme (Figure 1-13) : - le premier (a) où l’amas parent reste identifiable accompagné de fragments plus petits, - le second (b) où l’amas parent n’est plus identifiable.

La transition entre ces deux comportements a lieu pour un taux de cisaillement donné. Le premier (a) correspond au mécanisme d’érosion et le second (b) à la rupture de l’amas.

(a) (b)

Figure 1-13: Distribution en taille d’amas (a) γ&=28s1 t=7s (b) γ& =105s1 t=0,2s d’après [BOH 96]

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Ainsi, pour se disperser, les amas se rompent ou s’érodent. L’érosion se produit pour des contraintes hydrodynamiques plus faibles que celles de la rupture. La rupture est un processus brutal et rapide qui génère de gros fragments. L’érosion est un phénomène graduel et lent qui se traduit par un arrachement de très petits fragments à la surface des amas.

Figure 1-14 : Schéma des deux mécanismes de dispersion: rupture et érosion

Il est possible de modéliser la cinétique d’érosion par différentes lois, c’est l’objet de ce qui suit.

IV.1.3 LOIS CINÉTIQUES DÉROSION

Il s’agit de déterminer l’évolution du rayon de l’amas parent au cours du temps. De nombreux modèles pour les fluides newtoniens ont été proposés [KAO 75, POW 82, RWE 91, RWE 92, LEE 93, LEE 95, BOH 96, SEY 01a, LEV 02, SCU 02].

Le rayon de l’amas peut suivre une décroissance soit linéaire soit exponentielle. Un autre modèle prévoit une évolution linéaire du volume érodé. Ces différentes lois seront détaillées et discutées dans le Chapitre 4. On donne néanmoins les lois identifiées les plus récentes et les plus simples : - Navard et al. [SEY 01a] ont quantifié l’érosion d’amas de noir de carbone suspendus dans du

polyisobutylène (η0=1000 Pa.s) par une loi volumique telle que : t γ k R R érodé

Volume = 303t = &

avec R0 le rayon initial de l’amas et Rt le rayon au temps t.

- Manas-Zloczower et al. [RWE 91, LEV 02] proposent une variation linéaire du rayon de l’amas pour du noir de carbone et du dioxyde de titane dans du polydimethylsiloxane (η0=30 Pa.s):

t γ R k'

R R

0 t

0 − = &

Un paramètre clé pour l’érosion et sa cinétique a été identifié et largement étudié : la pénétration des chaînes du polymère à l’intérieur des porosités de l’amas (infiltration) [BOH 94, BOH 95, YAM 98b, SEY 99].

IV.1.4 INFLUENCE DE LINFILTRATION DE LA MATRICE DANS LA CHARGE

Manas-Zloczower et al. [LI 95, YAM 97, YAM 98a, LEV 99, BOY 01] ont étudié l’effet de l’infiltration du polymère dans l’amas sur son mécanisme d’érosion. Ils distinguent deux

Objet

initial Dispersion

Rupture Érosion

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- Lorsque l’amas est très peu infiltré (a), le mécanisme de dispersion est une érosion rapide avec détachement de gros fragments de la partie infiltrée.

- Au contraire, le mécanisme est une érosion lente avec détachement de petits fragments de la périphérie lorsque l’amas est beaucoup plus infiltré (b).

(a) amas peu infiltré : détachement de gros

fragments

(b) amas bien infiltré : détachement de petits

fragments

Figure 1-15 : Influence de l’infiltration de la matrice sur le mécanisme d’érosion, d’après [YAM 98b]

Ainsi, une infiltration partielle et faible semble accélérer l’érosion alors qu’une plus grande infiltration la ralentit. Face à des contraintes qui causent la rupture d’amas secs, le réseau de ponts liquides dans un amas infiltré renforce sa cohésion.

Les études précédentes ont été réalisées sur des polymères fluides de faible viscosité à température ambiante.

IV.2 Observation de la dispersion dans les élastomères

Une seule étude a concerné les mécanismes de dispersion dans les élastomères. Des travaux ont été réalisés récemment au CEMEF en adaptant le rhéomètre contrarotatif décrit plus haut et développé par Seyvet [SEY 99] pour travailler en température avec des fluides très visco-élastiques [AST 01]. Cet outil (voir Chapitre 2) permet d’observer en direct l’amas de charge et sa dispersion dans un élastomère soumis à un cisaillement simple.

Différents mécanismes de fragmentation ont été observés [AST 01, AST 04b] :

- les mécanismes de rupture et d’érosion proches de ceux ayant lieu dans les liquides newtoniens, - un nouveau mécanisme d’érosion, l’érosion en ruban (« ribbon peeling »),

- et un mécanisme de rupture induit par la décohésion de la matrice de la surface de la charge.

La figure suivante illustre ces deux nouveaux mécanismes.

« Ribbon peeling » Décohésion suivie du détachement de fragments

1cm↔50µm

Figure 1-16 : Les deux nouveaux mécanismes identifiés dans les élastomères, [AST 01, AST 04b]

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Dans ces travaux, des contraintes critiques de cisaillement pour l’initiation de l’érosion et de la rupture ont été déterminées. L’érosion en ruban est liée à l’infiltration de l’élastomère dans la charge, car les élastomères eux aussi peuvent infiltrer la charge [AST 04a].

Seuls les outils de rhéo-optique permettent d’observer en direct les mécanismes de dispersion dans un écoulement de cisaillement simple :

- Dans les fluides newtoniens, la rupture et l’érosion sont les modes de fragmentation privilégiés.

- Dans les élastomères, deux modes supplémentaires ont été révélés : érosion ruban et rupture induite par décohésion.

L’érosion se produit pour des contraintes hydrodynamiques inférieures à celles de la rupture.

Par ailleurs, la pénétration de la matrice dans la charge influe sur le mode d’érosion. Des cinétiques d’érosion ont été déterminées dans les fluides newtoniens. Mais rien de quantitatif n’existe pour l’instant dans les élastomères.