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Section II  Insuffisances des systèmes actuels

A.  Difficultés posées par les situations transfrontières

1.  Dispersion internationale des contacts pertinents

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Section II  Insuffisances des systèmes actuels 

     

A.  Difficultés posées par les situations transfrontières 

En premier lieu, la protection de l’adulte implique plusieurs personnes, autorités ou organes et no‐

tamment : a) l’adulte lui‐même nécessitant une protection ou, selon le moment auquel l’on se situe,  se trouvant sous un régime de protection616 ; b) l’autorité qui prend une mesure de protection (ou  qui refuse d’accorder une telle mesure en estimant que les conditions ne sont pas remplies) ; c) une  ou plusieurs personnes, physique ou morales, qui assistent la personne ou la représentent ; d) une  autorité qui délivre les autorisations nécessaires et surveille le fonctionnement de la protection ; e)  les sujets avec lesquels l’adulte sous protection conclut des actes juridiques bilatéraux (par exemple  et par excellence, le cocontractant). 

 

En second lieu, la protection couvre ou peut couvrir la personne et/ou les biens de l’adulte ; c’est  dire que les actes juridiques ou matériels qui lui sont imputables ou, plus généralement, les décisions  qui le concernent peuvent concerner sa personne et/ou ses biens. 

 

Or,  les  contacts  qui  « localisent »  ces  personnes,  organes  ou  autorités  et  les  contacts  qui 

« localisent » les biens de l’adulte à protéger peuvent, au moment où la nécessité de la mesure de  protection se fait sentir, se trouver dispersés parmi plusieurs pays, notamment plusieurs Etats  membres. La géographie de ces contacts peut au surplus être modifiée ultérieurement, au cours de  la situation juridique de protection qui, en tant que situation « dynamique », peut être modifiée en  tout temps (par la modification de la mesure prise, sa révocation et/ou sa substitution avec une  autre mesure, plus ou moins contraignante). Il convient d’abord d’identifier les contacts pertinents et  de montrer le degré que leur dispersion internationale peut atteindre (1). Il convient ensuite de  s’attacher aux difficultés qui résultent d’une telle dispersion (2). 

   

1.  Dispersion internationale des contacts pertinents 

Il convient d’identifier les contacts pertinents à l’égard des situations juridiques de protection et  d’envisager pour chacun des hypothèses de dispersion. Tout d’abord, au « centre de gravité » de  telles situations juridiques se trouve l’adulte à protéger ; les contacts pertinents sont donc avant tout  ceux relatifs à sa personne mais aussi à ses biens, selon qu’il s’agit, d’une part, d’une mesure gé‐

nérale de protection ou d’une mesure spécifique de protection ayant trait à sa personne (p. ex. inter‐

ruption de grossesse), d’autre part, d’une mesure spécifique de protection ayant un caractère plutôt  patrimonial (p. ex. réparation urgente d’un immeuble) (1.1.). D’autres contacts pertinents à l’égard  en tout cas de quelques aspects de ces situations juridiques, sont ceux de la personne qui s’occupe  de l’adulte sous protection (1.2.), du lieu d’exécution des mesures de protection (1.3.) et aussi des  contacts relatifs à la localisation des actes juridiques imputables à la sphère juridique de ce dernier  (1.4.).  

 

1.1.  Contacts relatifs à la personne de l’adulte  

Les contacts personnels par lesquels un individu se localise sont multiples : a) la nationalité, sachant  que les nationalités peuvent être, à leur tour, plus d’une ; b) le domicile, notion  juridique qui peut,        

616   Cf. P. Lagarde, Rapport explicatif, cit., n° 96. 

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dès lors, être entendue de façon assez différente d’un pays à l’autre, si bien que deux Etats peuvent  chacun estimer que le domicile de la personne se trouve sur son territoire ; c) la résidence habi‐

tuelle, notion factuelle dont la localisation n’est pas toujours aisée, notamment en raison de séjours  d’une durée plus ou moins équilibrée dans deux ou plusieurs pays (ce qui n’est pas rare, y compris  chez les adultes retraités) ; d) le lieu de séjour, c’est‐à‐dire le simple fait de se trouver dans un lieu  donné à un moment donné, indépendemment de la caractérisation  de ce séjour.  

 

Or, avant que la mesure de protection ne soit prise, une personne X peut avoir la nationalité d’un  pays A (Roumanie par exemple) ; elle peut résider dans un pays B (Allemagne par exemple),  résidence qui pouvait se trouver récemment dans un pays C de sa résidence antérieure (avec lequel  elle peut encore entretenir des contacts importants ; Angleterre par exemple) ; elle peut se trouver  provisoirement – notamment, en raison d’un voyage – dans un pays D (République Tchèque par  exemple). Avant que le besoin de protection ne se manifeste, c’est‐à‐dire à un moment où X possède  encore toutes ses facultés, X peut se renseigner sur l’établissement d’un mandat d’inaptitude,  notamment dans la forme d’une Vorsorgevollmacht du droit allemand, l’Allemagne étant le pays de  sa résidence actuelle, ou du lasting power of attorney du droit anglais, l’Angleterre étant le pays de  sa résidence antérieure ; autrement dit, X (ainsi que Y, potentiel Vorsorgebevollmächtigte ou donee)  peut chercher à savoir quelle loi est applicable au régime de protection volontaire. Lorsque le besoin  de protection se manifeste, X ou ses proches peuvent vouloir connaître l’autorité compétente pour  prendre une mesure générale ou une mesure spécifique de protection (s’agissant, par exemple, de  procéder à une interruption de grossesse) ; cela pose ensuite la question de savoir quel droit est ap‐

plicable, d’abord, aux conditions qui doivent être réunies pour que la mesure soit accordée, ensuite,  et surtout, au contenu de la mesure de protection envisageable : c’est‐à‐dire à la question de savoir  qui est la personne qui l’assiste ou le représente, pour quels actes l’assistance ou la représentation  est nécessaire, quels sont ses pouvoirs, quelles sont les conséquences de la non‐observation du  régime ainsi organisé, etc. Après que la mesure a été accordée par les autorités d’un Etat A, pays où X  est habituellement résident et dont X tient aussi, pour simplifier, la résidence habituelle (Roumanie  par exemple), mesure qui consiste en la nomination d’un curateur Y au sens du droit de A, X peut se  trouver provisoirement dans un pays B (Angleterre par exemple) où il peut souhaiter accomplir un  acte juridique (l’achat d’un tableau par exemple) ; il peut aussi, de façon plus générale, vouloir tran‐

sporter sa résidence dans ce pays B ; une fois la résidence transportée dans le pays B, X peut  souhaiter être placé dans un établissement de soins dans un pays C (France par exemple). Il peut  aussi vouloir saisir les autorités du pays B, désormais les plus proches pour lui, pour obtenir une  révocation ou modification de la mesure prise par les autorités du pays A. 

 

1.2.  Contacts relatifs à la personne qui s’occupe de l’adulte  

La situation juridique découlant de la mesure de protection implique une personne qui l’assiste ou la  représente. Cette personne peut avoir la nationalité d’un pays A, un domicile ou une résidence  habituelle dans un pays B, etc. Ainsi, l’adulte et la personne qui le prend en charge peuvent avoir  deux nationalités différentes et aussi, encore que plus rarement, deux résidences habituelles  différentes. Il peut s’agir aussi – et c’est le cas en Angleterre – d’une personne morale, laquelle se  localise par son siège. Or, les contacts de la personne qui s’occupe de l’adulte ne sont en principe pas  négligeables. Ainsi, avant que X ne soit mis sous protection, Y a pu de facto prendre soin de X et être  désormais disposé à prendre en charge sa protection, encore que résident dans un pays A (la France  par exemple) autre que celui de la résidence de X (l’Allemagne par exemple) ; il peut alors être in‐

téressé à saisir les autorités françaises de sa résidence pour demander à être nommé tuteur de X au  sens du droit français (notamment en vue du déplacement ultérieur de la résidence de X en France). 

Ensuite, on peut penser que la loi personnelle de Y a, dans l’abstrait, une vocation à régir un certain  nombre de questions qui le concerne plus directement – par exemple l’aptitude de Y à assumer la 

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charge , l’obligation de Y à accepter la charge , les situations d’un conflit d’intérêt entre X et Y,  etc.  

 

1.3.  Lieu d’exécution des mesures ou des décisions concernant l’adulte 

Il convient là de distinguer entre mesures de protection ou actes juridiques de type patrimonial à  réaliser dans le cadre d’une mesure de protection générale, et mesures de protection de type  personnel. L’acte de type patrimonial a pour objet des biens. Or les biens se localisent notamment  par leur lieu de situation. Cela est vrai pour les immeubles, le lieu de situation étant immodifiable et  aisément identifiable, étant d’ailleurs le lieu  d’exécution  nécessaire de toute mesure qui  le  concerne. Quant aux meubles, leur localisation effective n’est pas toujours facile en raison de la  dématérialisation de la richesse. Avant qu’une mesure de protection quelconque ne soit prise, peut  se manifester le besoin de prendre une mesure spécifique pour la protection de certains biens de X. 

Ces biens peuvent se trouver dans un pays E (la France par exemple) autre que celui, A, de la  nationalité de X (la Roumanie par exemple) et/ou autre que celui, B, de son domicile professionnel  (l’Angleterre par exemple) et/ou autre que celui, C, de sa résidence habituelle (l’Allemagne par  exemple). Il est sans doute souhaitable que les autorités françaises soient compétentes pour prendre  une telle mesure, p. ex. en nommant une personne Y, résidant en France, comme curateur ad hoc de  ces biens. Une fois qu’une mesure générale de protection est prise, par exemple par les autorités du  pays A de la résidence habituelle de Y (l’Allemagne par exemple), par laquelle Y a été nommé  Totalbetreuer de X, il peut être question de réaliser un acte d’admnistration, de conservation ou  d’aliénation d’un bien situé dans le pays B, en France par exemple.  

 

Lorsqu’il s’agit soit d’une mesure spécifique de protection de type personnel (interruption d’une  grossesse par exemple), soit d’une décision, notamment relative à la santé de X, qui doit être prise  dans le cadre d’une mesure générale de protection (le placement de X dans un établissement de  soins, par exemple), le pays A, par exemple la France, d’exécution de la mesure ou de la décision  (c’est‐à‐dire le lieu de l’établissement de soins) peut être  différent du pays B, par exemple  l’Angleterre, dont les autorités ont décidé de la mesure de protection. De plus, le placement dans  l’établissement de soins en France peut avoir lieu à la suite d’une intervention chirurgicale qui, elle,  est effectuée dans un pays C, par exemple en Allemagne. C’est dire qu’une mesure ou une décision  concernant X, bien qu’unitaire, peut s’articuler en plusieurs opérations qui doivent se réaliser en  plusieurs pays différents. 

 

1.4.  Lieu de réalisation d’un acte juridique  

Après la prise d’une mesure de protection, par les autorités d’un pays A, de la résidence habituelle de  l’adulte par exemple, il peut être question de l’accomplissement d’un acte juridique, imaginons un  contrat de vente, dans un pays B. Le lieu de réalisation de l’acte peut avoir une certaine importance  quant à la protection du tiers qui a contracté avec X, qui peut avoir en bonne foi ignoré la protection  dont X jouit dans le pays A.  

 

L’ensemble des hypothèses susmentionnées est problématique car elles peuvent donner lieu à un  risque de conflit entre les différents régimes de protection en contact avec la situation. 

   

      

617   V. p. ex., à cet égard, le rapport roumain, point 4.4.1.1, d’après lequel il semblerait que le tuteur  doit avoir son domicile en Roumanie. 

618   V. p. ex., à cet égard, le rapport roumain, point 4.4.1.1. 

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2.  Risque de conflit entre les régimes de protection