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C - Une disparition progressive des compétences spécialisées en libéral

En plus de la médecine scolaire et de la PMI, la prise en charge de la santé des enfants fait intervenir des professionnels de santé spécifiques.

Comme dans la majorité des pays étrangers128, il existe une spécialité médicale propre aux enfants, la pédiatrie, qui est sanctionnée par l’obtention du diplôme d’études spécialisées de pédiatrie depuis 1947, deux spécialités chirurgicales pédiatriques – l’orthopédie et la chirurgie viscérale et urologique, et des sur-spécialités comme pour l’ophtalmologie pédiatrique. Ces dernières sont essentiellement présentes dans les grands centres hospitaliers universitaires (CHU), les enfants étant ailleurs pris en charge par les spécialistes pour les adultes.

128 Voir annexe 4 sur les comparaisons internationales.

L’offre hospitalière est elle aussi spécialisée avec des établissements de santé publics spécifiques dans certaines grandes villes comme à Toulouse avec l’hôpital des enfants ou à Paris avec Necker, des services de pédiatrie ou d’urgences pédiatriques, et des professionnels de santé propres aux enfants comme les infirmiers de puériculture.

1 - Une évolution contrastée de la pédiatrie, caractérisée par un déclin de l’exercice libéral

La France compte en 2021 8 591 pédiatres parmi lesquels 53,6 % sont salariés hospitaliers, et 40 % ont un exercice libéral (24,2 %) ou mixte (12,8 %), soit une augmentation de 9,7 % depuis 2015 au rythme annuel moyen de 1, 6 %. Cette croissance démographique est due à la hausse du nombre de postes offerts à l’internat, qui est passé de 196 en 2004 à 328 en 2020, à la cessation d’activité plus tardive et à l’installation d’environ 60 pédiatres à diplôme étranger par an. Malgré cette augmentation générale qui ne tient pas compte de l’évolution du temps de travail, la France se situe à la 22ème place sur 31 au sein des pays de l’OCDE en termes de densité de pédiatres avec 73,9 pour 100 000 enfants de moins de 15 ans.

Cette démographie dynamique masque cependant une évolution très contrastée en fonction des modes d’exercice. L’exercice libéral exclusif a diminué de 7,6 %, depuis 2015, soit plus que pour l’ensemble des spécialités médicales. Cette tendance devrait se poursuivre puisque 44 % des pédiatres libéraux ont plus de 60 ans en 2020. Ce déclin s’explique non seulement par la fixation à moins de 200 des places à l’internat de pédiatrie avant d’augmenter à partir de 2009, et le caractère hospitalo-centré de la formation, mais aussi par la faiblesse relative des revenus en libéral et la crise identitaire que traverserait, selon l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), les pédiatres libéraux.

A contrario, la pédiatrie hospitalière connaît une croissance dynamique (de 16,4 % depuis 2015), tirée, selon l’Igas, par la sur-spécialisation et le développement d’expertises dans la prise en charge de la prématurité et des maladies rares ou chroniques chez les enfants Cette spécialisation accrue se retrouve dans la maquette de formation des internes en pédiatrie, issue de la réforme du 3ème cycle des études médicales de 2017129.

C’est surtout l’exercice mixte qui a le plus augmenté, avec une évolution de 29,4 % sur la période, ce qui montre l’intérêt des nouvelles générations pour ce type d’exercice d’autant que l’âge moyen de 49,7 ans est inférieur à celui des pédiatres libéraux (54,3 ans) ou des pédiatres salariés ailleurs qu’à l’hôpital (57,5 ans).

Selon le modèle de projection de la Drees, qui repose sur des hypothèses fortes de comportement et de législation inchangés, l’augmentation des effectifs de pédiatres devrait

129 La durée du troisième cycle a été allongée d’une année (de 4 à 5 ans), conformément aux recommandations européennes : 1 an de phase socle (avec 2 stages en pédiatrie, 1 en pédiatrie générale, 1 en urgences pédiatriques et 1 en néonatologie) ; 3 ans de phase d’approfondissement (avec 1 stage en pédiatrie générale, 1 en néonatologie, 1 en urgences pédiatriques ou réanimation pédiatrique ou Smur, 1 sur la prise en charge des troubles du développement ou de la croissance, et 2 libres dont un pouvant être exercé en libéral), puis une phase de consolidation d’un an. Des options (au nombre de 4) et des formations spécialisées transversales (au nombre de 11) conduisant à la reconnaissance de surspécialités ont été créées.

s’accélérer à compter de 2025 alors que le nombre d’enfants a diminué compte tenu de la baisse de la natalité.

Dès lors, dans un contexte de diminution des effectifs de pédiatres libéraux, et de fragilité des services de PMI, la prise en charge des enfants est majoritairement assurée par les médecins généralistes. Ceci soulève une double difficulté : d’une part, celle de la formation des médecins généralistes et d’autre part celle de leurs effectifs. En effet, selon les projections actualisées de la Drees, le nombre de médecins généralistes va continuer à diminuer plus longtemps que les autres médecins jusqu’en 2026, et ensuite augmenter plus faiblement, alors que les besoins en soins vont augmenter compte tenu de la croissance de la population et de son vieillissement. Le niveau de densité standardisée diminuerait ainsi jusqu’en 2035, limitant de fait la possibilité d’une prise en charge accrue des enfants par les médecins généralistes.

2 - Les auxiliaires médicaux : des compétences complémentaires, mais partiellement remboursées par l’assurance maladie obligatoire en ville

En plus des médecins et des sages-femmes qui interviennent parfois auprès des enfants jusqu’à leur 28ème jour, certains auxiliaires médicaux exercent une activité nettement orientée vers les enfants comme les orthophonistes, les orthoptistes (5 863 en 2021, soit une hausse de 40 % depuis 2015) ou les psychomotriciens et ergothérapeutes, ces deux dernières catégories exerçant majoritairement à l’hôpital ou dans des structures.

En particulier, les orthophonistes dont la patientèle est composée majoritairement d’enfants de moins de 15 ans ont vocation à jouer un rôle accru dans le dépistage et la prévention auprès des enfants, selon l’avenant n°16 à leur convention, signé le 18 juillet 2017. Leur effectif a augmenté de 17,5 % depuis 2015 au rythme annuel moyen de près de 2,7 %, pour atteindre 27 642 en 2021, dont 80,7 % exercent en libéral ou mixte. Leur exercice salarié en structure de type CAMPS ou PMI augmente aussi, soulignant l’intérêt d’une prise en charge coordonnée et précoce.

Les psychomotriciens (15 377 en 2021, en hausse de 50 % depuis 2015) et les ergothérapeutes (14 548 en 2021, en hausse de 50 % depuis 2015) sont deux professions de santé, définies par le CSP, mais n’ayant pas de convention avec l’assurance maladie. Leur exercice en libéral a cependant doublé pour les psychomotriciens et presque triplé pour les ergothérapeutes, ce qui pose la question de l’accessibilité financière à ces soins.

Le cas particulier des infirmiers de puériculture

En 2021, il y a 23 679 infirmiers de puériculture (soit 24 % de plus qu’en 2015) qui exercent majoritairement à l’hôpital (62 %) ou en structures de type PMI, crèches, ou centres d’action médico-sociale précoce (32 %). Ce type d’exercice connaît une augmentation plus rapide que l’exercice hospitalier, au rythme annuel moyen de 4,2 % depuis 2015 (contre 3,4 %). L’exercice libéral reste très minoritaire, autour de 5 %, en raison de l’absence d’inscription dans la nomenclature des actes spécifiques de puériculture.

Comme l’a souligné l’Igas, la prise en charge des enfants par les auxiliaires médicaux suppose des compétences, et donc une adaptation de leur formation, et une valorisation

financière adaptée de la part de l’assurance maladie obligatoire, ce qui transparait déjà dans les derniers avenants conventionnels130.

Alors que la co-existence de plusieurs professions de santé compétentes dans la prise en charge de la santé des enfants, qu’il s’agisse de prévention ou de soins, aurait pu pallier des difficultés d’accès dans certains territoires, elles ont tendance à se cumuler comme l’illustre la juxtaposition des cartes suivantes de densité départementale, dans un contexte de fortes tensions sur la démographie médicale.

Malgré des mesures d’attractivité prises en faveur de la santé scolaire et de la PMI, et d’incitation pour l’installation des médecins dans certaines zones, les disparités territoriales se sont creusées sans que les équilibres entre territoires les moins dotés et les mieux dotés ne se soient vraiment modifiés.

Carte n° 11 : densités départementales des différents professionnels de santé

Source : Données Drees – Exploitation Cour des Comptes Source : Données Drees – Exploitation Cour des Comptes

130 Majoration conventionnelle pour la prise en charge par les infirmiers des enfants de moins de 7 ans (majoration MIE) dont le montant est fixé à 3,15 € par séance depuis le 1er janvier 2020 (avenant 6 à la convention nationale des infirmiers publié au Journal Officiel en juin 2019). Pour les orthophonistes, valorisation de la prise en charge des enfants de 3 à 6 ans avec une valorisation de 0,5 point (AMO 12,6) pour les actes de rééducation des retards de parole, des troubles de la communication et du langage oral et création d’une majoration conventionnelle de 6 € pour les actes de rééducation destinés aux enfants de moins de 3 ans qui s’ajoute à l’acte (avenant 16 à la convention nationale publié au JO le 26 octobre 2017).

Source : Données Drees – Exploitation Cour des Comptes Note : Médecins, infirmières et infirmières puéricultrices

Source : Données DEPP – Exploitation Cour des Comptes

II - Mettre la prévention au cœur de l’approche