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Différents aspects de la santé des enfants sont encore trop peu documentés. Ceci est en partie dû aux limites de l’exploitation des bases de données médico-administratives et à une logique de suivi épidémiologique construite principalement sur les pathologies.

1 - Une sous-exploitation des bases de données médico-administratives

La construction des bases de données médico-administratives, en dehors du Centre d’épidémiologie des causes médicales de décès (CépiDc) de l’Inserm, repose avant tout sur une logique de facturation et non pas sur l’objectif de construire des outils épidémiologiques. En particulier, l’exploitation des données du système national inter-régimes de l’assurance maladie (Sniiram) est complexe, faute d’actes ou de médicaments traceurs des pathologies fréquentes rencontrées dans l’enfance.

La base du PMSI permet quant à elle principalement d’identifier les diagnostics de maladies nécessitant une prise en charge hospitalière. Elle est peu utilisée pour décrire l’état de santé des enfants en dehors de travaux de recherche ciblés et de la production en routine des indicateurs périnataux par la Drees.

31 Childhood obesity surveillance initiative.

32 Le volet français de l’enquête HBSC est coordonné par le service médical du rectorat de Toulouse (jusqu'en 2018), l’UMR 1295 Inserm-Université Toulouse III (équipe SPHERE), l’OFDT et Santé publique France.

Enfin, la base du CépiDc permet d’identifier les causes associées à la mortalité des enfants, peu fréquente au-delà de 1 an. Les données sont mises à jour avec retard, la dernière année validée étant aujourd’hui 2016.

Ces bases composant aujourd’hui le système national des données de santé (SNDS) contiennent très peu d’informations de nature sociale, ce qui complique les analyses sur les inégalités de santé. La Drees a récemment réalisé l’appariement entre les données de l’échantillon démographique permanent (Insee) et le SNDS ce qui permet de lever cette difficulté pour un échantillon de 4 % de la population. Les perspectives d’analyses offertes par cet appariement apparaissent prometteuses.

Globalement, les données médico-administratives sont encore trop peu exploitées pour décrire l’état de santé des enfants, en dehors de certains thèmes particuliers comme la vaccination.

2 - Un suivi épidémiologique incomplet et centré sur les pathologies

La santé mentale des enfants reste un champ pour lequel les données sont extrêmement lacunaires. En dehors des travaux permettant d’apprécier le bien-être ressenti des enfants et des adolescents (HBSC) ou l’impact du premier confinement sur les enfants des cohortes Elfe et Epipage 233, très peu d’informations sont disponibles. De même, les données de prévalence des troubles des apprentissages sont pour la plupart très anciennes. Aucune description des parcours de soin dans ces champs n’est disponible. Pour pallier ce manque, Santé publique France, sous l’impulsion des ministères en charge de la santé et de l’éducation, va lancer une étude sur la santé mentale des enfants de 3 à 11 ans au printemps 2022, qui couvrira la métropole et les Outre-mer. Cette étude devrait permettre de renseigner les indicateurs de bien-être et d’estimer les prévalences des différents troubles de santé mentale et d’en préciser les déterminants, y compris de nature sociale.

Même si leur fréquence chez les enfants est faible, les maladies chroniques nécessiteraient un suivi épidémiologique plus fin que celui existant actuellement, réalisé principalement à partir de l’exploitation des données du SNDS.

Enfin, la santé des enfants est principalement décrite sous l’angle pathologique avec des indicateurs de prévalence ou d’incidence, alors que les aspects comportementaux et psycho-sociaux sont essentiels. Les données sur les comportements ou l’environnement psychoaffectif sont très rares. Une compréhension du mécanisme régissant des inégalités sociales de santé nécessite de disposer, au-delà des informations de santé, de données sur l’éducation, l’emploi des parents et leur niveau de revenus, l’alimentation, l’activité physique, ou le logement, qui sont autant de facteurs qui influent sur la santé.

33 D’autre travaux sont actuellement en cours sur la santé mentale des enfants à partir de la cohorte Elfe.

3 - Un système insuffisamment puissant pour des analyses territoriales et régulièrement actualisées

Les limites et les lacunes du système de surveillance et de suivi épidémiologique relatif à la santé des enfants sont identifiées depuis longtemps.

Des données doivent être produites et analysées avec une plus grande fréquence et leur granularité territoriale améliorée34. Le modèle en place aujourd’hui conduit à un décalage très important entre deux vagues d’enquêtes réalisées par la Drees, ne repose pas sur les outils à vocation universelle existants (certificats de santé, bilans et dépistages en milieu scolaire), n’a pas de portée longitudinale35 et intègrent peu d’informations de nature sociale. Les résultats de ces enquêtes sont produits plusieurs années après (parfois jusqu’à cinq ans ; ce délai s’est réduit à environ deux ans lors des dernières vagues), ce qui rend difficile l’adaptation des instruments de politiques publiques à la situation sanitaire. Il y a aussi un manque important de données sur les départements et régions d’Outre-mer dans ces études qui concernent majoritairement des échantillons d’enfants métropolitains.

Les seuls outils épidémiologiques qui permettent de réaliser un suivi longitudinal des enfants sont les cohortes. Ces outils visent à suivre durant plusieurs années un groupe de sujets partageant des caractéristiques préalablement définies. Ils sont précieux malgré leur coût très élevé qui limite souvent la taille des échantillons inclus. Il existe en France plusieurs cohortes d’enfants, souvent de taille réduite, incluant moins de 4 000 individus. Depuis 2011, la cohorte nationale de naissance Elfe à vocation généraliste incluant 18 000 enfants a été mise en place par l’Ined et l’Inserm. Elle est articulée avec une cohorte sœur, de taille plus petite (Epipage 2) qui a pour objectif de suivre spécifiquement le développement et l’état de santé d’enfants nés prématurés.

À défaut de réussir à fiabiliser le recueil des données issues des dispositifs de surveillance universels, seules les enquêtes ou les cohortes permettent de renseigner l’évolution de l’état de santé des enfants et les facteurs sociaux associés. C’est donc un constat insatisfaisant qui appelle une forte mobilisation pour se doter d’un système de recueil des données à la hauteur des enjeux épidémiologiques, de recherche et de pilotage d’une politique publique de santé des enfants.

Les initiatives dans le champ de l’épidémiologie et de la surveillance de l’état de santé des enfants devraient faire l’objet d’une coordination d’ensemble et d’une priorisation au niveau du ministère de la santé. Celles-ci sont aujourd’hui clairement insuffisantes et elles laissent la place à trop de champs insuffisamment couverts. En particulier, comme l’ont souligné le HCSP et le HCFEA en 2019, plusieurs points apparaissent toujours comme prioritaires : la production de données régulières et fiables sur la santé des enfants, leur environnement, leur développement socio-affectif et cognitif et leur santé mentale ; la construction d’outils épidémiologiques permettant d’analyser les trajectoires, les parcours et les interactions entre les différents environnements de vie des enfants sur leur santé ; et l’accès à de telles données permettant leur exploitation à l’échelle la plus large possible par les professionnels de santé et les chercheurs,

34 La caractérisation de l’état de santé des enfants à une maille territoriale fine nécessite des effectifs très importants. Avec 101 départements, seuls des effectifs de 50 000 voire 100 000 enfants permettraient une analyse nationale déclinée au niveau départemental. En raison de l’hétérogénéité des territoires d’Outre-mer, il faudrait nécessairement des sous-échantillons représentatifs de chaque Drom.

35 Les études longitudinales permettent de suivre les mêmes individus sur plusieurs années.

dans le respect de la réglementation en matière de protection des données de santé. Il conviendrait de renforcer la coordination entre les acteurs pour la réalisation et l’exploitation des enquêtes afin de définir un programme de travail partagé et cohérent avec les priorités de santé publique sur les enfants.

___________________ CONCLUSION ET RECOMMANDATION ___________________

S’il est difficile à caractériser avec précision, en raison du manque de données régulièrement produites et de leur caractère lacunaire, l’état de santé des enfants âgés de moins de douze ans en France apparaît comme contrasté par rapport aux pays comparables de l’Union européenne ou de l’OCDE. Certains indicateurs tels que la mortalité, le surpoids ou la santé dentaire se sont améliorés. Des difficultés persistent néanmoins en matière de santé périnatale, de vaccination anti-rougeole ou de comportements de santé.

L’état de santé des enfants se caractérise aussi par des inégalités sociales très marquées dès le plus jeune âge. Ainsi, le poids des facteurs socio-économiques familiaux est déterminant sur la plupart des événements de santé des enfants. Les disparités territoriales sont, quant à elles, moins prononcées, sauf dans les territoires d’Outre-mer qui cumulent les indicateurs défavorables.

Le système de suivi et de surveillance de l’état de santé des enfants souffre de lacunes et de fragilités identifiées depuis longtemps, ce qui prive les pouvoirs publics des éléments de connaissance indispensables à la définition des priorités de santé publique et au suivi des actions mises en œuvre pour remédier aux inégalités sociales et territoriales de santé. En particulier, la surveillance à partir des certificats de santé obligatoires ou des examens réalisés en milieu scolaire est rendue impossible par la faiblesse de leur taux de réalisation et la piètre qualité des informations renseignées. Seules des enquêtes spécifiques permettent de documenter cet état de santé, mais leur actualisation comme leur granularité territoriale sont faibles. Par ailleurs, les informations sur les comportements de santé comme sur des problèmes de santé émergents sont manquantes.

En conséquence, la Cour formule la recommandation suivante :

1. Améliorer le suivi épidémiologique en exploitant davantage les données médico-administratives, en enrichissant les indicateurs produits, en facilitant l’appariement avec des bases de données sociales, et en réalisant des enquêtes régulières et ciblées sur certains problèmes de santé (ministère de la santé, ministère de l’éducation nationale, Santé publique France, Cnam).

Chapitre II

Une politique de réduction des inégalités de santé