• Aucun résultat trouvé

Discussion sur le schéma réactionnel de conversion hydrothermale de la lignine

III Étude de la réactivité des composés ligneux

III.3 Discussion sur le schéma réactionnel de conversion hydrothermale de la lignine

La conversion hydrothermale de la lignine est à l'origine de la formation de produits dont la caractérisation met en évidence une très grande polydispersité en masses moléculaires et en structures chimiques. Ainsi, la lignine se convertit selon un schéma complexe faisant intervenir de nombreuses voies réactionnelles.

L'étude des conversions des composés modèles phénoliques mono- et dimériques a montré qu'il existait une compétition entre des réactions de fragmentations et de condensations. Les résultats obtenus ont montré que les structures aromatiques sont relativement stables dans le milieu hydrothermal et que leurs évolutions chimiques se font principalement au niveau de leurs substituants. De plus, la rupture des liaisons éthers se fait beaucoup plus facilement que celle des liaisons C-C. La conversion de la monobenzone a montré que les structures aromatiques subissent aussi des alkylations à l'origine de composés de hautes masses moléculaires. Ces données sont cohérentes avec les schémas réactionnels proposés par les auteurs de la littérature qui suggèrent aussi une compétition entre les réactions de fragmentations et de condensations au cours des conversions hydrothermales des composés phénoliques (Partie IV.2. du chapitre A).

Les résultats obtenus dans cette étude sur les conversions hydrothermales de la lignine permettent de proposer un schéma réactionnel sur la base des schémas proposés dans la littérature (Figure E-78). De plus, les résultats de cette étude permettent de suggérer les voies réactionnelles qui seraient prépondérantes dans les conditions étudiées.

Figure E-78 : Schéma réactionnel de la conversion hydrothermale de la lignine ( , : prédominance des voies réactionnelles)

La lignine est à l'origine de trois types de produits : des composés de hautes masses moléculaires insolubles dans l'eau, des composés aromatiques monomériques partiellement solubles dans l'eau et des fragments de faibles masses moléculaires solubles dans l'eau ou à l'état gazeux.

Les rendements carbone de réaction montrent que les principaux produits sont des composés hydroinsolubles. Il a été montré dans le Chapitre D que les produits hydroinsolubles ont des masses moléculaires très importantes pouvant aller au moins jusqu'à 1000 g/mol. L'analyse compositionnelle de ces produits montre qu'ils se trouvent dans la zone des composés aromatiques condensés du diagramme de van Krevelen. La structure aromatique de ces composés est confortée par le spectre RMN qui montre une proportion importante de liaisons C=C. Ainsi, les produits hydroinsolubles seraient des composés oligomériques comportant plusieurs unités aromatiques. La formation de tels composés peut s'expliquer par une voie réactionnelle de dépolymérisation partielle de la lignine. En effet, la lignine est un matériau macromoléculaire constitué d'unités alkyl-méthoxy-phénols liées par des liaisons intermonomériques éthers et C-C. Ainsi, dans le milieu hydrothermal, la lignine réagirait donc préférentiellement au niveau de ses liaisons éthers et il en résulterait comme

principaux produits de réaction un ensemble de composés hydroinsolubles comportant un nombre très variable d'unités aromatiques liées principalement par des liaisons C-C.

L'étude des caractéristiques physicochimiques des produits hydroinsolubles montre qu'elles évoluent au cours du temps de réaction dans les conditions hydrothermales étudiées.

L'analyse élémentaire des produits hydroinsolubles ainsi que leur analyse Echo/MAS 13C

RMN montrent que par rapport à la lignine initiale, d'une part les produits hydroinsolubles subissent une perte d'oxygène au cours de la conversion et d'autre part ils deviennent de plus en plus riches en liaisons entre atomes de carbone au détriment des liaisons éthers. Par conséquent, les produits hydroinsolubles deviennent de plus en plus « condensés » au cours des conversions dans le sens où ils possèdent proportionnellement de plus en plus de liaisons entre atomes de carbone et de moins en moins de liaisons éther. Ces évolutions sont cohérentes avec le schéma réactionnel présenté dans la Figure E-78 qui fait intervenir une compétition entre les réactions de fragmentations qui rompent principalement les liaisons C-O et les réactions de condensation qui forment des C-C par alkylation.

Dans le cas de la compétition entre fragmentations et condensations, il se pose la question de l'importance d'une voie réactionnelle par rapport à l'autre dans les conditions qui ont été étudiées dans ce travail de thèse. Les rendements en produits hydroinsolubles diminuent légèrement au cours du temps de réaction alors que ceux en produits aqueux augmentent simultanément. Par conséquent, la voie réactionnelle dominante observée serait la dépolymérisation. Cette observation permet de soutenir le schéma réactionnel proposé par Fang et al. en 2008 plutôt que celui de Wahyudiono et al. en 2008 (Partie IV.2.d. du chapitre A).

L'hydrolyse des liaisons éthers des composés oligomériques produit des composés de plus faibles masses moléculaires qui peuvent être solubles dans l'eau et caractérisables par GC. Deux familles de composés peuvent être distinguées : les composés aromatiques monomériques et les fragments linéaires comportant des fonctions alcools, carbonyles et acides carboxyliques qui ont des nombres d'atome de carbone faibles.

Parmi les produits aqueux aromatiques, trois groupes peuvent être faits à partir de la nature de leurs substituants : les composés phénoliques méthoxylés, les composés phénoliques alkylés et les autres composés phénoliques. Les analyses GC montrent que les rendements des composés phénoliques méthoxylés ont une évolution soit décroissante soit avec un maximum au cours du temps de réaction, alors que ceux des composés phénoliques hydroxylés et méthoxylés augmentent. Ces évolutions sont cohérentes avec celles observées par

Wahyudiono et al. en 2008 qui ont étudié la conversion hydrothermale d'une lignine alcaline

en réacteur batch à 350 et 400°C, à 30 MPa, avec une vitesse de chauffe d'environs 3 min et

entre 5 et 240 min (Wahyudiono et al., 2008). Ces évolutions montrent que les

méthoxyphénols sont produits lors de la dépolymérisation partielle de la lignine et de ses résidus oligomériques et qu'ils sont à leur tour hydrolysés au niveau de leurs groupements méthoxyles pour former des composés phénoliques plus ou moins hydroxylés. L'étude de la réactivité de la vanilline permet de soutenir ce schéma réactionnel du fait qu'elle a montré que la liaison éther du groupement méthoxyle pouvait s'hydrolyser mais avec une vitesse plus faible que la liaison benzyléther de la monobenzone.

carboxyliques et en CO2 pourraient s'expliquer par le caractère oxydant du milieu hydrothermal qui a été observé à la fois lors de la conversion de la vanilline et celle de la monobenzone.

Les composés oxygénés comme les alcools, les carbonyles et les acides carboxyliques sont des composés électrophiles. Ils forment un mélange complexe avec des composés aromatiques nucléophiles et peuvent donc se condenser ensemble par alkylation et acylation. Ce type de réaction a été mis en évidence au cours de la conversion de la monobenzone où le benzylalcool a tendance à se condenser sur les cycles aromatiques pour donner des structures polybenzylées. L'augmentation des rendements GC observés pour les composés phénoliques alkylés est cohérente avec la présence de réactions de condensation par alkylation et acylation des composés phénoliques hydroxylés. De plus, les résultats GC de la conversion de la lignine

montrent que parmi les crésols, l'isomère majoritaire est celui substitué en ortho, suivi de

celui en para alors que seulement des traces de l'isomère méta peuvent se distinguer. Or, la

réaction d'alkylation est régiosélective et la position préférentielle de substitution se trouve en

ortho du fait de l'implication du groupement hydroxyle du phénol dans une réaction concertée

(Sato et al., 2002a; Sato et al., 2001; Sato et al., 2002b). Ainsi, ces résultats confirment que

des réactions d'alkylation des composés aromatiques ont lieu au cours de la conversion hydrothermale de la lignine et qu'elles sont donc à l'origine d'une augmentation des masses moléculaires des produits aromatiques.