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Chapitre 3 : Nanofils de ZnO

III.4 Croissance de nanofils avec le protocole P2

III.4.4 Discussion et modélisation

L’effet de la concentration en réactifs sur la vitesse de croissance longitudinale des NFs de ZnO a fait récemment l’objet de plusieurs études dans la littérature. Cependant, celles-ci ont donné lieu à des résultats qui paraissent contradictoires. Par exemple, Kasamechonchung et al. trouvent que la vitesse de croissance est maximale pour une concentration de 1 mM [Kasamechonchung 2015], tandis que

d’autres travaux mentionnent que la vitesse de croissance longitudinale augmente continument avec

la concentration [He 2013; Cheng 2016]. Toutefois, il faut garder à l’esprit que les conditions de croissance varient d’une étude à l’autre et que des stratégies différentes ont été mises en place pour

pallier à l’épuisement des réactifs, du simple renouvellement du bain [He 2013] au réacteur à flux continu plus complexe [Cheng 2016], ce qui peut expliquer les résultats apparemment contradictoires.

Pour ce qui est de la croissance latérale, certains groupes observent que cette dernière est inhibée pour des concentrations inférieures à une valeur seuil, de 1 mM [Kasamechonchung 2015] ou 5 mM

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[He 2013]. De plus, pour une concentration élevée de 25 mM, ces équipes trouvent des vitesses de

croissance latérale de l’ordre de 0,8-0,11 nm/min. Toutes ces observations concordent relativement bien avec nos résultats obtenus avec les protocoles P1 et P2 (Tableau III-3).

A notre connaissance, l’existence d’un diamètre minimal pour les NFs de ZnO n’a été rapidement

évoquée que par Sun et al., avec une valeur critique de 10-20 nm mais qui n’a pas été reliée à un

mécanisme de croissance particulier [Sun 2006a].

Cependant, au regard des résultats apparemment contradictoires régulièrement décrits dans la littérature et en dépit des nombreuses recherches dédiées à la croissance des NFs de ZnO, il apparait clairement que les mécanismes de croissance des NFs de ZnO ne sont pas encore totalement élucidés. Dans ce qui suit, nous développons un modèle simplifié visant à expliquer l’existence d’un

diamètre minimal pour les NFs de ZnO.

Dans le cas d’une croissance sur une couche de germination présentant des petits grains (TMG < 20

nm), selon l’étude précédente réalisée avec le protocole P1, ou dans le cas d’une croissance aux

joints de grains ou sur des défauts structuraux à la surface des grains, selon l’étude réalisée avec le

protocole P2, un mécanisme en deux étapes est proposé :

(i) Une première étape impliquant la formation et la croissance de nuclei, dont la durée dépend de la concentration en réactifs et du site de nucléation (surface des grains, joints de grains ou défauts structuraux). Dans les conditions du protocole P2, 28 minutes sont nécessaires pour la croissance de nanoparticules de ZnO de 20-25 nm de diamètre (Tableau III-3), ce qui correspond à une vitesse de croissance radiale isotrope d’environ

0,35-0,45 nm/min.

(ii) Une seconde étape qui débute lorsque la taille de nucleus critique de 20-25 nm (Tableau III-3) est atteinte et impliquant ensuite la croissance des NFs avec une vitesse de croissance longitudinale élevée et une vitesse de croissance latérale faible, qui dépendent toutes deux de la concentration en réactifs.

Ce type de mécanisme en deux étapes est communément accepté pour les NFs de nitrure de gallium GaN synthétisés par épitaxie à jets moléculaires (MBE). Les mécanismes de croissance de ces derniers peuvent être comparés aux nôtres car les NFs de GaN présentent également une structure wurtzite et croissent aussi selon l’axe ܿԦ. De nombreuses études ont montré que les mécanismes de formation des NFs de GaN peuvent être décomposés en deux étapes successives, nucléation et élongation, qui dépendent respectivement de considérations thermodynamiques et cinétiques [Consonni 2013; Dubrovskii 2012; Chèze 2010; Stoica 2008]. La phase de nucléation conduit à la formation de nuclei

dont le diamètre augmente jusqu’à atteindre une taille critique à partir de laquelle ils changent de

forme pour devenir des NFs. Selon des études expérimentales de croissance de NFs de GaN à haute température (> 700°C), cette taille critique est inférieure à 10 nm [Chèze 2010; Stoica 2008]. La transition nucleus/NF est régie par la thermodynamique, les nanoparticules étant énergétiquement plus favorables pour des petits diamètres, tandis que les NFs deviennent plus stables pour des diamètres supérieurs à la taille critique [Dubrovskii 2012].

Dans l’analyse qui suit, nous considérons donc la variation d’énergie de surface après augmentation du volume du nucleus suite à l’addition d’une ou plusieurs couches atomiques, aussi bien dans le cas d’une conservation de la géométrie de la nanoparticule (de volume ܸே௉ à un temps ݐ de la

croissance) que dans le cas d’un changement de géométrie en NF (de volume ܸேி à un temps ݐ de la croissance), comme illustré en Figure III-21.

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Nous ignorons toutes les énergies induites par d’éventuelles contraintes. En effet, les contraintes d’accommodation sont négligeables puisque la croissance s’effectue sur une couche de germination

de ZnO et qu’il n’y a donc pas de désaccord de maille. Par ailleurs, les contraintes provenant de variations de paramètre de maille entre le centre et la surface des nanoparticules décroissent rapidement lorsque le rayon augmente. La nucléation peut s’effectuer à la surface des

nanoparticules ou aux joints de grains, comme illustré sur la Figure III-21. Pour simplifier, le modèle proposé se base sur une nucléation à la surface des nanoparticules (sur toute la surface ou sur des défauts structuraux).

Dans le cas d’une conservation de la géométrie de la nanoparticule, le diamètre du nucleus initial est

noté d, l’augmentation de volume du nucleus dans les premiers stades de croissance est caractérisé par « l’incrément initial d’épaisseur » δ et le rayon résultant est noté ݎ. Dans le cas d’un changement

de morphologie en NF, la hauteur du NF est notée ݄ et son rayon ݎ.

A partir de ݎ ൌǢݎ൅ ߜ et la condition de conservation du volume ܸே௉ൌ ܸேி, la hauteur ݄

peut s’exprimer par :

݄ ൌ͵݀ͺ݀ʹ ൅ ߜ൰

ܧݍݑܽݐ݅݋݊ܫܫܫǤ ͻ

Figure III-21 : Représentation schématique des deux mécanismes de croissance proposés, que la nucléation

s’effectue à la surface des nanoparticules de la couche de germination ou aux joints de grains. Croissance de nanoparticules : Le diamètre du nucleus initial est noté ݀, l’augmentation de volume du nucleus est caractérisé

par « l’incrément initial d’épaisseur » δ, le rayon résultant étant ݎ଴. Croissance de NFs : la hauteur du NF est notée ݄ et son rayon ݎ.

D’une part, après augmentation du volume en conservant la géométrie, c’est-à-dire croissance de la

nanoparticule, l’énergie libre de surface s’exprime par :

ܩே௉ൌ ʹߨݎߛ௦௨௥௙൅ ʹߨݎߛ൅ ߨ݀ߜߛെ ʹߨݎߛ௦௨௕െ ߨ݀ߜߛ௦௨௕ܧݍݑܽݐ݅݋݊ܫܫܫǤ ͳͲ Où :

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ߛ௦௨௥௙ est l’énergie de surface de la nanoparticule de ZnO. D’après Xu et al., sa valeur pour du

ZnO hydraté est de 1,42 ± 0,21 J.m-2 [Xu 2007].

ߛ est l’énergie d’interface, qui est nulle ou très faible, puisque les nanoparticules de ZnO

croissent sur une couche de germination de ZnO.

ߛ௦௨௕ est l’énergie de surface du substrat, c’est-à-dire de la couche de germination, elle

correspond donc à l’énergie de surface de la nanoparticule de ZnO, ߛ௦௨௥௙.

D’autre part, après augmentation du volume avec changement de géométrie, c’est-à-dire croissance

de NFs, l’énergie libre de surface s’exprime par :

ܩேி ൌ ʹߨݎ݄ߛ௟௔௧൅ ߨݎߛ௧௢௣൅ ʹߨݎߛെ ʹߨݎߛ௦௨௕ܧݍݑܽݐ݅݋݊ܫܫܫǤ ͳͳ Où :

ߛ௟௔௧ est l’énergie de surface des faces latérales des NFs de ZnO. D’après Claeyssens et al., les

valeurs de cette dernière sont de l’ordre de 0,8-1,1 J.m-2 [Claeyssens 2005].

ߛ௧௢௣ est l’énergie de surface des plans au sommet des NFs de ZnO, soit les plans (001)

puisque les NFs croissent selon l’axe ܿԦ. Il est difficile d’évaluer cette énergie car les énergies

de surface des plans ሺͲͲͳሻ-Zn et ሺͲͲͳതሻ-O peuvent différer [Kajikawa 2006]. Cependant, il existe un consensus dans la littérature pour placer cette énergie dans la plage 1,2-1,6 J.m-2 [Kajikawa 2006; Claeyssens 2005].

ߛ et ߛ௦௨௕ ont été définis plus haut.

L’évolution la plus stable, conservation de la géométrie ou transition vers une géométrie de NF, est celle impliquant la plus faible augmentation d’énergie. Par conséquent, en considérant οܩ ൌ ܩேிെ ܩே௉, la croissance de NFs est favorisée si οܩ < 0, tandis que la géométrie de nanoparticule est conservée si οܩ > 0. En combinant les équations III.9, III.10 et III.11, on obtient :

οܩ ൌ ܩேிെ ܩே௉

οܩ ൌ ͺߨ͵݀ ൬݀ʹ ൅ ߜ൰ߛ௟௔௧ߨ݀Ͷ൫ߛ௧௢௣െ ʹߛ௦௨௥௙൯ െ ߨሺ݀ߜ ൅ ʹߜሻߛ௦௨௥௙ܧݍݑܽݐ݅݋݊ܫܫܫǤ ͳʹ « L’incrément initial d’épaisseur » δ est relié à l’apport de matière à la surface de la particule en expansion. D’après la littérature, la croissance peut s’effectuer soit par ajout de couches atomiques successives (Zn ou O), ce qui suppose ߜ ൌܿ ൎ ͲǡʹͲ݊݉‘—ߜ ൌܿ ൎ ͲǡͲ͸݊݉ (où c représente le

paramètre de maille selon l’axe ܿԦ), soit par ajout de groupes ZnO, ce qui suppose ߜ ൌܿ ൎ Ͳǡʹ͸݊݉݋ݑߜ ൌ ܿ ൎ Ͳǡͷʹ݊݉ (cf. Figure III-22) [Morkoç 2009; Sun 2006b].

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Figure III-22 : Représentation schématique de la maille de la structure wurtzite du ZnO (adapté de [Sun 2006b]).

La Figure III-23 donne un aperçu de l’évolution de οܩ en fonction du diamètre de nucleus ݀lorsque les paramètres δ,ߛ௟௔௧ et ߛ௧௢௣ varient respectivement dans leurs plages de valeurs plausibles.

Figure III-23 : Considérations thermodynamiques réalisées afin de déterminer le mécanisme de croissance, nanoparticules ou NFs, le plus favorable énergétiquement : effet des paramètres δ,ߛ௟௔௧ et ߛ௧௢௣ sur la variation

d’énergie libre. L’énergie de surface de la nanoparticule ߛ௦௨௥௙ est prise égale à 1,42 ± 0,21 J.m-2 ; l’énergie des

faces latérales des NFs ߛ௟௔௧ varie sur une plage 0,8-1,1 J.m-2; l’énergie de surface des plans au sommet des NFs

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Suivant le jeu de paramètres choisi, trois scenarios sont observables. Tout d’abord, si οܩ > 0 quelle que soit la taille du nucleus, les nanoparticules sont stables et il n’y a pas de croissance de NFs.

Ensuite, si οܩ < 0 quelle que soit la taille du nucleus, les NFs peuvent croitre même si le nucleus est très petit. Enfin, le οܩ initialement positif peut atteindre un maximum puis décroitre et devenir

négatif à partir d’une certaine taille critique de nucleus ݀. Dans ce cas, tant que le diamètre du nucleus est inférieur à ݀, celui-ci croit en tant que nanoparticule, puis lorsque la valeur de ݀ est atteinte, les NFs commencent à croitre et à s’allonger. D’après la Figure III-23, suivant le jeu de paramètres choisi, ݀peut varier jusqu’à 35 nm ou plus.

Ce dernier scenario est parfaitement compatible avec nos observations expérimentales et supporte le mécanisme en deux étapes proposé dans lequel les NFs ne peuvent croitre que lorsque le nucleus initial atteint un diamètre critique de 20-25 nm. Par exemple, d’après la Figure III-23, le jeu de paramètres [δ = 0,26 nm, ߛ௟௔௧= 0,961 J.m-2 et ߛ௧௢௣= 1,490 J.m-2] est tout à fait compatible avec un tel diamètre critique. Dans ces conditions, le modèle indique qu’il n’est pas possible de faire croitre des

NFs de diamètre inférieur à 20-25 nm.

Naturellement, le modèle développé est un modèle simplifié qui peut être amélioré de plusieurs façons. Par exemple, des facteurs additionnels pourraient être introduits pour prendre en compte la forme non-hémisphérique du nucleus, la nucléation aux joints de grains, des éventuelles contraintes ou la densité de nuclei. Cependant, même en prenant ces considérations en compte, le modèle ne pourrait pas être appliqué de façon quantitative aux expériences car les propriétés du matériau, en particulier les énergies de surface, sont peu connues pour des petits clusters. Ici, nous nous sommes

donc contentés d’appliquer une théorie simplifiée, mais incorporant une modélisation physique réaliste, pour appuyer nos observations expérimentales. De fait, les résultats sont qualitativement

pertinents et permettent de prédire des tendances. De plus, il faut garder à l’esprit que ce modèle est seulement valable pour de petites particules ou des NFs fins (݀ < 40 nm). En effet, pour des tailles supérieures, les nanoparticules et les NFs sont généralement facettés, ce qui peut changer les

considérations d’énergie de surface.

III.4.5 Conclusion

Le protocole P2 conduit à des échantillons reproductibles et homogènes sur des substrats de 3x3 cm² et à des NFs de ZnO fins (20-25 nm) à facteur de forme élevé sans ajouter d’additifs dans la solution.

La concentration en réactifs plus faible (1 mM contre 25 mM pour le protocole P1) et le préchauffage du substrat à 130°C avant immersion dans le bain se sont notamment avérés essentiels pour obtenir de tels NFs.

L’influence des propriétés de la couche de germination de ZnO ainsi que des paramètres du procédé de croissance a été étudiée une nouvelle fois dans les conditions du protocole P2. Contrairement aux observations effectuées avec le protocole P1, les dimensions des NFs apparaissent indépendantes des propriétés morphologiques et structurales de la couche de germination. De plus, le diamètre des NFs reste constant au cours du temps ou avec le nombre de croissances en raison de la faible concentration en réactifs qui inhibe la croissance latérale des NFs. Par conséquent, la longueur des NFs peut être sélectivement contrôlée en conservant un diamètre faible autour de 20-25 nm, ce qui

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gamme de NFs disponibles dont les propriétés morphologiques apparaissent très attractives pour la suite.

Par ailleurs, les résultats expérimentaux ainsi que des considérations thermodynamiques et

cinétiques ont permis d’étayer et de compléter le modèle développé précédemment à partir des

résultats obtenus avec le protocole P1. Ainsi, des considérations énergétiques simples soutiennent un mécanisme en deux étapes : (i) la nucléation et croissance isotrope de nanoparticules jusqu’à ݀ = 20-25 nm suivi de (ii) la croissance des NFs avec des vitesses de croissance latérales et longitudinales dépendant des conditions expérimentales, essentiellement des paramètres impliqués dans le procédé de croissance.