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Chapitre 4 : La présentation, l’analyse des résultats et la discussion

4.6 La discussion en lien avec l’objectif 3

En observant les effets de l’enseignement des conduites justificatives sur la complexité des reformulations, nous nous apercevons que cet enseignant est bénéfique pour tous les types de parleurs (petits, moyens et grands). En fait, à partir de la DP #3, c’est-à-dire après le premier enseignement sur la reformulation, les grands parleurs demandent aux autres élèves de reformuler ou de répéter lorsque leur propos est incompréhensible. Les grands parleurs vont également les aider à reformuler leur propos, soit en leur proposant un mot plus précis ou en modifiant leur construction syntaxique. Nous avons observé ce constat principalement chez l’élève 1, dont les neuf reformulations sont en lien avec les propos d’autrui. Non seulement l’élève 1 fait partie des grands parleurs, mais elle est également une élève dont le niveau de vocabulaire en français est avancé. Cela peut justifier pourquoi elle utilise la reformulation réparatrice dans le but d’aider un autre élève à bien prononcer les mots. Nous constatons donc que l’enseignement de la reformulation permet à une élève de faire de l’étayage, concept avancé par Bruner (1983), alors que c’était uniquement l’enseignante qui fournissait un tel étayage au début de l’intervention. Par ailleurs, nous pouvons croire que l’enseignement de la reformulation a été bénéfique pour tous les participants, contrairement à l’étude de Hébert, Guay et Lafontaine (2015), où ce sont les élèves forts qui ont le plus progressé. Par exemple, dans notre recherche, l’élève 6, un petit parleur, parvient à faire une reformulation paraphrastique grâce à l’élève 9 qui lui demande de clarifier et à l’enseignante qui demande si un élève de la classe peut répéter.

Il est important de souligner que l’emploi de reformulation chez les moyens et les petits parleurs est principalement la reformulation réparatrice, puisqu’ils doivent reformuler majoritairement à la suite de demandes de clarification. D’ailleurs, après la période d’enseignement de la reformulation, cinq reformulations réparatrices sur huit appartiennent aux élèves 4 et 6. Nous pouvons croire tout comme Gülich et Kotschi (1987) que la reformulation est un processus complexe. Ces auteurs soulignent que les énoncés sources et reformulés peuvent être séparés par plusieurs tours de parole au sein d’une séance. C’est effectivement ce qui se produit chez les élèves, ils ont parfois besoin de deux à trois prises de parole pour reformuler leur propos lorsque c’est une reformulation réparatrice. Quant à la reformulation paraphrastique, qui est complexe, on observe que son utilisation est peu fréquente au cours des DP (n=3) sur un total de 32 reformulations. Ce résultat peut être mis en relation avec l’étude de Volteau et Millogo (2018),

réalisée en classe de maternelle, qui mentionne que la reformulation paraphrastique exige une compréhension des manipulations syntaxiques et une connaissance de la synonymie, ce qui peut présenter un défi chez les élèves allophones. D’ailleurs, les recherches de Martinot (2010, 2015) abondent dans le même sens et nous ont effectivement renseignées sur la complexité des reformulations, c’est-à-dire que la reformulation par répétition semble la plus facile à utiliser.

Outre la complexité de la reformulation paraphrastique, nos résultats semblent démontrer que la reformulation en soi est une conduite discursive plus difficile à mobiliser étant donné qu’au total il y a eu 32 reformulations contrairement à 52 justifications. Tandis que dans la recherche de Hébert, Guay et Lafontaine (2015), dans laquelle les élèves mettent en pratique la justification et la reformulation dans le cadre de cercles de lecture, la reformulation a été plus mobilisée que la justification par les élèves après avoir reçu un enseignement. Ce constat peut être explicable en raison du genre d’oral, la justification nécessitant une compréhension du roman à l’étude alors que ce n’est pas le cas pour la reformulation.

En observant la complexité des reformulations, nous avons également constaté que la reformulation a différentes fonctions. D’abord, dans la DP # 1, l’élève 2 utilise la reformulation par répétition, pour acquiescer le propos d’autrui, en répétant l’énoncé antérieur. Une autre des fonctions consiste à démontrer son accord avec l’autre ce qui est une fonction qui n’avait pas été relevée dans les recherches. Cette observation nous amène à dire que la reformulation permet de coconstruire le discours, un principe favorable en interaction (Daniel, 2005  ; Rabatel, 2004  ; Vion, 1992). De plus, Martinot (2015) souligne que la reformulation permet aux élèves de développer des stratégies sur l’utilisation de la langue. Nous avons observé cette fonction, notamment lorsque certains élèves rectifient la prononciation d’un autre élève ou bien lorsqu’ils aident un pair à réinvestir un mot appris pendant la DP. Enfin, dans l’étude de Bouchard, Lavoie et Gagnon (2015), des élèves du secondaire utilisent surtout la reformulation réparatrice pour rendre leur propos compréhensible, une autre fonction que nous retrouvons également dans nos résultats. D’ailleurs, cette fonction est préconisée pour outiller les élèves à dialoguer (Dumais, 2014), principalement en contexte de langue seconde où les bris de communication peuvent être plus fréquents en raison du double défi de la langue comme moyen de communication et de la langue au service des apprentissages.

Quant à l’importance de la mise en place d’une séquence d’enseignement, à partir des modèles didactiques de l’oral, nos conclusions vont dans le même sens que les recherches avec interventions (Dumais, Lafontaine et Pharand, 2015  ; Hébert, Guay et Lafontaine, 2015), c’est-à- dire que les élèves sont en mesure d’utiliser l’objet ciblé à la suite de l’enseignement reçu. En effet, à la suite de l’enseignement de la reformulation, à la DP #3, les élèves osent exprimer leur incompréhension et ils utilisent des phrases comme «  peux-tu reformuler  ?  » ou «  peux-tu répéter  ?  », modélisées lors de l’atelier formatif sur la reformulation. D’ailleurs, l’élève 4 reformule quatre fois à la suite d’une demande de clarification de l’un de ses pairs. Cette reformulation de type réparatrice permet de pallier les bris de communication, principe évoqué plus tôt, et d’offrir des stratégies aux élèves pour entrer en interaction. Ainsi, nous pouvons conclure que la mise en place d’une séquence d’enseignement-apprentissage, notamment au moyen de l’atelier formatif proposé par Dumais (2015), permet à tous les élèves de faire des transferts pendant la mise en pratique, soit les discussions philosophiques.