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Chapitre 2 : Le cadre conceptuel et les recherches empiriques

2.6 Les approches « philosophie pour enfants » au service du développement de la compétence

répondre au postulat présenté par Pekarek Doelher (1999), c’est-à-dire qu’il offre des conditions optimales pour développer la compétence discursive puisqu’il permet la coconstruction du discours et laisse place aux différences d’opinions.

Sachant que les modèles didactiques de l’oral ont fait leurs preuves en français, langue d’enseignement, pour enseigner des objets de l’oral, notamment à l’aide des ateliers formatifs. Comme la séquence d’enseignement doit s’accompagner d’un genre dans lequel les élèves mettent en pratique les objets ciblés dans notre présente étude, nous considérons le dialogue philosophique comme un genre oral favorable au développement de la compétence discursive. Il nous semble donc important de présenter les principaux fondements des approches «  philosophie pour enfants  » pour les intégrer à une séquence d’enseignement. Par ailleurs, il sera aussi important de considérer le bagage linguistique des élèves scolarisés en classe d’accueil grâce aux approches plurilingues, abordées plus loin dans le texte.

2.6 Les approches «  philosophie pour enfants  » au service du développement de la compétence discursive

À travers le monde, la philosophie pour enfants a pris son essor. Différents courants sont apparus à la suite du modèle proposé par Matthew Lipman (1980) aux États-Unis. Notamment, en milieu scolaire, la philosophie pour enfants a contribué à développer la pensée critique chez les élèves et à favoriser le vivre-ensemble (Auriac-Slusarczyk et Saint-Dizier de Almeida, 2016). Dans le modèle proposé par Lipman, un dispositif d’enseignement permet d’amorcer la discussion à visée philosophique. D’abord, l’enseignant lit un texte littéraire à voix haute (roman, album de littérature de jeunesse, texte philosophique, etc.). Ensuite, les élèves se placent en cercle pour élaborer une question, qu’ils choisiront en groupe, en lien avec le thème du texte lu. Quant à l’enseignant, son rôle est d’animer la discussion. C’est lui qui distribue la parole et qui relance la réflexion des élèves. Les discussions à visée philosophique ont pour objectif d’amener les élèves à développer leur jugement et leur pensée à partir d’une communauté de recherche (Chirouter, 2015).

La place du texte dans l’approche de Lipman (1980) est centrale, puisque c’est le support qui permet aux élèves de s’aventurer dans le monde de la pensée et de se décentrer. Cet auteur utilise

le roman. Chirouter (2015), de son côté, mentionne que la littérature de jeunesse offre un cadre commun à la discussion.

Au Québec, Sasseville (2007, 2017) développe des communautés de recherche philosophique où un animateur joue un rôle important dans la mise en place de l’atelier philosophique. Ces ateliers philosophiques, par la pratique du dialogue, permettent notamment aux élèves de développer leur propos en donnant des définitions plus justes par la justification et de vérifier leur compréhension par la reformulation des propos d’autrui (Bouchard, Lavoie et Gagnon, 2015). Également, les élèves développent leurs habiletés sociales par l’écoute et le respect des différents points de vue (Daniel, 2005).

De plus, la philosophie pour enfants semble être une pratique susceptible de respecter les recommandations du programme éthique et culture religieuse (ECR) (MELS, 2006), notamment les compétences : «  pratiquer le dialogue  » et «  réfléchir sur des questions éthiques  ». D’autant plus que la justification fait partie des connaissances à développer selon la progression des apprentissages en ECR (MELS, 2006). Cette approche vise également le développement de la compétence à communiquer oralement en contexte d’interaction tout en favorisant la prise de parole et l’écoute active, dans la mesure où les élèves jouent à la fois le rôle de locuteur et d’auditeur (Daniel, 2005).

Dans une étude qualitative réalisée en France, Daniel, Pettier et Auriac-Slusarczyk (2011) observent les effets du dialogue philosophique sur la compétence langagière chez des élèves de quatre ans à partir d’une typologie des échanges et de l’utilisation des pronoms. La pratique du dialogue philosophique a été mise en place de manière hebdomadaire pendant quatre mois dans le groupe expérimental (26 élèves) tandis que le groupe contrôle (26 élèves) a vécu qu’une seule expérience de dialogue philosophique. Les auteurs (Daniel, Pettier et Auriac-Slusarczyk, 2011) ont observé, à la suite de l’intervention, la présence d’une pensée plus abstraite et moins égocentrique chez les élèves du groupe expérimental. La mobilisation de pronoms dans les échanges, comme le «  nous  » et le «  ils général  » au lieu du «  je  », permet d’identifier une décentration dans le discours des élèves. De plus, Daniel, Pettier et Auriac-Slusarczyk (2011) révèlent que les élèves du groupe expérimental ont utilisé davantage les échanges dialogiques

contrairement au groupe témoin qui a seulement eu des échanges anecdotiques ou monologiques. Il semble également possible d’observer que les élèves développent leur pensée critique, notamment par la mobilisation des habiletés complexes du langage comme le doute, le questionnement et la justification, qui les aident à sortir de la pensée égocentrique. À la suite des résultats obtenus lors de cette recherche, Daniel, Pettier et Auriac-Slusarczyk (2011) soulignent la pertinence d’étudier d’un point de vue psycholinguistique, les éléments liés à la justification et à la reformulation, entre autres, dans la construction du discours.

Dans une autre recherche, réalisée en contexte majoritairement francophone, Daniel (2005) apporte des nuances au concept de l’échange. Un échange peut être anecdotique, monologique ou dialogique. Le premier consiste en de simples échanges sans but commun et permet aux élèves de parler d’eux. Le second s’oriente vers un processus de recherche où il y a qu’une seule bonne réponse et donc peu de justifications. Le dernier se caractérise par des élèves qui réfléchissent entre eux et établissent des liens entre leurs points de vue. L’échange dialogique comporte trois niveaux : non critique, quasi critique et critique. Ce type d’échange vise la construction du sens et non la quête d’une vérité absolue. La justification est donc un élément observable ainsi que la reformulation puisque ces actes permettent de rendre le discours cohérent et d’avoir une cohésion dans un groupe ou dans «  la communauté de recherche  », terme utilisé par Daniel (2005). Nous retenons que les échanges dialogiques démontrent une coconstruction du discours entre les élèves.

En nous appuyant sur ces recherches, nous savons que la pratique du dialogue philosophique permet de développer la compétence discursive, autant la justification que la reformulation, et ce, par le biais des interactions. Il apparait pertinent de réfléchir sur la possibilité d’utiliser l’approche de la philosophie pour enfants comme un genre oral, que nous nommons les discussions philosophiques, et de l’intégrer à une séquence d’enseignement-apprentissage, inspirée des modèles didactiques de l’oral, avec des élèves allophones scolarisés en classe d’accueil afin d’en observer les effets sur le développement de la compétence discursive, soit la justification et la reformulation. Puis, pour tenir compte du bagage linguistique et culturel des élèves allophones, nous croyons qu’il est important de comprendre les fondements théoriques des

approches plurilingues pour ainsi adapter la séquence d’enseignement-apprentissage à la réalité du milieu scolaire dans lequel est réalisée notre recherche.