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Chapitre 4 : La présentation, l’analyse des résultats et la discussion

4.4 La discussion en lien avec l’objectif 2

À la lumière des résultats, nous pouvons penser que l’enseignement de la justification a permis à l’ensemble des élèves de produire des justifications plus élaborées, puisqu’au départ aucun élève n’en avait réalisé. Ces derniers se contentaient de fournir des arguments anecdotiques et principalement tirés de leur expérience. Ce résultat rejoint ceux de l’étude de Hébert, Guay et Lafontaine (2005), dans laquelle les 18 élèves, dont des élèves de 3e cycle du primaire et de 3e année du secondaire, avaient justifié deux fois plus après avoir reçu un enseignement des conduites discursives grâce aux ateliers formatifs. Ce constat s’avère sensiblement le même dans notre étude, les participants passent d’un total de dix justifications à la DP #1 à quinze justifications à la DP #2 après la période d’enseignement de la justification.

Non seulement le nombre de justifications augmente, mais également le degré d’élaboration de celles-ci. Au départ, aucune justification n’est élaborée ou peu élaborée et à la dernière DP neuf le sont. En effet, au départ, les participants de notre étude présentaient leurs arguments à partir d’exemples, et ce, sans faire de liens avec ce qui avait été dit auparavant et ils n’utilisaient pas de connecteurs ou de verbes d’opinion. Ce constat nous permet d’affirmer qu’il est nécessaire d’outiller les élèves afin qu’ils puissent élaborer leurs justifications et employer des verbes d’opinion tels que «  je pense que  » ou «  je suis d’accord  » pour faire valoir leur point de vue comme le suggéraient Forget et Gauvin (2017) et de fournir de l’étayage aux élèves comme proposent les différents modèles didactiques (Dolz et Schneuwly, 1998 ; Dumais, 2015 ; Lafontaine, 2007). Nous notons que l’étayage fournit par l’enseignant joue un rôle important dans l’élaboration des justifications, principalement pour l’élève 2 et l’élève 6.

Dans le cadre des discussions philosophiques, les justifications ont majoritairement pour fonctions de préciser un point de vue, de donner son opinion et de donner son accord. Ces différentes fonctions correspondent à la définition de la justification à visée démonstrative de Chartrand (2013). Contrairement à l’étude réalisée par Forget et Gauvin (2017), où l’usage de la justification était : chercher, expliquer et débattre, car le contexte de la dictée zéro faute

(où les élèves devaient expliquer leur raisonnement grammatical) les amenait plutôt à convaincre leurs pairs de leur bonne réponse, ce qui n’est pas le but visé par les discussions philosophiques. Ainsi, se confirme toute l’importance d’enseigner explicitement les différentes fonctions de la justification aux élèves et de leur montrer les différences entre une justification de type démonstratif pour convaincre et une justification de type explicatif pour faire comprendre un point de vue.

Les discussions philosophiques semblent offrir un contexte favorable à l’utilisation de la justification. Non seulement les élèves utilisent la justification, mais ils sont également parvenus à nommer leur accord ou leur désaccord avec le propos de leurs pairs. Cette fonction relevée par Daniel (2005) démontre que les élèves sortent de leur pensée égocentrique. Il en résulte une meilleure cohésion du groupe au sein duquel les échanges se construisent. Daniel, Pettier et Auriac-Slusarczyk (2011) avaient observé le développement de la pensée critique chez les enfants entre 4 et 12 ans dans le cadre de dialogues philosophiques. Ils avaient démontré que les élèves sont capables de faire preuve d’intersubjectivité lorsqu’ils utilisent la justification, puisque cette conduite leur permet d’aller au-delà de la pensée égocentrique. Selon nos résultats, la dernière discussion philosophique nous laisse croire que les élèves se sont décentrés de leur point de vue, puisqu’ils utilisent des justifications plus élaborées et moins anecdotiques. De plus, leurs propos sont de plus en plus liés entre eux au cours de la discussion. Ils arrivent désormais à affirmer leur accord ou leur désaccord avec leurs pairs. Bien que la justification pour démontrer son désaccord a été peu utilisée. D’ailleurs, cette coopération entre les élèves est l’un des postulats gagnants qui mènent à l’amélioration de la compétence discursive dans l’étude de Pekarek Doelher (1999).

En fait, à la discussion philosophique #1, les interventions n’étaient pas liées entre elles, chacun des participants donnait son opinion sans tenir compte de l’autre. Contrairement à la discussion philosophique #5, où les interventions étaient davantage liées entre elles, d’où la notion de coopération. Donc, nous pouvons croire que la période de l’enseignement de la justification, particulièrement l’utilisation de la modélisation à utiliser des verbes d’opinion comme «  je suis d’accord  », a permis aux élèves de construire le dialogue et d’échanger entre

eux. À partir de la discussion philosophique #4, nous observons que les élèves comparent leurs arguments à celui d’autrui. Ainsi, le dialogue est de plus en plus coconstruit, principe évoqué par Rabatel (2004). Selon Rabatel (2004), la coconstruction du discours démontre que les élèves ont écouté et retenu le point de vue de leurs pairs, puisque les prises de parole sont liées par un même thème. Comme nous avons pu le constater dans la DP#5, les élèves ne se limitent plus à des enchainements, nous pouvons croire qu’il y a une meilleure maitrise de la capacité à dialoguer si nous nous fions aux principes de coénonciation évoqués par Rabatel (2004), de la définition du dialogue de Daniel (2005) et des notions de dialogisme de Vion (1992). Ce principe avait également été évoqué par Halté et Rispail (2005) lors de leur recherche dans laquelle ils avaient observé et décrit les interactions en classe.

 

Enfin, comme nous l’avons vu dans l’objectif 1, l’enseignante, au fil des discussions philosophiques, a pu laisser les élèves davantage parler entre eux, car elle avait de moins en moins à demander aux élèves de préciser leur point de vue. Dans les deux premières discussions philosophiques, c’est surtout elle qui demande aux élèves de justifier ou de préciser leur pensée, alors qu’au cours de la DP #5, les élèves le font entre eux. Ce résultat peut s’expliquer par le développement de la compétence discursive, entre autres, grâce à l’enseignement des conduites discursives, mais il ne faut pas oublier le facteur temps. En raison du temps, certains élèves peuvent avoir développé leur vocabulaire en français et avoir plus confiance en eux.

4.5 L’objectif 3 : Observer les effets de l’enseignement des conduites discursives sur la