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Chapitre 2 : Le cadre conceptuel et les recherches empiriques

2.7 Les approches plurilingues

À notre connaissance, aucune recherche n’a porté sur l’adaptation d’un modèle didactique de l’oral qui s’appuie sur les approches de la philosophie pour enfants auprès d’élèves allophones scolarisés en classe d’accueil. Comme mentionné, le dialogue philosophique offre aux élèves un lieu pour interagir et pour mobiliser les conduites discursives (Bouchard, Lavoie et Gagnon, 2015  ; Daniel, 2005). Il leur permet également de construire leur identité. Sachant que la langue est un marqueur identitaire grâce auquel les élèves peuvent exprimer leur culture (Candelier, 2003), il nous apparait important de les aider à conserver un sentiment positif envers leur identité. Pour ce faire, il nous semble favorable, selon les principes inspirés des approches plurilingues et des recherches réalisées en contexte de langue seconde (Armand, Dagenais et Nicollin, 2008  ; Candelier, 2003), d’avoir une posture qui légitime le répertoire linguistique des élèves afin qu’ils puissent développer à la fois une compétence discursive et plurilingue.

Une compétence plurilingue se définit par la capacité du locuteur à mobiliser l’ensemble de ses connaissances en lien avec son répertoire linguistique et son bagage culturel, et ce, à travers différents contextes de communication (Moore et Castellotti, 2008). Plus précisément :

On désigne par compétence plurilingue et pluriculturelle, la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement possédée par un acteur qui maitrise, à des degrés divers, plusieurs langues, et a, à des degrés divers, l’expérience de plusieurs cultures, tout en étant à même de gérer l’ensemble de ce capital langagier et culturel. L’option majeure est de considérer qu’il n’y a pas là superposition ou juxtaposition de compétences toujours distinctes, mais bien existence d’une compétence plurielle, complexe, voire composite et hétérogène, qui inclut des compétences singulières, voire partielles, mais qui est une en tant que répertoire disponible pour l’acteur social concerné. (CECR, 2009, p.11)

À partir de cette définition, développer une compétence plurilingue offre aux élèves la possibilité de développer certaines stratégies au niveau du fonctionnement de la langue. De plus, la possibilité d’entrer en communication en puisant dans leurs ressources linguistiques leur permet de maintenir la conversation, par conséquent la coexistence de deux ou de plusieurs langues dans une situation d’apprentissage est désormais possible et même valorisée et une volonté de

communiquer se manifeste chez les élèves (Moore, 2006).

Il existe différentes approches plurilingues qui visent, en autres, à ce que les élèves développent une compétence plurilingue en les plaçant dans des contextes où ils peuvent vivre une expérience positive face à l’apprentissage d’une nouvelle langue et où les différentes langues de leur répertoire puissent interagir entre elles (Cavalli, 2008). Ainsi, ils acquièrent une compétence plurilingue grâce à la possibilité de communiquer dans plusieurs langues et de «  mélanger  » les différentes cultures (Moore et Castellotti, 2008). En tentant de développer cette compétence chez les élèves et en considérant le répertoire linguistique et le bagage culturel comme un levier pour les apprentissages des élèves, les enseignants peuvent alors sensibiliser les élèves à la diversité linguistique à l’aide des activités d’éveil aux langues et leur offrir la possibilité d’utiliser le «  translanguaging  ».

Les activités d’éveil aux langues permettent aux élèves de se familiariser avec les différentes langues au moyen d’activités de découverte des systèmes langagiers (Armand, F., Dagenais, D. et Nicollin, L., 2008  ; Candelier, 2003). Rappelons-nous, la langue est à la fois un moyen de communiquer grâce à la langue, mais également un moyen d’accéder à la culture, c’est pourquoi le but de ces activités est d’amener les élèves à adopter une attitude positive face aux langues et une ouverture face aux différences de l’Autre. Les activités proposées ont souvent lieu en interaction, dans un espace dit plurilingue, où les élèves formulent des hypothèses sur le système langagier (Candelier, 2003). Elles poursuivent trois buts : développer des représentations et une attitude positive face à la diversité linguistique et culturelle, développer des aptitudes métalinguistiques en observant les systèmes linguistiques et développer une culture langagière (Candelier, 2003).

Le «  translanguaging  », notion proposée par García et Wei (2014), reconnait l’ensemble du répertoire linguistique des élèves et leur performance linguistique générale. Ils ont donc la possibilité d’utiliser, à l’oral ou à l’écrit, les différentes langues de leur répertoire linguistique lors des activités pédagogiques. Par exemple, ils peuvent lire en français et répondre dans la langue de leur choix. Plus précisément, le «  translanguaging  » s’inspire à la fois de la théorie de l’interdépendance des langues (Cummins, 1979) et de l’alternance codique, le «  code-switching  », (cité dans Germain, 1995).

La possibilité d’avoir recours à l’alternance codique est une stratégie pour les élèves qui ont moins de vocabulaire en français (Moore, 2006). D’ailleurs, Stratilaki (2008) observe que les élèves débutants ont recours à l’alternance codique pour remplacer des mots simples, et ceci, plus fréquemment en contexte d’interaction. Ainsi, le recours à une langue de leur répertoire linguistique leur sert de ressource pour entrer en interaction. Bref, ils peuvent alterner leurs langues et, ainsi, développer une compétence discursive, étant donné qu’ils ont la possibilité de poursuivre la communication avec les interlocuteurs dans différentes langues, réduisant ainsi les possibles bris de communication (Moore, 2006).

La mise en place des activités d’éveil aux langues et la possibilité d’utiliser le «  translanguaging  » valorisent le répertoire linguistique des élèves et leur permettent d’avoir une meilleure image d’eux (Simon et Sandoz, 2008). Également sur le plan scolaire, la possibilité de faire des va-et- vient dans leur langue maternelle et de revenir dans la langue d’apprentissage leur permet de maximiser l’apprentissage (Hornberger, 2003 ; Hornberger et Link, 2012). La valorisation du répertoire linguistique semble avoir un impact positif sur le plan scolaire et identitaire, dont sur le savoir vivre-ensemble, un objectif également poursuivi par les approches de la philosophie pour enfants et par le programme ECR (MELS, 2006).

En considérant les approches plurilingues, nous retenons l’importance d’offrir un climat de classe ouvert à la diversité linguistique et culturelle et de mettre en place des activités dites d’éveil aux langues, parmi celles proposées sur le site ÉLODiL 10 pendant l’intervention11. De plus, nous souhaitons reconnaitre le bagage linguistique et culturel des élèves, offrir un espace plurilingue et les outiller à utiliser ce bagage linguistique et culturel comme levier à l’apprentissage du français pour optimiser le genre oral, soit les discussions philosophiques. D’ailleurs, nous envisageons la possibilité d’adapter le modèle didactique de l’enseignement de la justification et de la reformulation en offrant aux élèves la possibilité de recourir aux langues de leur choix pendant l’intervention.

                                                                                                                10 https://www.elodil.umontreal.ca

11 L’enseignante-chercheuse met en place tout au long de l’année scolaire des activités d’éveil aux langues et légitime les autres langues.