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Les concepteurs d’ouvrages de génie construits en remblai utilisent depuis les années 80 le critère de conception géométrique pour prévenir l’érosion interne et l’érosion de contact (Sherard & Dunnigan, 1989), appelé critère moderne de conception de filtre (modern filter design criteria), et la limite de conception sans érosion, sans érosion excessive et sans érosion continue depuis le début des années 2000 (Foster & Fell, 2001). Lorsque ces critères sont respectés, l’érosion est empêchée puisque les particules fines sont géométriquement incapables de circuler à travers les pores du matériau ou de la couche filtre. Toutefois, pour les matériaux pour lesquels les critères géométriques ne sont pas respectés, les conditions de chargement hydraulique du milieu doivent être considérées. D’autre part, les critères utilisés dans ce projet de recherche, décrits à la section 2.4, ont été définis pour des cas de matériaux saturés. Néanmoins, l’écoulement fortement réduit que permet un matériau non saturé et la diminution de la lubrification par l’eau entre les particules devraient assurer la stabilité dans les zones non saturées ou partiellement saturées.

Pour que l’érosion soit initiée, l’ouvrage ne doit pas respecter les critères géométriques de filtre et la force d’arrachement des particules générée, elle-même liée à la vitesse d’écoulement, doit être supérieure au seuil critique. Pour les cas où le critère géométrique de filtre n’est pas respecté, les résultats présentés au chapitre 4 démontrent que, pour un barrage typique, les vitesses d’écoulement ne semblent pas suffisantes pour initier une érosion de contact en situation de surverse. Les analyses de sensibilité ont cependant démontré qu’une crête très perméable pourrait éventuellement entraîner des vitesses élevées et possiblement un écoulement turbulent, propice à l’arrachement des particules les plus fines. L’érosion pourrait même devenir importante pour les cas où la hauteur maximale atteinte dans le réservoir est élevée et génère un écoulement accru qui s’écoule presque uniquement par-dessus le noyau comme observé à la figure 4.10. Toutefois, le phénomène naturel de pavage (paving) par lequel l’érosion de l’interface se stabilise, puis s’arrête après que les particules fines aient été arrachées et que l’écoulement ait retrouvé un équilibre (Dionne & Konrad, 2015) fournit une protection additionnelle contre une érosion de contact excessive.

Le critère de Brauns (1985) a été utilisé pour évaluer le risque d’érosion de contact. Cependant, il a été expliqué à la section 2.4.1 que ce critère n’a pas été conçu pour des sols très fins ou présentant une cohésion. Il s’agît ainsi d’une évaluation sommaire de l’érosion de contact dans les barrages en remblai et les résultats devraient être réinterprétés avec un critère adapté aux sols silteux ou argileux.

La présente étude montre que l’érosion interne est davantage préoccupante pour les concepteurs et gestionnaires de barrages que l’érosion de contact dans les barrages en remblai. Les résultats affichent un facteur de sécurité mince ou même inférieur à l’unité dans certains cas, en référence au critère de Konrad et Côté (2013). Ce critère a d’ailleurs été établi pour des sols de faible plasticité, dans le contexte de noyau en till glaciaire des barrages en remblai. Il apparaît toutefois que les critères de stabilité interne sont incomplets pour une utilisation dans l’étude de barrages en remblai. En effet, il est établi que l’érosion interne peut survenir dans la zone en pied de barrage. Or, les contraintes de confinement sont importantes dans ces zones et donnent lieu à plus de contact entre les particules. L’entraînement des particules fines par l’écoulement interne semble donc moins probable. Il serait pertinent d’approfondir la recherche sur ce sujet afin de tenir compte de la contrainte de confinement dans le calcul de la vitesse critique. S’ajoute aussi la protection naturelle du matériau à l’érosion interne par colmatage. En effet, les fines en suspension ont tendance à s’agglutiner, puis à obstruer les pores et à couper l’écoulement ce qui, à son tour, ralentit le processus d’érosion. Aussi,

La conductivité hydraulique du noyau est un élément important de la conception de barrages en remblai. Elle est typiquement très basse afin de contrôler le débit et les vitesses d’écoulement à travers le barrage, mais les résultats montrent qu’un noyau perméable diminue aussi la protection à l’arrivée de la situation de surverse.

Au final, la somme des résultats montre qu’il est possible de prendre en considération le phénomène de surverse à l’étape de la conception et de prévenir l’ouvrage contre cette problématique. En ce sens, il ressort de la figure 4.12 que, bien que la surverse puisse arriver aussi rapidement qu’après une à deux journées durant lesquelles le réservoir excède le niveau du noyau, le décalage dans le temps entre l’influx et la réponse à l’aval de l’ouvrage fait en sorte que les vitesses maximales ne seront mobilisées que quelques dizaines d’heures plus tard. Ce décalage est dû à la compressibilité des matériaux et à leur porosité. Ainsi, la réponse est observée plus tardivement dans les matériaux plus poreux, mais la compaction intense des couches dans les barrages en remblai aura tendance à accélérer la vitesse à laquelle la réponse se propage dans l’ouvrage.

La pente de la courbe de rétention du filtre a montré peu d’influence sur le phénomène de surverse du noyau. Cependant, pour les matériaux de filtre qui se désaturent très rapidement lorsque la succion augmente (λ élevé), le filtre non saturé à l’aval devient également très imperméable et agît comme une barrière capillaire qui ralentit la saturation de l’aval au-delà de l’interface direct avec le noyau (figure 5.1). Ce phénomène resterait à étudier davantage afin de possiblement recommander l’utilisation de filtres avec une certaine proportion de fines afin d’éviter un écoulement important et turbulent dans la couche de transition aval.

Figure 5.1 : Effet de barrière capillaire au filtre aval (tiré de la simulation 1)

Il est à noter que le trait blanc dans la figure 5.1 représente la ligne piézométrique et que les anomalies observées dans le degré de saturation, entre autres les variations franches et abruptes, sont causées par la grande différence entre les courbes de rétention utilisées pour chacun des matériaux. En effet, seul un lissage des courbes et un maillage extrêmement fin aux interfaces entre les matériaux permettrait d’obtenir un visuel cohérent en tout point avec les lois physiques.

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Finalement, les résultats obtenus représentent le comportement du modèle idéalisé détaillé au chapitre 3. L’idéalisation provient des hypothèses du modèle : les transitions entre les composantes de ce barrage sont parfaitement délimitées, les propriétés du matériau sont homogènes à l’intérieur de chaque couche, l’écoulement est assumé laminaire (équation de Darcy et de Richard) sur l’ensemble de la coupe modélisée, la base du barrage est parfaitement imperméable et le comportement des matériaux non saturés suit parfaitement le modèle de Brooks & Corey. Ainsi, les résultats obtenus suivent généralement des courbes bien définies. Les imperfections dans les courbes sont attribuables aux effets d’interpolations issus du maillage choisi, de la discrétisation des pas de temps et de la tolérance sur l’erreur absolue lors du calcul itératif. Aussi, le barrage modélisé possède une hauteur en crête de 42 m. Or, un barrage plus haut avec un niveau de réservoir plus élevé laisserait passer un débit supérieur en raison d’un gradient hydraulique total plus élevé. Les vitesses d’écoulement, spécialement en pied de barrage, pourraient donc être plus élevées.

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