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10.1 Qualité de l’étude

Dans un premier temps nous analyserons les modalités de recueil des données à partir des

critères des études qualitatives :

La critique a été permanente tout au long de la méthode Delphi et de son élaboration. Elle a

été répétée à chaque étape et reprise par le comité de pilotage, ainsi que le medical writer

extérieur à la recherche. La triangulation a permis d’améliorer la qualité et la crédibilité de

la recherche.

La cohérence des recommandations finales ainsi que la logique des liens établis avec la

bibliographie ont été évaluées par l’ensemble des personnes ayant participé à la recherche.

La transférabilité de la méthode de recherche reste en rapport avec le choix de l’échantillon

et sa représentativité ; le nombre de participants a été important et a permis à cette recherche de

refléter l’opinion des différents groupes d’experts. Le groupe étant conséquent 24 personnes

expertes ont participé au consensus. Cependant l'expertise n'a pas été répartie équitablement

dans le groupe d'experts. Il y avait moins de patients et d'experts en simulation que d’experts

en ETP. Il était difficile de recruter des patients experts en raison des critères de sélection

relativement étroits qui étaient fondés sur la définition d'un «patient expert». En effet, il était

difficile de trouver des patients experts qui étaient disposés à participer et consacrer du temps

et des efforts pour le projet, en sachant surtout que leur participation pourrait être perturbée à

tout moment par leur état de santé (l'un d'eux s’est retiré de la conférence de consensus et du

troisième questionnaire en raison de problèmes de santé). De même, il y avait peu d'experts en

simulation étant donné que le développement de cette technique en Europe est encore

principalement axé sur les soins d'urgence et l'utilisation de matériel médical. Cependant, nos

méthodes d'analyse (moyenne par groupe d'experts) ont permis d'accorder un poids égal aux

propositions de chaque type d'expert.

Les participants ont tous acceptés d’être co-auteurs de l’article et ont précisé dans ce but leur

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10.2 Discussion des résultats

Certaines recommandations de la S-ETP reprennent celle de l’ETP comme par exemple:

« La simulation devrait impliquer les proches aidants s'ils jouent un rôle dans la prise en charge

de la maladie du patient » (A1). Même si pour les soignants pratiquant l’ETP, il est maintenant

évident que les méthodes utilisées pour les patients peuvent être proposées aux proches aidants.

Cette recommandation a pour mérite de confirmer l’intérêt de leur participation comme

observateur ou acteur de la simulation. Elle se place ainsi comme toutes les autres méthodes

utilisées en ETP.

Certaines recommandations n’ont pas été conservées, comme : « La simulation devrait être

utilisée aussi longtemps que le patient est prêt à participer à un programme d'éducation

thérapeutique du patient » (A2), ou « la simulation est applicable pour toutes les pathologies »

(A5). Ces deux recommandations n’apportaient rien de spécifique à la S-ETP, elles ont eu le

mérite d’interroger les particularités comme la maladie mentale, ou le parcours du patient.

« La simulation peut être utilisée indépendamment des capacités cognitives du patient » (A3).

Les experts ayant eu des expériences de simulation avec des patients porteurs de troubles

cognitifs n’ont pas d’appréhension à l’utilisation de cette méthode en dehors de période de

crises. La simulation étant basée sur la réflexivité, il est pertinent de se demander si des

personnes aux capacités cognitives altérées peuvent en avoir les bénéfices. 86% des experts

pensent que la simulation adaptée aux capacités cognitives des patients leur permettra de

développer des compétences.

Il a été nécessaire de réaliser un troisième questionnaire après la conférence de consensus, car

certaines recommandations concernaient l’ETP en général et non l’utilisation de la S-ETP. Lors

des échanges, les experts avaient eu conscience de ce point mais souhaitaient insister sur des

règles qui auraient pu être rediscutées. En réalité la simulation n’a pas le pouvoir d’éduquer un

patient dont l’état de santé, ou toute autre considération sont des obstacles à l’entrée dans un

programme quelle que soit la méthode utilisée. A ce jour les conditions d’admission à un

programme de S-ETP sont les mêmes que celles d’un programme d’ETP. La S-TPE peut être

adaptée aux particularités du patient et des proches aidants lorsque l’ETP est possible, sauf si

le patient souffre de troubles anxieux majeurs. La simulation peut être offerte aux patients après

une première séance d'information dans un groupe d'environ dix adultes, tout en respectant les

scénarios de complexité progressive afin d'éviter de générer du stress chez les patients. La

possibilité de répétition que la simulation permet, est reconnue comme un atout pour

l'acquisition de certaines compétences selon Buléon C. (198). Certaines recommandations

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rejetées au cours de la conférence de consensus portaient plus sur les processus d'acceptation

associés aux maladies chroniques que sur les compétences. C'est le cas des processus de

résilience et de deuil par le patient. Même si les experts conçoivent que la simulation pourrait

accompagner les étapes de deuil du patient, son utilisation ne leur semble pas viser ses objectifs.

Bien que la simulation soit recommandée pour apprendre à gérer le stress, les experts ont rejeté

l'idée de l'utiliser chez les patients souffrants de troubles anxieux majeurs car la simulation

pourrait aggraver le problème et limiter l’apprentissage du patient.

Le groupe d'experts a convenu que la simulation pouvait contribuer à développer des

compétences en contexte chez les patients et leurs proches aidants en ETP. Les experts ont pu

proposer des exemples de compétences techniques ou non techniques à développer dans leurs

domaines (cf. Tableau 7). Cela est particulièrement vrai pour certaines compétences qui sont

sous-développées en ETP et jugées difficiles à acquérir, comme « réagir à une hypoglycémie

sévère » (88). Il existe plusieurs obstacles potentiels à l'acquisition de compétences. Par

exemple, le stress et les émotions qui peuvent être générés lors de l'apprentissage de

compétences complexes (88), l’état de santé des participants qui peut compliquer leur

autogestion (182), et la contextualisation insuffisante des situations de résolution de problèmes

qui peuvent limiter la capacité du patient à appliquer ses compétences dans la vie quotidienne.

De plus, les éducateurs peuvent se montrer réticents ou manquer d'expertise dans certains

domaines comme la gestion des émotions des patients (199). Selon les experts, et comme le

montrent les premières expériences auprès des proches aidants en ETP, la simulation devrait

permettre de surmonter ces difficultés (182-189). En effet, la simulation avec un éducateur

formé permet aux patients de vivre des situations complexes et authentiques dans un

environnement sans risque. C'est la principale valeur de la simulation pour autant qu'elle

réponde aux critères de fidélité à la fois technique (ou physique) et psychologique, selon la

tâche à accomplir et le niveau de formation de l'apprenant (novice ou expert).

Tous nos experts s'accordent à dire que quel que soit le mode de simulation (in situ, dans un

centre dédié ou en ligne), l'étape du débriefing reste essentielle pour l’apprentissage. Sans

débriefing, si le patient est laissé seul, les bénéfices de la simulation en termes d'apprentissage

seraient probablement diminués (139,153,154). Si le patient a des difficultés à résoudre des

problèmes de santé et n'est pas capable d'analyser la situation par lui-même, cela peut causer

une perte de confiance en soi. Par conséquent, la simulation doit être soigneusement planifiée

pour faciliter la réflexivité et la métacognition développées pendant la phase de débriefing (137)

et en particulier pour la simulation en ligne.

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Le mode de simulation doit être déterminé en contexte afin de permettre un accès plus pertinent

par rapport aux compétences visées. L'accès à la S-ETP reste préoccupant en raison du nombre

limité de centres de simulation, qui sont pour la plupart situés dans les grandes villes. Afin

d'encourager une utilisation plus large de la S-ETP, d'autres types d'installations devraient être

envisagées. Par exemple, les centres de formation des professionnels de santé, qui sont

progressivement équipés de salles, ou encore l’utilisation de matériel portatif permettant

d’animer la situation in situ, c’est à dire dans les salles d’ETP, ou des salles neutres. Ces moyens

peuvent être utilisés pour la S-ETP, d'autant plus que les simulations ne nécessiteront

probablement pas de dispositifs médicaux spécifiques (comme des mannequins sophistiqués),

mais plutôt un contexte qui ressemble à celui de l'environnement quotidien du patient.

Il est essentiel de retenir que les experts recommandent de la vigilance car la simulation ne doit

pas être improvisée, mais soigneusement planifiée pour faciliter la réflexivité et la

métacognition réalisées pendant la phase de débriefing du processus de simulation (137). Cela

exige également que les éducateurs soient formés à l'utilisation de la simulation dans les

programmes d’ETP, comme le recommandent les experts (B13) et la littérature (153,182).

Certains experts et professionnels de santé réalisant de l’ETP ont des pratiques qui peuvent

sembler proches de celle de la simulation souvent sans la phase de réflexivité et sans débriefing

structuré ou encore sans scénario établi et avec une co-construction au fil de l’exercice, ce qui

modifie l’engagement individuel, la projection en contexte et les liens métacognitifs et

émotionnels qui se mettent en place lors d’une simulation.

Tous les participants se sont engagés dans ce processus de conférence de consensus et ont

participé activement jusqu'à la fin, sauf une, ce qui souligne un engagement fort. Ce taux de

participation n'est pas habituel; c'est probablement en raison de l'intérêt qu'ils perçoivent pour

participer à une telle recherche, de leur sentiment d'appartenance au groupe et de l'importance

accordée aux réponses fournies.

Il y a néanmoins des limites à ce consensus. Comme aucune étude n'a évalué spécifiquement la

S-ETP, les recommandations se sont appuyées sur des études évaluant la simulation pour la

formation des professionnels de la santé, et le niveau de preuve a ensuite été abaissé pour la

transférabilité. Dans certains cas seul l’avis des experts a pu être retenu, aucune étude n’ayant

encore été réalisée sur ce thème. Il est donc nécessaire, sur la base des recommandations,

d'initier de nouvelles recherches sur la S-ETP.

Enfin, en raison de la diversité des panélistes (pathologies et contextes), nos recommandations

sur l'utilisation de la S-ETP restent assez génériques. Il sera nécessaire que les éducateurs les

contextualisent en fonction des besoins des patients auxquels peuvent être dédiés les S-ETP,

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comme cela a été fait pour la prise en charge de l'hypoglycémie sévère, du stress ou de

l'auto-efficacité développée chez les proches aidants par Sullivan-Bolyai S. (183,185).

Cette étude a permis de réaliser une revue de littérature sur les thèmes de la simulation et de

l’ETP. Il est notable que d’autres recherches sont nécessaires pour évaluer cette méthode auprès

des patients. Ces recommandations ne sont que les prémices de nombreuses études sur ce

thème, et vont permettre de maintenir une grande vigilance lors de l’utilisation de la simulation

auprès des patients.

Cette méthode est complexe et elle nécessite une appropriation pour les soignants et les

participants. Il nous semble donc primordial d’étudier sa faisabilité et son acceptabilité pour

envisager ensuite d’évaluer son effet sur le développement des compétences patients les plus

difficiles à atteindre aujourd’hui.