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Discussion Expérience

2.1.3. Discussion Etudes 1 et

Les Etude 1 et Etude 2 ont mis en évidence l’utilisation des représentations phonologiques du langage oral dans le traitement silencieux de l’écrit chez des jeunes lecteurs et ont permis de déterminer le format de l’unité phonologique utilisée (résumé des résultats dans le Tableau 8). Dans l’Etude 1, menée chez des CE2 et CM2, une tâche de décision lexicale était réalisée. Les items d’intérêt étaient des pseudomots variant d’un ou trois traits phonétiques avec le mot de base. Les résultats sont identiques pour les deux niveaux scolaires et montrent un effet du trait phonétique. Les erreurs étaient plus nombreuses pour les pseudomots variation 1 trait indiquant que le rejet était plus difficile pour ces pseudomots par rapport aux pseudomots variation 3 traits. Il est probable que dans le cas de la variation 1 trait, la représentation phonologique du mot de base ait été activée par le pseudomot du fait de leur grande proximité phonétique (e.g., Connine et al., 1997 ; Marslen-Wilson & Welsh, 1978) générant ainsi une ambigüité qui rend le rejet du pseudomot plus difficile (Dufau et al., 2012 ; Norris, 2006 ; Ratcliff et al., 2004). L’Etude 2, menée chez des CE1 et CM2, était une tâche go/no-go en amorçage inter-modal. Nous avons choisi de présenter les amorces de manière auditive afin d’éviter que l’activation de la phonologie ne dépende d’un processus orthographique lequel est encore en cours de développement chez les jeunes lecteurs. Les amorces étaient des fragments correspondant au début du mot cible. Les variations entre les conditions d’amorçage portaient sur le premier phonème (identité, variation un trait, variation multi-trait). Les cibles étaient des mots écrits familiers. Les résultats sont identiques pour les deux niveaux scolaires. Ils indiquent de manière univoque que la reconnaissance des mots écrits familiers a bénéficé de l’activation des représentations phonologiques du langage oral au niveau phonémique. Contrairement à ce qui a pu être montré dans d’autres études, les traits phonétiques n’interviennent pas (Abramson et Goldinger, 1997; Ashby, Sanders, & Kingston, 2009 ;

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Ernestus & Mak, 2004 ; Lukatela et al., 2001 ; Lukatela, Eaton, Sabadini, & Turvey, 2004). Notre expérience étant en amorçage, ces résultats prouvent qu’au cours de la reconnaissance des mots écrits familiers, il y a une activation des connexions entre les représentations des lettres et les représentations des phonèmes.

Nos Expérience 2 et Expérience 4 sont des répliques des Expérience 1 et Expérience 3 mais en modalité auditive. Elles nous ont permis de vérifier que le traitement du langage oral chez les jeunes lecteurs se fait à des niveaux aussi fins que les traits phonétiques (e.g., Connine et al., 1997 ; Schild et al., 2011 ; Marslen-Wilson & Welsh, 1978). Cependant, dans l’Expérience 4, les CM2 ont montré une utilisation du format phonème dans la reconnaissance des mots parlés. Il est probable qu’à ce stade de l’apprentissage de la lecture, le système de reconnaissance des mots ait des représentations phonémiques mieux spécifiées (Castro-Caldas et al., 1998 ; Morais et al., 1979 ; Muneaux & Ziegler, 2004 ; Perre et al., 2009 ; Taft, 2006 ; Ziegler & Goswami, 2005 ; voir la théorie de la restructuration lexicale, Garlock, Walley, & Metsala, 2001 ; Metsala & Walley, 1998) ou/et qu’il ait mis en place des interactions en direct entre les représentations orthographiques et phonologiques ((Perre et al., 2009 ; Perre & Ziegler, 2008 ; Ventura et al., 2008 ; Ziegler & Muneaux, 2007). Nos études ne nous permettent pas de trancher entre ces deux possibilités.

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Tableau 8 : Etude 1 et Etude 2 - Synthèse des résultats des expériences de 1 à 4

Type d’item traité

Niveau Scolaire

Unité phonologique utilisée lors du traitement des items Phonème vs Trait phonétique

(statistique de l’effet variation)

Latences Erreurs Etude 1 Expérience 1 Décision Lexicale Visuelle Pseudomot Exemple : derrible jerrible (terrible) CE2 et CM2 Phonème (F < 1) Trait phonétique (F1(1,75) = 17,26, p < .001, ηp² = .19) Expérience 2 Décision Lexicale Auditive Pseudomot Exemple : /deRibl/ /ʒeRibl/ (/teRibl/) CE2 et CM2 Trait phonétique (F1(1,75) = 6,98, p = .010, ηp² = .08) Trait phonétique (F1(1,75) = 93,42, p < .001, ηp² = .55) Etude 2 Expérience 3 Go/no-go Amorçage fragment Audio-Visuel Mot Exemple : /bRə/-BREBIS /pRə/-BREBIS /fRə/-BREBIS CE1 et CM2 Phonème (F < 1) Phonème (F < 1) Expérience 4 Go/no-go Amorçage fragment Audio-Audio Mot Exemple : /bRə/- /bRəbi/ /pRə/- /bRəbi/ /fRə/- /bRəbi/ CE1 CM2 Trait phonétique (F1(1,41) = 4.11, p = .049, ηp² = .09) Phonème (F < 1) Phonème (F < 1) Phonème (F < 1)

Nos résultats peuvent être expliqués dans le cadre du Modèle Développemental Multi- Route de la lecture silencieuse (Grainger et al., 2012 ; Grainger & Ziegler, 2011). Dans ce modèle que ce soit pour le recodage phonologique ou pour le processus « fine-grained » de la reconnaissance de mots familiers, les plus petites unités phonologiques sous-lexicales utilisées sont les représentations phonémiques. Nos résultats permettent de préciser que ces représentations phonémiques sont celles utilisées par le système de traitement du langage oral.

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2.1.4. En résumé

Le traitement silencieux du langage écrit fait intervenir les représentations phonologiques du langage oral chez les jeunes lecteurs. Que se soit pour le traitement des pseudomots ou pour la reconnaissance des mots familiers, le phonème est le format utilisé par le système de traitement de l’écrit. Dès le CE1, les connexions entre les représentations des lettres et celles des phonèmes sont fonctionnelles. Le traitement de l’écrit utilise des unités phonologiques plus abstraites (phonèmes) que celles utilisées pour le traitement des mots parlés (traits phonétiques). En revanche, il semble qu’après plusieurs années d’apprentissage de la lecture (CM2), le phonème devienne une unité sous-lexicale pertinente pour le traitement de la parole.

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2.2.

CHAPITRE 2

CONTRIBUTION DE LA PHONOLOGIE AU COURS