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CHAPITRE 1 - INTRODUCTION GENERALE

1. Etude 1 - Distraction par l'histoire de récompense et contraintes perceptives : une première étude

1.4 Discussion

Dans cette étude, nous avons mis en évidence un effet d'interaction montrant que

l'augmentation de la charge perceptive affecte différemment la capture attentionnelle par un

distracteur en fonction de son histoire de récompense. Nous avons répliqué les effets classiques

de la charge perceptive en observant que la capture attentionnelle par un distracteur faiblement

récompensé (i.e., considéré comme similaire à un distracteur uniquement saillant) était éliminée

en charge perceptive forte. En revanche, la capture attentionnelle par un distracteur fortement

récompensé n'était pas affectée par l'augmentation de la charge.

Nos résultats s'inscrivent donc dans la lignée de ceux obtenus par Gupta et al., (2016)

en montrant que l'histoire de récompense d'un distracteur pourrait résister au contrôle

attentionnel en charge perceptive forte. Cependant, en mesurant l'effet de compatibilité pour un

distracteur périphérique dans notre étude (plutôt que l'effet de la présence versus absence d'un

distracteur central), nos observations soutiennent plus fermement l'idée que la capture

attentionnelle, guidée par l'histoire de récompense d'un distracteur, résiste au contrôle

Etude 1 - Distraction par l'histoire de récompense et contraintes perceptives : une première étude comportementale

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Néanmoins, nous avons observé que les participants étaient plus rapides et faisaient

moins d'erreurs en présence d'un distracteur associé à une forte, plutôt qu'à une faible

récompense, particulièrement en charge perceptive élevée. Ces résultats étaient tout à fait

inattendus car, classiquement, plus la valeur du distracteur est élevée, plus les temps de réaction

et les taux d'erreur sont élevés (e.g., Anderson & Halpern, 2017 ; Le Pelley et al., 2015 ; mais

voir, Anderson, 2016). Au contraire, nos observations (i.e., TRs et taux d'erreur plus faibles)

miment les effets motivationnels (Pessoa, 2014b) obtenus lorsque la cible, plutôt que le

distracteur, est associée à l'obtention d'une récompense (e.g., Anderson, 2017b ; Kiss et al.,

2009 ; voir également les tâches d’association dans, Anderson et al., 2016; Anderson,

Kuwabara, et al., 2017; Anderson & Yantis, 2012; Failing & Theeuwes, 2014).

De ce fait, il est légitime de se demander si, dans notre tâche, les distracteurs n'étaient

pas considérés, dans leur ensemble, comme pertinents. Comme la cible et le distracteur

apparaissaient systématiquement du même côté de l'écran, les participants pouvaient

éventuellement préférer une sélection du distracteur. Cette stratégie leur permettait de porter

leur attention du "bon" côté de l'écran (i.e., là où était la cible), tout en évaluant la quantité de

récompense en jeu lors d'un essai, et adapter leur réponse en conséquence (Munneke et al.,

2016). De notre point de vue, une explication en termes de stratégie de sélection "générale" des

distracteurs ne serait pas en mesure d'expliquer l'ensemble de nos résultats. Comme l'ordre des

essais était aléatoire, il n'était pas possible de savoir si un distracteur faible ou forte récompense

allait apparaitre. De ce fait, si la sélection volontaire des distracteurs reflétait réellement une

stratégie générale, alors nous aurions dû observer un effet de compatibilité identique, pour les

distracteurs associés à une faible et une forte récompense, dans chacune des conditions de

charge perceptive. Or, ces effets de compatibilité étaient différents en charge perceptive élevée.

Dès lors, il se pourrait que cette stratégie ait surtout concerné le distracteur forte

Etude 1 - Distraction par l'histoire de récompense et contraintes perceptives : une première étude comportementale

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récompense (i.e., + 1 point) pouvait être considérée comme insignifiante pour réussir à obtenir

le chèque-cadeau (récompense dix fois plus importante avec le distracteur forte récompense).

Dans cette perspective, les participants auraient principalement cherché à gagner des points

lorsque le distracteur forte récompense était présent, et particulièrement lorsque la tâche était

"coûteuse" (i.e., charge perceptive forte). Ainsi, la couleur du distracteur forte récompense

(explicite pour chaque participant) pourrait en réalité avoir fait partie du modèle attentionnel

(Folk et al., 1992) top-down des participants. Néanmoins, dans cette perspective de sélection

préférentielle du distracteur forte récompense, il est difficile d'expliquer pourquoi l'effet de

compatibilité pour ce distracteur n'était pas différent de celui pour le distracteur faible

récompense, en charge perceptive faible. Dans tous les cas, que cette stratégie soit générale

pour l'ensemble des distracteurs, spécifique au distracteur forte récompense, ou qu'elle varie en

fonction du niveau de charge, elle remet en question le véritable statut des distracteurs dans

notre étude.

Alternativement, il se pourrait que la sélection des distracteurs ait bien été involontaire

(i.e., capture attentionnelle) mais que celle-ci ait été plus rapide pour le distracteur forte

récompense, que celle pour le distracteur faible récompense. Donohue et collaborateurs (2016)

ont en effet observé une orientation plus rapide de l'attention vers des cibles intégrées à des

objets récompensés, même si ces derniers n'étaient pas pertinents pour trouver la cible et réaliser

la tâche. Comme dans notre étude la cible et le distracteur apparaissaient toujours du même côté

de l'écran, la capture attentionnelle par le distracteur forte récompense entrainait une orientation

plus rapide de l'attention vers le "bon" côté de l'écran. De ce fait, les participants étaient

globalement plus rapides pour répondre lorsque la cible apparaissait à côté du distracteur forte

(plutôt que faible) récompense. Cette différence serait particulièrement évidente en charge

perceptive forte, puisque seul le distracteur forte récompense était en mesure de capturer

Etude 1 - Distraction par l'histoire de récompense et contraintes perceptives : une première étude comportementale

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peut parfois recruter des mécanismes de contrôle top-down, qui renforcent l'expression d'un

comportement dirigé par les buts et améliorent la performance des participants (Anderson,

2016), à l'instar de nos résultats (i.e., réduction des taux d'erreur). D'après ces explications, les

participants ne feraient pas une recherche stratégique du distracteur forte récompense, mais des

bénéfices comportementaux pourraient être observés malgré une capture attentionnelle

involontaire.

En résumé, ces premiers résultats suggèrent que la capture attentionnelle par l'histoire

de récompense d'un distracteur puisse résister à la mise place (ou au renforcement) du contrôle

attentionnel en conditions de charge perceptive élevée. Néanmoins, certains de nos résultats

peuvent remettre en question le statut de distracteur que nous avons souhaité établir pour les

stimuli avec une histoire de récompense. Pour tenter d'éclaircir ces résultats, nous avons donc

répliqué cette première étude en modifiant certains paramètres afin de rendre la position de la

cible "indépendante" de celle du distracteur. Par ce biais, nous souhaitions accentuer le caractère

contre-productif d'une recherche volontaire des/d'un distracteur(s), et décourager cette stratégie.

De plus, nous souhaitions confirmer que la capture attentionnelle par la récompense peut bien

résister à l'augmentation de la charge perceptive en appuyant nos observations

comportementales par l'analyse des potentiels cérébraux évoqués par les distracteurs

récompensés. Pour cela, nous avons mesuré les composantes N2pc (Hickey, Di Lollo, &

McDonald, 2009 ; e.g., Hickey et al., 2006 ; Kiss et al., 2012 ; Qi et al., 2013) et Pd (Gaspelin

& Luck, 2018a ; Hickey et al., 2009 ; Sawaki & Luck, 2010), respectivement utilisées pour

objectiver la capture attentionnelle par des distracteur ou, au contraire, leur suppression.

Au-delà d'une simple confirmation des résultats comportementaux, l'analyse de ces composantes

n'a, à notre connaissance, jamais été réalisée dans des paradigmes de charge, et pourrait donc

permettre de caractériser plus précisément les mécanismes neuronaux à l'œuvre lors des variations du niveau de charge perceptive.

Etude 2 – Distraction par la récompense et contraintes perceptives : analyse des potentiels évoqués (N2pc, Pd)

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2. Etude 2 – Distraction par la récompense et contraintes perceptives :