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Chapitre II: Etablissement des cartes génétiques

3. Discussion

3.1. Distorsion de ségrégation

La distorsion de ségrégation est souvent rencontrée en cartographie génétique ou lors

de l’analyse de caractères quantitatifs (QTL) (Diouf et Mergeai, 2012). Les marqueurs à

ségrégation distordue peuvent entrainer des inexactitudes dans la cartographie (Hackett et

Broadfoot, 2003) étant donné que les logiciels de cartographie, y compris JoinMap, sont

construits sur l’hypothèse d’une ségrégation mendélienne des marqueurs (Diouf et Mergeai,

2012). Pour résoudre ce problème, ces marqueurs sont souvent exclus des analyses conduisant ainsi à une perte d’information génétique suite à la réduction de la couverture du génome

(Lorieux et al., 1995). Dans la présente étude, le nombre ou la proportion de marqueurs avec une ségrégation distordue est faible sur la plupart des GL des trois cartes génétiques (moins de 9%), laissant supposer que ces marqueurs n’auraient pas d’impact sur la précision de la carte.

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Pour vérifier cette hypothèse, nous avons choisi de faire un test en comparant deux cartes consensus construites avec et sans marqueurs à ségrégation distordue. La comparaison a montré que les marqueurs à ségrégation non mendélienne n’ont pas d’influence sur l’ordre des marqueurs ni sur la longueur des groupes de liaisons. Les marqueurs à ségrégation non mendélienne se concentrent en fait sur le GL1 dans les 3 cartes. Dans notre étude de la distorsion de ségrégation n’a pas affecté la construction de la carte consensus et n’a pas induit de fausses liaisons, ni de faux groupes de liaison conformément aux résultats de la carte de

référence (Ollitrault et al., 2012).

La fréquence des marqueurs à ségrégation non mendélienne varie selon le sexe

(Ollitrault et al., 2012). Le clémentinier utilisé en tant que parent femelle présente moins de ces marqueurs (13%) que lorsqu’il est utilisé en tant que parent mâle (57%). C’est un peu le cas aussi dans notre population avec un taux néanmoins légèrement inférieur pour le clémentinier (11%) et un taux un peu plus élevé pour le mandarinier (14%). La distribution de ces marqueurs à ségrégation non mendélienne diverge un peu de celle de la carte de référence du clémentinier en tant que parent maternel. En effet la majorité des marqueurs se localise dans les GL5 et GL9 alors que dans notre étude ils se localisent principalement sur le GL1. Néanmoins on retrouve les mêmes marqueurs à ségrégation non mendélienne sur le même GL1 de la carte de référence et de la carte génétique de l’oranger utilisé aussi en tant que

parent maternel (Ollitrault et al., 2012). Ces distorsions de ségrégation sont fréquentes dans les

études de cartographie génétique des agrumes (Luro et al., 1994; Kijas et al., 1997 ; de Oliveira et al.,

2007; Oliveira et al., 2004; Raga et al., 2012). Par ailleurs Bernet et al.(2010) rapportaient également leur fréquence plus élevée chez le parent mâle suggérant qu’ils résulteraient d’une sélection gamétique des pollens. Cette sélection gamétique pourrait être liée à différents mécanismes tels que l’avortement ou la compétition pollinique…

D’après Diouf et Mergeai (2012) la cartographie comparée est considérée comme l’une

des meilleures méthodes qui permet d’identifier des fausses liaisons. Si les marqueurs à ségérgation distordue n’ont pas affecté la construction des trois cartes génétiques dans notre étude, c’est probablement en raison du faible pourcentage de marqueurs à ségrégation non mendélienne mais aussi à leur type. Il s’agit en fait des marqueurs SNP et microsatellites classés comme marqueurs co-dominants. En effet, plusieurs auteurs ont montré que l’estimation des fréquences de recombinaison entre marqueurs co-dominants est moins

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affectée par la distorsion de ségrégation que chez les marqueurs dominants (Lu et al., 2002; Song

et al., 2005).

3.2. Analyse des cartes génétiques

La plupart des cartes génétiques publiées chez les agrumes se caractérisaient jusqu’ici

par une faible densité de marqueurs (Ollitrault et al., 2012). Dans la mesure où la qualité d’une

carte génétique est conditionnée non seulement par le type et le nombre des marqueurs

positionnés mais aussi par leur ordre et les distances qui les séparent (Samouelian et Gaudin,

2009), il était important d’utiliser des marqueurs positionnés sur la carte génétique de référence. L’utilisation des marqueurs co-dominants a permis d’évaluer la qualité des cartes génétiques que nous avons établies. Notre carte du clémentinier, fait partie des rares cartes génétiques élaborées chez les agrumes à l’aide des marqueurs co-dominants et à partir d’une

population issue d’un croisement intra-spécifique (Ollitrault et al., 2012). Bien que le nombre de

marqueurs soit inférieur à celui de la carte génétique de référence, la relative bonne couverture du génome et la répartition des marqueurs devraient permettre une détection de QTL ou de gènes d’intérêt.

La carte du mandarinier couvre 811.5 cM avec 16 groupes de liaison et 249 marqueurs. La non saturation d’une carte se révèle par la présence de nombreux sous-groupes

de liaison de petite taille et des marqueurs isolés (de Vienne, 1998). Ceci est dû au nombre

relativement faible de marqueurs utilisés pour construire la carte génétique du mandarinier contrairement aux deux autres cartes. Ce même déséquilibre entre les marqueurs spécifiques du mandarinier <nnxnp> et les marqueurs spécifiques du clémentinier <lmxll> a également été observé dans les deux populations pamplemoussier ‘Chandler’ x clémentinier ‘Nules’ et

clémentinier ‘Nules’ x pamplemoussier ‘Pink’ (Ollitrault et al., 2012). Le nombre de marqueurs

du clémentinier est plus élevé que celui de pamplemoussiers et du mandarinier, car les marqueurs SNP ont été définis à partir de séquences d’extrémités de clones BAC du génome

du clémentinier et qu’ils sont bi-alléliques (Terol et al., 2008 ; Ollitrault et al., 2012). Par ailleurs du

fait de son origine hybride interspécifique et de sa filiation avec le pamplemoussier, l’hétérozygotie du clémentinier est plus élevée que celle du mandarinier et donc il est plus

aisé de trouver des marqueurs SSR hétérozygotes pour le clémentinier (García-Lor et al., 2012).

3.3.Cartographie comparée

La comparaison de la position et des distances génétiques des 428 marqueurs communs de la carte du clémentinier et de la carte de référence a révélé une bonne synténie.

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Une synténie conservée est définie comme la co-localisation préservée des locus génétiques et/ou des gènes sur les chromosomes et /ou les groupes de liaison des espèces apparentées

(Samouelian et Gaudin, 2009). Il convient de préciser que la colinéarité est une forme plus spécifique de la synténie conservée qui requiert la co-localisation des gènes avec un ordre

génique commun sur un même chromosome chez un individu ou au sein d’une espèce (Abrouk

et al., 2010). Alors que la macro-synténie est bien conservée, quelques inversions dans l’ordre

des marqueurs ont été observées entre les deux cartes. Par ailleurs, quelques inversions situées essentiellement dans les régions denses ont été également remarquées entre la carte de

référence et la carte de l’oranger (Ollitrault et al., 2012).Ces problèmes d’alignement impliquaient

le plus souvent des marqueurs proches les uns des autres. Les inversions constatées peuvent être expliquées par des raisons d’ordre statistique: des régions denses en marqueurs telles que les groupes 2 et 4 pour lesquelles l’ordonnancement est difficile à obtenir ou des marqueurs

situés aux extrémités des groupes de liaison (Ollitrault et al., 2012). Malgré la présence de

quelques inversions, la colinéarité est préservée entre les deux cartes. Cette colinéarité est mieux conservée chez la carte consensus que chez la carte du clémentinier dont le nombre

d’inversions est un peu plus élevé. Selon Bernet et al. (2010) ces inversions sont dues à

l’utilisation de marqueurs avec des données manquantes, à des petites erreurs de génotypage et à la différence du pourcentage de distorsion entre les populations comparées.

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