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Expérience 2_Représentation spatiale : diversification des environnements et des tâches verbales et visuo-spatiales

6. Discussion – Conclusion

Dans cette deuxième expérience, nous avons cherché à confirmer et préciser certains des résultats obtenus dans la première expérience concernant les composantes cognitives et linguistiques impliquées dans la formation de représentations mentales d’itinéraires par des enfants et des adultes. En particulier, nous avons voulu approfondir les effets de rôle des repères et de biais de dénomination observés dans la première étude. De plus, les capacités de représentation d’itinéraires sont marquées par de nombreuses différences interindividuelles chez l’adulte (ex. Wen, Ishikawa & Sato, 2014) comme chez l’enfant (ex. Hemmer et al., 2013). Une interprétation est que cette variabilité s’explique par des différences de capacité mnésique ou exécutive, comme le suggèrent Purser et al. (2012). Un autre objectif était de tester cette hypothèse. Un troisième objectif était de généraliser ces résultats lors de la présentation de plusieurs itinéraires et d’évaluer l’équivalence entre ces itinéraires virtuels destinés à la réalisation de la troisième expérience.

Reprenant le même type de dispositif et de procédure que pour l’expérience 1, mais en la complétant, nous avons considéré la reconnaissance à la fois verbale et visuelle des repères en manipulant systématiquement leur position dans les itinéraires présentés. Les performances de représentation spatiale ont été mises en lien avec les différentes capacités cognitives et langagières considérées dans l’expérience 1 mais aussi en considérant les capacités de mémoire épisodique, et de fonction exécutive (de flexibilité et d’inhibition).

De nombreuses études ont permis d’observer un développement des capacités de représentation d’itinéraires virtuel au cours de l’enfance mesurant le plus souvent des connaissances non-verbales de l’itinéraire (ex. Farran et al., 2012 ; Jansen-Osmann & Fuchs, 2006). Dans la première expérience, un tel développement a été observé pour la connaissance des repères mais également pour celle de type route, à la fois en considérant les performances à des épreuves verbales et visuo-spatiales. Il a été observé qu’une augmentation de la capacité de sélection des informations pertinentes accompagne le développement de ces connaissances. Par exemple, la mémorisation des repères situés à un changement de direction augmente avec la connaissance de la route, contrairement aux autres repères. Le rôle décisionnel de ces repères a été observé chez l’enfant (ex. Cohen & Schuepfer , 1980 ; Jansen-Osmann & Wiendenbauer, 2004 ; Farran et al., 2012) et chez l’adulte (ex. Miller & Carlson, 2011). Nous avons confirmé cet effet de supériorité des repères décisionnels dans notre première étude. Toutefois, la saillance et la position des repères n’avaient pas été strictement contrôlées. Les résultats obtenus dans l’expérience 2 nous permettent de conforter l’idée que cet effet est bien lié à leur rôle, que les tâches utilisées pour attester de la représentation construite soient verbales ou non-verbales. En effet, du fait du contrebalancement des positions, il est possible d’affirmer que les images de repères décisionnels sont toujours mieux reconnues que celles correspondant à des repères confirmatoires, et ce notamment chez les enfants les plus jeunes. Les performances de reconnaissance des repères présentés sous forme de mots est proche de celui des repères présentés visuellement (légèrement inférieures chez les enfants). La reconnaissance des repères confirmatoires est faible chez les GSM (seulement un tiers des repères sont reconnus) et à l’inverse, un effet plafond est observé chez les adultes. De plus, des résultats semblables sont obtenus avec la reconnaissance verbale des repères. L’épreuve semble donc être trop facile pour eux ce qui leur permet de se souvenir de tous les éléments qu’ils soient stratégiquement importants ou non. Enfin, le rôle de la position des repères est observé à la fois dans des tests de reconnaissance verbale et visuo-spatiale. Nous avons également observé que la capacité à reconnaître des repères décisionnels, qu’ils soient présentés visuellement ou oralement, est liée à

la capacité à reconnaître des directions. L’importance du rôle décisionnel des repères pour connaître la route (Michon & Denis, 2002) est donc encore une fois démontrée.

Par ailleurs, au cours de l’épreuve de reconnaissance visuelle des repères de l’expérience 1, un biais de dénomination avait été observé. Cette observation pouvait être expliquée par le fait que les repères sont codés spontanément par les enfants comme par les adultes à la fois verbalement et visuellement (forme de double codage, Paivio, 1971) ou par un biais expérimental dû au fait que la présentation des images des repères était accompagnée par leur dénomination orale. La deuxième expérience permet de répondre à cette objection méthodologique. Un même biais lié à la dénomination est observé, conduisant à la fausse reconnaissance des distracteurs similaires, et ce même en l’absence d’une dénomination orale. Ainsi, nous observons une augmentation de la capacité de reconnaissance des repères et de rejets corrects des distracteurs différents mais également une augmentation du nombre de fausses reconnaissances des images distractrices similaires, et ce malgré l’absence de dénomination verbale et malgré le fait que la reconnaissance visuelle soit réalisée aléatoirement avant ou après la description verbale. Le biais de dénomination observé lors de la première étude n’était donc pas dû à la dénomination des images lors de la tâche, ni à l’ordre de présentation des tâches. Les adultes auraient donc bien tendance à mémoriser les repères sous un format au moins partiellement verbal et ils utiliseraient un double codage de l’information en s’appuyant davantage sur leur codage verbal par comparaison avec les enfants. A l’inverse, les jeunes enfants utiliseraient principalement un codage visuel puis seraient capables vers 8 ans de double codage, comme l’a également proposé Pickering, (2001).

Les études antérieures ont rapporté des différences individuelles chez l’enfant (Quaiser- Pohl et al., 2004 ; Hemmer, et al., 2013) et chez l’adulte (Fields & Shelton, 2006). Dans notre deuxième expérience, nous avons étudié les relations pouvant exister entre les capacités de représentation spatiales d’itinéraires et diverses capacités cognitives plus générales. Les résultats appuient les études antérieures montrant le rôle important des capacités d’attention et de perception des directions sur la capacité à reconnaître des repères nommés et à choisir les directions correctes (ex. Fenner et al., 2000 ; Neidhart & Popp, 2010). Contrairement à notre première étude, la capacité à reconnaître les repères et les directions augmente avec les capacités de mémoire de travail (plus précisément avec sa composante visuo-spatiale). Ce résultat est également cohérent avec les observations d’autres auteurs (Fenner et al., 2000 ; Purser et al., 2012). Contrairement à notre première étude, la position des repères ne semble pas être spécifiquement liée aux habiletés cognitives considérées. Il faut néanmoins remarquer que cet effet avait été obtenu dans l’analyse des mentions des repères, et donc de leur production ; or ici,

seules des épreuves de reconnaissance des repères ont été analysées, ce qui implique des niveaux de traitement différents. La mention de repères décisionnels implique la génération d’information et une sélection volontaire, alors que la reconnaissance peut ne se baser que sur un simple sentiment de familiarité. Cette capacité de sélection impliquerait alors des capacités cognitives spécifiques.

Par ailleurs, les capacités d’attention, de perception et de mémorisation à court terme ne suffisent pas à expliquer les différences interindividuelles. L’augmentation de la quantité d’informations spatiales incluses dans la représentation d’itinéraires peut également s’expliquer par une augmentation de la capacité mnésique. Nous observons en effet un lien entre les performances de reconnaissance des repères et des directions avec les capacités de mémoire épisodique. Toutefois, l’augmentation des capacités cognitives et notamment de mémorisation à court terme et à long terme est souvent expliquée par un défaut exécutif (ex. Gathercole, 1999 ; Pickering, 2001 ; Cowan, 2012), que nous avons donc évalué. Ici cependant, les capacités de flexibilité et d’inhibition ne semblent pas jouer de rôle décisif pour réaliser les tâches de reconnaissances que nous avons proposées, contrairement à l’hypothèse de Purser et al. (2012).

Nous avions également pour objectif de nous assurer de l’équivalence de plusieurs villes différentes. Nous n’avons pas observé de différences significatives dans le traitement des repères de ces villes, et ce que les repères soient présentés visuellement ou oralement. Les trois villes peuvent donc être considérées comme équivalentes du point de vue de leurs repères. Du point de vue des changements de direction, un itinéraire semble être légèrement plus difficile que les autres itinéraires du fait d’un carrefour moins souvent reconnu par certains enfants. Malgré cette légère différence, les trois villes seront conservées et seul leur ordre de présentation doit être contrôlé pour éviter un biais éventuel.

En conclusion, on observe dès six ans un effet de la position des repères, et donc de leur rôle pour la prise de décision en relation avec les directions dans différentes tâches verbales et non-verbales. Par ailleurs, une modification du format ou du codage de la représentation de l’itinéraire semble s’opérer avec l’âge. Alors que les jeunes enfants semblent s’appuyer sur un codage principalement visuel, les adultes semblent réaliser un double codage tout en utilisant plus facilement le codage verbal. Cette question nécessite toutefois d’être plus amplement explorée. Une possibilité serait de limiter l’accès et donc l’utilisation de l’un des deux formats, et d’en observer l’évolution avec l’âge. Cette possibilité sera explorée dans le chapitre suivant.

Chapitre 6 :

Expérience 3 _Rôle des composantes verbales et visuo-spatiales