• Aucun résultat trouvé

Analyse des corrélations entre les effets d’interférences observés sur les mesures de l’itinéraire et les mesures des habiletés cognitives et

Expérience 2_Représentation spatiale : diversification des environnements et des tâches verbales et visuo-spatiales

Expérience 3 _Rôle des composantes verbales et visuo-spatiales de la mémoire de travail

4. Traitements des données

7.2. Analyse des corrélations entre les effets d’interférences observés sur les mesures de l’itinéraire et les mesures des habiletés cognitives et

linguistiques

Des analyses de corrélations partielles entre les effets d’interférences visuo-spatiale (« tapping ») et verbale (« babobi ») sur les performances aux épreuves de l’itinéraire et celles des épreuves complémentaires ont été réalisées en contrôlant de l’effet de l’âge. Rappelons que les effets d’interférence correspondent à la différence observée entre les performances à une épreuve dans la condition contrôle et dans la condition interférente. Suite à la correction de Bonferroni, aucune corrélation ne s’est révélée significative. Les effets d’interaction sont en effet faibles, aussi même si ces effets d’interférence peuvent être influencés par les compétences générales des participants, un nombre plus important d’individus serait nécessaire pour que les corrélations soient significatives.

8. Discussion – Conclusion

Cette troisième expérience avait pour objectif d’évaluer les composantes cognitives et linguistiques impliquées dans la construction de représentations mentales d’itinéraires chez l’enfant et chez l’adulte. L’augmentation quantitative et qualitative des connaissances spatiales avec l’âge observée dans des tâches verbales comme visuo-spatiales des deux premières expériences nous ont conduit à émettre l’hypothèse d’une représentation spatiale mixte, constituée de différents formats ou composantes (verbale et visuo-spatiale). La composante principalement utilisée évoluerait avec l’âge. En effet, alors que les jeunes enfants utiliseraient principalement un format visuo-spatial, les adultes utiliseraient conjointement les deux formats en favorisant un format verbal.

Une méthodologie spécifique a été utilisée au cours de cette expérience, permettant de limiter l’accès et le maintien d’informations verbales ou visuo-spatiales lors de la mémorisation. L’implication de la mémoire de travail dans la construction de représentation d’itinéraire chez les enfants a déjà été évoquée par Fenner et al. (2000) et Purser et al. (2012), et nous avons cherché à l’évaluer plus directement dans cette troisième expérience. Nous nous sommes intéressés au rôle de la boucle phonologique et du calepin visuo-spatial de la mémoire de travail dans la mémorisation d’itinéraires virtuels chez des enfants de CE1 (8 ans) et de CM1 (10 ans) et chez des jeunes adultes. La tâche concurrente spatiale est un mouvement itératif («tapping»), la tâche verbale est une suppression articulatoire (répétition des syllabes «babobi»). Comme dans les deux expériences précédentes, les connaissances de type repère et de type route de l’itinéraire ont été évaluées par des épreuves de production et de reconnaissance verbale et visuo-spatiale.

Le développement des connaissances spatiales

La construction d’une représentation spatiale peut être facilitée par la présence de repères (Fenner et al., 2000 ; Jansen-Osmann et al., 2007 ; Bullens et al., 2010). Bien qu’on observe une utilisation précoce des repères, ces connaissances évoluent avec l’âge, permettant leur utilisation dans des situations de plus en plus complexes. Dans l’expérience 3, la connaissance des repères a été évaluée au travers d’une description verbale, une tâche de reconnaissance verbale et une tâche de reconnaissance visuelle. L’analyse de la description verbale montre une augmentation qualitative et quantitative des termes employés. Les plus jeunes enfants mentionnent principalement des termes «génériques» (ex. «des maisons») et seulement quelques repères. En cohérence avec l’expérience 1, la production de repères

augmente avec l’âge alors que la production de termes « génériques » moins précis diminue. De plus, la fréquence d’utilisation de termes « vecteurs » (ex. « la route ») augmente avec l’âge. L’ensemble de ces termes (génériques, vecteurs et repères) sont principalement introduits par des déterminants indéfinis (appropriés pour les premières mentions) à tous les âges. L’utilisation de déterminants définis quant à elle semble évoluer qualitativement, ciblant de plus en plus des éléments spécifiques d’une ville comme « la poste », pour lesquels ces déterminants sont appropriés.

Par ailleurs, les repères mentionnés sont de plus en plus souvent accompagnés de relations spatio-temporelles, montrant que les enfants apprennent graduellement à expliciter des liens entre les éléments et leur emplacement dans l’espace. La capacité croissante à exprimer de façon explicite la configuration de l’environnement est vraisemblablement liée à l’effet du rôle des repères (décisionnel vs. confirmatoire). Dans l’étude de Cohen et Schuepfer (1980) et de Jansen-Osmann et Wiedenbaureur (2008), les repères décisionnels étaient mieux mémorisés par les participants, enfants comme adultes. Dans notre expérience, l’influence de la position du repère a été évaluée et observée dans trois épreuves distinctes (description verbale, reconnaissance verbale et reconnaissance visuelle) mais uniquement chez les enfants, les adultes réussissant facilement à reconnaître les deux types de repères.

Lors de la reconnaissance visuelle des repères, des images cibles (repères), distracteurs similaires (même dénomination qu’une cible) et des distracteurs différents étaient présentés. Au cours du développement, les repères sont de mieux en mieux reconnus et les distracteurs différents sont de plus en plus correctement rejetés. Toutefois, en cohérence avec les résultats de nos expériences précédentes, les distracteurs similaires sémantiquement sont de plus en plus souvent reconnus à tort. Malgré l’amélioration des capacités de reconnaissance des repères, l’effet de biais de dénomination est ici encore observé. La reconnaissance des repères présentés visuellement serait donc réalisée en partie grâce à la mémorisation des éléments sous un format verbal.

Concernant la connaissance de la route évaluée au travers de la description verbale de l’itinéraire, les participants mentionnent moins de directions que de cadres et de mouvements. Les informations fournies sont donc de plus en plus riches. La reconnaissance des directions augmente également avec l’âge.

Des augmentations progressives sont donc observées dans les différentes tâches utilisant aussi bien des informations verbales que visuelles. Le rôle des composantes verbales et/ou visuo-

spatiales de la mémoire de travail au cours de la mémorisation d’itinéraires va être présenté en fonction de ces deux formats de restitution et du contenu de la connaissance.

Les effets d’interférence

Nos résultats indiquent que les mentions des repères dans les descriptions verbales sont sensibles aux effets d’interférences verbale et spatiale. En effet, le nombre d’introductions, par les enfants, de repères indéterminés et de repères accompagnés d’une relation spatiale diminuent lors des deux tâches interférentes. Celles-ci affectent également le nombre de vecteurs mentionnés par les adultes. Les deux composantes verbale et spatiale de la mémoire de travail semblent donc jouer un rôle dans la mémorisation des repères situés dans le temps et/ou l’espace (accompagnés de prépositions spatiales), indépendamment de leur rôle décisionnel ou confirmatoire dans l’itinéraire. Nos résultats sont donc cohérents avec ceux de l’étude de Pazzaglia et al., (2006), malgré des supports de mémorisation différents entre nos études. En effet, suite à une mémorisation de descriptions verbales d’itinéraires en double tâche (verbale et visuo-spatiale), elles ont observé un effet d’interférence des deux doubles tâches dans le rappel d’itinéraires.

Concernant les performances de reconnaissance visuelle des repères, les résultats montrent que la tâche de tapping affecte la reconnaissance des repères cibles et le rejet des distracteurs différents chez les enfants, les performances diminuant dans cette condition par rapport à la condition contrôle. Cet effet d’interférence suggère que la composante spatiale de la mémoire de travail est utilisée par les enfants de CM1 pour la mémorisation des images des repères de l’itinéraire virtuel. La suppression articulatoire quant à elle a un effet interférent sur la reconnaissance des repères, mais uniquement chez les CE1. Une interprétation serait que les CE1 utiliseraient les deux composantes pour mémoriser les images des repères alors que les enfants de CM1 utiliseraient uniquement ou majoritairement la composante spatiale, ce qui est contradictoire avec nos observations précédentes concernant l’évolution d’une représentation plus fondée sur les informations visuo-spatiales évoluant vers une représentation faisant davantage appel à un codage verbal.

Dans la cette même tâche de reconnaissance verbale des repères aucun effet de double tâche n’est observé chez l’adulte mais un effet différent est observé chez les enfants. En effet, chez les CE1, la reconnaissance des repères présentés verbalement diminue avec la réalisation du tapping pour les repères confirmatoires, et avec la répétition verbale pour les repères

décisionnels. Il semblerait donc que les enfants les plus jeunes, utilisent des stratégies différentes selon le rôle du repère. Afin de mémoriser les repères confirmatoires – repères les moins importants –, ils utiliseraient une stratégie visuo-spatiale pouvant s’appuyer sur les images mentales. Pour mémoriser les repères décisionnels, par contre, les enfants utiliseraient une stratégie verbale dont la réalisation est perturbée par la répétition concurrente de syllabes. À l’inverse, les performances aux repères de confirmations augmentent chez les CM1 lors d’un encodage en double tâche (visuo-spatiale ou verbale). Cette augmentation des performances lors de doubles tâches peut-être due à une plus grande motivation et concentration de la part des enfants. En effet, les enfants ont trouvé la mémorisation en double tâche ludique. Ce résultat peut également être un artefact produit par les variations de réponses intra-individuelles. Le rôle de la position des repères est également confirmé; les repères décisionnels sont de nouveau plus facilement reconnus que les repères confirmatoires, sans que cette différence ne varie selon les tâches d’interférence.

Toutefois, l’effet de facilitation chez les CM1 n’est observé que pour la reconnaissance verbale et non pour la reconnaissance visuelle, ce qui conduit à interroger la généralité de l’effet facilitateur observé chez les CM1. Aucune interférence n’est observée chez les adultes pour la reconnaissance visuelle des repères. Ceci est conforme à ce qui avait été observé dans l’étude de Gras et al. (2013), alors que des effets d’interférence se manifestaient sur d’autres mesures.

Avec les trois tâches de restitution évaluant les connaissances des repères, des effets de double tâche verbale et visuo-spatiale sont donc constatés ce qui confirme de nombreuses observations chez l’adulte (ex. Garden et al., 2002; Meilinger et al., 2008; Pazzaglia et al., 2010). Toutefois, dans notre expérience ces effets sont principalement observés chez l’enfant, notamment avec la tâche concurrente de tapping. De plus, de légères différences semblent être observées selon le type de tâche. En effet, en ce qui concerne les mentions des repères dans les descriptions verbales, des effets d’interférence sont uniquement observés dans l’utilisation adaptée de déterminants et de relations spatiales. Les effets d’interférence sont également présents dans la reconnaissance visuelle mais sont peu observés dans la reconnaissance verbale. L’influence de la congruence entre le matériel mémorisé (une vidéo c’est-à-dire une information visuo-spatiale) et la restitution semble conforme aux résultats de Picucci et al. (2013). Outre ces effets liés au type de tâche ou au format de matériel, des différences sont observées selon l’âge. Alors que les enfants les plus jeunes (de 8 ans) voient leurs performances fortement diminuées lors de tâches concurrentes, les enfants plus âgés (de 10 ans) voient moins leurs performances diminuées. Enfin, les adultes présentent uniquement un effet d’interférence verbale et spatiale sur leur performance de production verbale.

Concernant la connaissance de la route évaluée au travers de la description verbale de l’itinéraire, les mentions sont touchées par l’interférence spatiale du tapping chez les enfants. Les enfants de CE1 et de CM1 utiliseraient donc la composante spatiale de la mémoire de travail pour mémoriser la route d’un itinéraire. La suppression articulatoire diminue également la richesse des informations fournies par les CM1. Les enfants deviendraient plus précis ou parviendraient à se souvenir de davantage d’informations grâce à une stratégie de recodage verbal que la répétition de syllabes restreint. Aucun effet de double tâche n’est observé chez les adultes.

Enfin, la reconnaissance des directions augmente également avec l’âge et ces performances sont sensibles à une interférence spatiale chez les enfants. Ce résultat confirme l’implication de la composante spatiale chez tous les groupes des enfants lors de la mémorisation du déroulement de l’itinéraire et donc de la mémorisation des directions empruntées. La suppression articulatoire diminue les performances des enfants de CE1 mais pas des autres participants. Les CE1 utiliseraient donc les deux composantes de la mémoire de travail : dès que l’une ou l’autre d’entre elles est perturbée, leur apprentissage l’est également. Un codage verbal et spatial serait donc utilisé précocement mais serait sensible à des effets de concurrence. Il semblerait alors que les CM1 arrivent à compenser une demande verbale ce qui n’est pas le cas d’une demande spatiale lors de la mémorisation des directions; la mémorisation par la composante spatiale est donc indispensable à la mémorisation des directions. Ici encore les adultes arriveraient à compenser l’utilisation de l’une ou l’autre des composantes de la mémoire de travail lors de la mémorisation des directions d’un itinéraire. Peu d’études en double tâche se sont intéressées aux mentions et à la reconnaissance des directions. Chez l’adulte, Garden et al. (2002) ont observé une interférence des deux doubles tâches sur la mémorisation de segments d’itinéraires tâche assez proche de notre épreuve de reconnaissance des directions. Deyzac et al. (2006) avaient, quant à eux, principalement observé une interférence du tapping sur l’introduction de repères et de directions sur une carte.

Ainsi, des effets d’interférence verbale et spatiale ont été observés dans la restitution de connaissances de type repère et de type route. Cela suggère que les composantes verbale et spatiale de la mémoire de travail sont impliquées dans la mémorisation d’informations spatiales séquentielles. Ces effets d’interférence varient toutefois selon la tâche concurrente, la connaissance évaluée et le support utilisé pour l’évaluer et l’âge du participant. Alors que la tâche de tapping semble avoir un effet d’interférence sur les connaissances des repères et de type

route, l’effet de la répétition verbale semble principalement affecter la connaissance des repères. Un effet de congruence du support est également attesté, avec un effet du tapping observé surtout sur les performances à des épreuves visuo-spatiales. Enfin, les effets d’interférence sont essentiellement observés chez les enfants. Cette différence d’effet entre les enfants et les adultes peut s’expliquer de deux façons. Tout d’abord, les épreuves de double tâche monopolisent l’attention or les enfants ont des capacités d’attention plus faibles que celles des adultes. S’ils n’arrivent pas à diviser leur attention efficacement, cela explique qu’ils soient plus sensibles aux interférences que les adultes, mais cela renforce également l’idée d’implication de ressources communes entre la tâche de mémorisation et les tâches concurrentes et donc le rôle des composantes de la mémoire de travail dans la mémorisation des itinéraires.

Par ailleurs, si ces composantes sont bien mobilisées, nos résultats suggèrent que les adultes arriveraient à compenser ces interférences. En effet, certaines épreuves semblent montrer un effet plafond; si les adultes considèrent la tâche d’apprentissage comme peu couteuse, ils arriveraient facilement à réaliser une autre tâche, même si celle-ci implique des traitements ou formats d’encodage similaires. La facilité relative des itinéraires pour les adultes expliquerait qu’ils ne soient pas sensibles aux doubles tâches pour réussir la plupart de nos épreuves de restitution, alors que de tels effets d’interférence sont généralement rapportés dans la littérature. De plus, alors que l’épreuve de tâche concurrente de tapping semblait difficile pour les enfants, nécessitant parfois de la concentration, elle s’automatisait rapidement chez l’adulte. La tâche de répétition verbale s’automatisait par contre rapidement dans tous les groupes mais malgré cette automatisation, certaines performances diminuent même chez les adultes. L’automatisation de la tâche concurrente ne suffit donc pas à expliquer l’ensemble des effets d’interférence. Elle peut toutefois en partie expliquer que l’interférence spatiale semble plus importante que l’interférence verbale.

Par ailleurs, contrairement à nos hypothèses, les effets d’interférence ne sont pas significativement corrélés avec les capacités cognitives générales que nous avons considérées. Cette absence d’effet peut être attribuée aux faibles effets d’interférence et au nombre restreint de participants. Il serait donc intéressant de réaliser ultérieurement d’autres analyses auprès d’échantillons plus importants, afin de distinguer des groupes de participants, à différents âges, possédant de faibles vs. fortes habiletés visuo-spatiales comme cela a été fait chez l’adulte (ex. Garden et al., 2002 ; Gyselinck et al., 2007 et 2009)

En conclusion, outre une progression de la connaissance des repères et de la route avec l’âge; cette étude a mis en évidence des effets de doubles tâches. Les deux composantes (verbale et spatiale) de la mémoire de travail semblent donc être impliquées dans la construction de représentation d’itinéraires. Toutefois, les effets semblent varier selon la connaissance évaluée, le matériel utilisé et l’âge des participants. Premièrement, le calepin visuo-spatial semble impliqué dans les connaissances des repères et de la route, alors que la boucle phonologique serait utilisée uniquement dans certain cas, par exemple selon la congruence entre les supports utilisés ou encore par la difficulté de réalisation de la tâche, comme pour le tapping chez les enfants. De plus, nous avons pu observer que les enfants les plus jeunes sont plus sensibles aux effets d’interférence que les autres groupes de participants plus âgés. À l’inverse, peu d’effets d’interférence ont été observés chez les adultes. Seules les performances de production de repères accompagnées par l’expression des relations spatiales et de vecteurs diminuent significativement lors de doubles tâches chez l’adulte, probablement dû à la facilité des itinéraires pour eux, qui leur permet de gérer les doubles tâches. Enfin, alors que la connaissance des repères par les enfants est sensible aux deux doubles tâches, la connaissance des directions est principalement sensible à l’interférence spatiale. Cet ensemble de résultats suggère que les enfants s’appuient principalement sur la composante visuo-spatiale de leur mémoire de travail pour construire une représentation d’un itinéraire présenté visuellement, et que la composante verbale est mise en jeu plus progressivement.