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Dans ce travail, nous avons comparé et clairement distingué les formes spéciales d’oïdium des céréales déjà décrites d’une entité plus récente infestant le triticale. Cette différentiation est basée en premier lieu sur l’observation des profils d’hôtes établis lorsque les oïdiums sont inoculés sur des gammes de variétés de céréales. Cette nouvelle entité, décrite pour la première fois, a la capacité d’infecter sur fragments de feuilles de plantules quasiment toutes les variétés de triticale testées, un large panel de variétés de blé, et ponctuellement 2 variétés de seigle et présente au moins 7 profils d’adaptation à l’hôte.

L’émergence de cette nouvelle entité est récente et date du début des années 2000 en Europe. Cependant, lors d’essais anciens de sélection de nouveaux triticales, certains auteurs avaient déjà observé que jusqu’à 10% des nouvelles lignées étaient sensibles à B.

graminis f. sp. tritici au stade plantule (Linde-Laursen 1977) et expliqué ce phénomène par le

fait que l’interaction entre les génomes du blé et du seigle peut modifier la sensibilité à l’oïdium du triticale ou que le champignon peut s’adapter aux gènes de résistance présents dans ces nouvelles variétés. En effet, la sélection du triticale est un processus complexe et peu d’informations sont disponibles quant aux gènes Pm transmis aux variétés actuelles. En effet, ce critère de sélection n’a pas été prépondérant pendant de longues années, par rapport aux critères de productivité, de qualité du grain ou de germination sur pied. Les généalogies des variétés ne sont pas souvent rendus publiques et même s’ils sont connus chez les géniteurs blé et/ou seigle, les gènes Pm sont rarement identifiés dans les cultivars de triticale. En conséquence, il est difficile d’identifier les gènes Pm présents dans les cultivars que nous avons utilisés et qui discriminent les profils de résistance (tableau 1), à l’exception de la variété Clément qui porte le gène Pm8 introduit du seigle après la translocation 1BL-1RS. Nous avons également remarqué que les variétés sensibles Tricolor et Maximal portaient dans leur ascendance la variété Trimaran, également très sensible. Ainsi, des gènes Pm contournés par l’oïdium chez le triticale ou le blé ont pu être transférés dans les variétés que nous avons testées. A l’inverse, la variété de triticale FDT04015 est prometteuse puisqu’elle n’a jamais été attaquée dans nos conditions de test in vitro au stade plantule et doit disposer d’un fond génétique différent des autres variétés, qui doivent plus ou moins partager les mêmes gènes de résistance. Finalement, la base génétique de la résistance à l’oïdium semble relativement étroite chez les variétés actuelles de triticale qui doivent partager beaucoup de gènes Pm en commun, en comparaison des variétés de blé. Chez cette céréale, par contre, plusieurs gènes Pm ou plusieurs mécanismes de résistance ne semblent pas contournés puisque certaines variétés restent résistantes à plusieurs profils d’oïdium du triticale. Ainsi, l’oïdium du triticale semble avoir sélectionné plusieurs combinaisons de gènes de virulence, conduisant à la diversité des profils phénotypiques

sélectionnés indépendamment dans différentes régions utilisant des variétés de triticale différentes, exerçant donc des pressions de sélection variées et (2) la recombinaison liée à la reproduction sexuée et à la migration ont pu contribuer à cumuler plusieurs gènes de virulence dans les populations. En effet, des études de génétique des populations récentes de ce champignon ont montré qu’il pouvait migrer sur de grandes distances, au moins à l’échelle d’un pays (Parks, Carbone et al. 2009).

De plus, lors de nos expérimentations sur l’oïdium du triticale, nous n’avons pas observé de différences morphologiques avec les autres formes spéciales (taille des conidies, aspect et développement des colonies, conditions de culture…). Les analyses moléculaires des différents marqueurs confirment que cette entité appartient bien à l’espèce B. graminis et qu’elle est très proche des formes spéciales tritici et secalis, précédemment regroupées dans le même clade des « Triticum » (Inuma, Khodaparast et al. 2007). Ainsi, la différentiation de ces deux formes spéciales existantes est très faible et n’était observée que grâce à une position nucléotidique différente sur le gène de la β-tubuline. Nous n’avons pas retrouvé cette différentiation dans notre jeu de données, ce qui confirme la proximité génétique de ces formes spéciales mais rend difficile leur différentiation. Seul le marqueur IGS nous a seul permis de faire la différence entre ces entités appartenant à la même espèce, en groupant d’une part l’oïdium du triticale et du blé, et d’autre part, l’oïdium du seigle. Ce marqueur est ainsi connu pour évoluer plus rapidement que d’autres, ce qui explique que nous ayons pu observer cette différence après moins de 10 années de sélection de cette nouvelle entité. Il nous permet également de supposer que l’oïdium du triticale dérive de B. graminis f. sp. tritici. Ceci nécessite bien sûr d’être confirmé par d’autres marqueurs (nouveaux gènes évoluant rapidement ou marqueurs neutres comme les microsatellites récemment développés (Parks, Carbone et al. 2009)) et des échantillons fournis par les autres pays concernés comme la Pologne ou la Suisse. Ceci est également cohérent avec le fait que l’oïdium du blé a facilement contourné les gènes de résistance de nombreuses variétés françaises, qui ont pu être transmis aux variétés actuelles de triticale. Cette forme spéciale est également décrite dans la littérature comme celle ayant le spectre d’hôtes le plus large, ce qui suggère une grande capacité d’adaptation. Enfin, ceci est également conforté par le fait que nous ayons réussi à adapter une souche de référence d’oïdium du blé au triticale après seulement trois générations de culture sur la variété Maximal. Cette expérience n’a pas été possible avec l’oïdium du seigle.

Finalement, ces données rassemblées nous confirment les fortes capacités d’évolution de B.

graminis et le besoin urgent en nouvelles sources de résistances à l’oïdium. Les génomes du

seigle et des graminées sauvages pourraient être de bons candidats, d’autant plus que de nouveaux gènes Pm semblent y avoir été identifiés récemment. De nouvelles combinaisons de gènes Pm et la production de nouveaux triticales primaires pourraient également contribuer à élargir la base génétique de la résistance à l’oïdium chez le triticale, ainsi que l’utilisation de résistances non hôtes. En attendant ces nouvelles variétés, les fongicides peuvent constituer une bonne solution à court terme puisque les populations d’oïdium du triticale semblent pour le moment exemptes de résistances aux principales familles.

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient toutes les personnes qui sur le terrain ont collectés les échantillons de céréales oïdiées et y ont placé des pots-piège. Ils remercient également Philippe Du Cheyron d’Arvalis – Institut du Végétal pour la fourniture des différentes semences de céréales. Ce projet a été financé par l’INRA (département SPE) et par le GIE triticale (Agriobtentions, FlorimondDesprez, LemaireDeffontaines, R2n et Serasem), associé à Arvalis -Institut du Végétal et à l’INRA (département GAP).

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