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Dans cette section, nous allons analyser nos résultats dans le contexte des travaux précédents et des prédictions de modèles semi-analytiques qui expliquent l’accrois- sement en taille des ETGs au cours du temps.

5.5.1 Comparaisons avec les études précédentes

Le principal résultat de ce travail est que la relation masse-taille des ETGs et la croissance de la taille des ETGs massives sont indépendantes de l’environnement à grande échelle entre z ∼ 1, 5 et z ∼ 0, 8. Comme nous l’avons vu dans le chapitre

2, plusieurs études de la relation masse-taille ont déjà été réalisées dans différents environnements à bas et haut redshift avant ce travail.

Deux travaux en particulier, Raichoor et al. (2012) et Papovich et al. (2012), se sont attaqués à cette question dans un intervalle de redshift similaire à notre étude, mais en utilisant seulement une seule structure dense.

Raichoor et al. (2012) ont étudié la relation masse-taille à z ∼ 1, 23 dans le super-

amas du Lynx qui contient plusieurs groupes et amas et l’ont comparée au champ extrait du relevé GOODS-S/CDFS (pour Chandra Deep Field South). Ils ont trouvé que les tailles des ETGs du super-amas du LYNX sont comparables avec celles des ga- laxies vivant dans le champ et dans des groupes lorsque les masses stellaires sont

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estimées avec les modèles de populations stellaires de BC03, également utilisés dans ce travail de thèse. Nos résultats semblent en accord avec les leur. Ils ont cependant trouvé que les galaxies de champ étaient légèrement plus grandes que les galaxies du Lynx en utilisant des masses estimées avec les modèles de populations stellaires de Maraston (2005) et de Charlot et Bruzual (2012).

Papovich et al. (2012), quant à eux, ont abouti à un autre résultat en comparant des galaxies de champ et des galaxies d’amas à z =1, 62 dans le même intervalle de

masse que le nôtre (M>3×1010 M). Il ont trouvé que les galaxies d’amas, à masse

fixée, avaient des tailles plus grandes que les galaxies de champ. Ils ont également conclu que l’évolution en taille était plus lente dans les environnements denses. Ces conclusions ne sont pas confirmées par nos données, où nous disposons d’un échan- tillon statistique plus important. La différence n’est pas claire mais il se pourrait soit que l’amas étudié par Papovich et al. (2012) soit un objet particulier, soit que les effets soient plus visibles à plus haut redshift (notre échantillon étant centré à plus bas z). Avoir un échantillon statistique de groupes et/ou amas à z > 1, 5 aiderait sûrement

dans le futur à comprendre ces divergences.

Huertas-Company et al. (2013), en analysant des ETGs dans le champ et dans des groupes extraites du relevé COSMOS, n’ont pas non plus trouvé de dépendance avec l’environnement. Nos résultats, qui emploient des méthodes similaires pour l’estima- tion de la taille et de la masse, sont en accord avec cette étude.

D’un autre côté, Cooper et al. (2012) ont trouvé, à 0, 4 < z < 1, 2, une corrélation

entre l’environnement et la taille des galaxies massives 10 <log(M/M) <11 ayant

n >2, 5 : ces galaxies dans les régions les plus denses tendent à avoir des tailles plus

grandes que leur équivalent dans les régions peu denses. La différence de résultat pourrait provenir de l’intervalle de redshift étudié, de la sélection sur l’indice de Ser- sic et de la manière de mesurer l’environnement qui diffère de la nôtre. Ils prennent en effet comme mesure de l’environnement la densité surfacique projetée du troisième voisin le plus proche (cf. chapitre 2 section 2.3.2).

Globalement, l’image qui semble émerger de ce travail et des précédents est que l’effet de l’environnement sur la taille des galaxies est très faible. Les implications de ce résultat pour la croissance hiérarchique des ETGs seront discutées dans la section suivante.

En outre, concernant l’effet de l’intervalle de masse, Williams et al. (2010) et Ryan et al.(2012) ont souligné dans leur travaux la dépendance en masse de l’évolution en taille des galaxies passives, où les galaxies les plus massives subissent la plus forte évolution de z ∼ 2 à aujourd’hui. À l’inverse, Damjanov et al. (2011) et Cimatti et al.

(2012) n’ont trouvé aucune dépendance de l’évolution en taille avec la masse des galaxies. Nos résultats vont dans leur sens puisque nous ne trouvons pas non plus d’effet sur l’évolution en taille des ETGs avec des intervalles de masses différents. Cependant, Huertas-Company et al. (2013) ont trouvé une dépendance lorsqu’ils font une différence morphologique entre ELLs et S0s : les elliptiques les plus massives

(11<log(M/M) < 11, 5) apparaissent plus compactes et ont une évolution en taille

plus forte que les elliptiques moins massives (10, 5 < log(M/M) < 11) tandis que

l’évolution des lenticulaires ne change pas significativement avec la masse stellaire. Enfin, très peu de travaux ont discuté des effets de morphologie détaillée sur la croissance de la taille et la relation masse-taille. van der Wel et al. (2011) ont trouvé que les galaxies les plus compactes à z ∼2 avec M>1010,8Msont des galaxies do-

minées par des disques (voir aussi Chang et al., 2012). Huertas-Company et al. (2013) ont aussi montré à z ∼0, 5 que les galaxies à disque avait tendance à apparaître plus

compactes, ce qui est en accord avec nos résultats. Nous trouvons, en effet, que les galaxies lenticulaires sont plus compactes à tous les redshifts depuis z ∼ 1, 5 et que

l’évolution en taille de ces galaxies est plus rapide. Nous trouvons également que les systèmes composés uniquement d’un bulbe dominent la population des galaxies pas- sives à z>1 seulement pour des masses stellaires supérieures à log(M/M) &11, 2,

ce qui est en accord avec les travaux de Chang et al. (2012) et Buitrago et al. (2013). L’évolution de la morphologie de la population de galaxies passives et les effets sur la croissance de la taille nécessitent certainement des études plus poussées.

5.5.2 Comparaison avec des modèles semi-analytiques

Les fusions mineures ont été mises en avant comme moteur principal de l’évo- lution de la taille des ETGs dans plusieurs travaux récents, aussi bien observation- nels que théoriques. Nous allons nous intéresser dans la suite au comportement des modèles hiérarchiques face au manque d’effet de l’environnement constaté dans ce travail.

Plus précisément, nous comparons nos résultats aux prédictions de deux modèles semi-analytiques : celui de Guo et al. (2011) et celui de Shankar et al. (2013). Les mo- dèles de Guo et al. (2011) et Shankar et al. (2013) suivent la croissance hiérarchique des galaxies le long d’arbres de fusions issus de la simulation Millenium (Springel et al., 2005). Dans ces modèles, une fusion majeure de galaxies transforme une galaxie à disque en une galaxie elliptique et les fusions mineures préservent la morphologie de la galaxie la plus massive mais ont un impact sur la taille et la masse des composantes bulbe et disque résultantes. Les bulbes peuvent également grandir via des instabilités gravitationnelles. Ces dernières sont succeptibles d’avoir un effet plus important sur les galaxies ayant des rapports bulbe sur disque intermédiaires (0, 4 < B/T < 0, 7)

tandis que les fusions ont un impact plus fort sur les galaxies formées d’un bulbe pur (B/T > 0, 7). La taille (taille dans laquelle est incluse la moitié de la masse) est mise

à jour après chaque événement, en faisant l’hypothèse de conservation de l’énergie. Basé sur le modèle de Guo et al. (2011), le modèle de Shankar et al. (2013) inclut, en plus, la dissipation du gaz au cours d’une fusion majeure de deux galaxies riches en gaz.

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neures pour la croissance des galaxies de type précoce, une différence d’évolution de la taille des galaxies est observée en fonction de l’environnement. Ce modèle maxi- mise les effets des fusions mineures sur la croissance de la taille des galaxies résul- tantes des fusions avec une énergie orbitale nulle. Il tient aussi compte de la dissipa- tion du gaz lors des fusions. Dans ce cas, les conditions initiales du modèles font que les galaxies vivant dans les environnements denses sont plus grandes, donc moins compactes, que les galaxies vivant dans les environnements peu denses, car les effets de la dissipation sont plus grands dans le champ que dans les amas. Les galaxies ont, en effet, une fraction de gaz plus élevée dans le champ que dans les amas ; les fusions donnent alors des galaxies plus compactes dans le champ. Si le scénario de Shankar et al. (2013) est correct, on s’attend donc à trouver des galaxies plus évoluées, donc plus larges dans les environnements denses comme les amas que dans les environne- ments peu denses comme le champ.

Sur la figure 5.12, est représentée l’évolution de la taille normalisée par la masse prédite par les modèles de Guo et al. (2011) et Shankar et al. (2013), pour les galaxies de champ et pour les galaxies d’amas dans les deux intervalles de masse considérées pour nos données (i.e. 10, 5 < log(M/M) < 11, 0 et 11, 0 < log(M/M) < 12, 0).

Nous avons aussi représenté les résultats pour les galaxies de champ et de groupes COSMOS de Huertas-Company et al. (2013) et ceux du SDSS de Huertas-Company et al.(2012). Les galaxies de champ sont définies comme celles vivant dans des halos de matière noire moins massifs que 1013 M

⊙, et les galaxies d’amas comme celles

peuplant dans les halos de matière noire les plus massifs, soit Mhalo > 1014 M⊙. Les

galaxies sont sélectionnées avec B/T > 0, 5 et ont les mêmes intervalles de masse

stellaire et de masse de halos.

Les tailles normalisées par la masse pour les ETGs de champ et d’amas des mo- dèles sont normalisées à la taille pondérée par la masse des ETGs de champ observées à z ∼ 0 du SDSS, afin de garder le même rapport entre les tailles des modèles dans

les différents environnements ainsi que la pente de l’évolution.

De la même façon que Huertas-Company et al. (2013, 2012), pour comparer cor- rectement les observations aux prédictions des modèles à chaque redshift et chaque intervalle de masse de halo considérés, on exécute 1000 réalisations Monte Carlo pour les deux modèles dans lesquels sont tirés au hasard des sous-échantillons ayant un nombre de galaxies égal aux échantillons observés. Pour chaque réalisation Monte Carlo, la moyenne est calculée, et la moyenne finale ainsi que l’erreur 1−σ sont

ensuite extraites de la distribution totale des moyennes. De cette façon, on prend en compte les incertitudes liées à la taille des échantillons observés. Les incertitudes dans les prédictions des modèles prennent également en compte une contamination de 20% du champ, une incertitude relative de 50% sur la masse des halos et de 50% sur la masse stellaire.

La figure 5.12 permet de tirer deux conclusions principales sur la comparaison des observations aux modèles. La première est que les deux modèles prédisent un degré

d’évolution de la taille plus faible que celui observé pour les galaxies d’amas. Les tailles prédites par les modèles sont plus grandes que celles observées ; la différence est d’autant plus grande que le redshift augmente. Le niveau de désaccord dépend du modèle et de l’intervalle de masse considérés ; il est maximum pour les galaxies les plus massives (log(M/M) >11) et peut atteindre 2 à 3 σ confirmant les résultats de

Huertas-Company et al. (2013). Les différences s’estompent et disparaissent presque à plus faible masse ; les observations et prédictions des modèles sont en accord à 1σ. En outre, le degré d’évolution prédit par les modèles pour les galaxies de champ est en accord à 1σ avec celui observé pour les galaxies de champ et d’amas. L’écart augmente pour les galaxies les plus massives mais reste compatible, compte tenu des barres d’erreur (qui reflètent la statistique de nos échantillons et les incertitudes liées à la contamination des environnements et à la masse). Pour les galaxies d’amas les plus massives, les modèles prédisent un facteur 1, 5 entre la taille des ETGs à z=0 et

celle à z = 1, 5, alors que les observations montrent un facteur 2−2, 5 entre z =0 et

z ∼1, 35.

La deuxième conclusion concerne la dépendance de l’évolution de la taille avec l’environnement ; celle-ci dépend du modèle considéré. Le modèle de Guo et al. (2011) prédit une petite différence de taille moyenne entre les ETGs de champ et d’amas, qui est cohérente à 1σ, ce qui est globalement en accord avec nos observations. Le modèle de Shankar et al. (2013), quant à lui, prédit une plus forte dépendance avec l’environ- nement, les ETGs vivant dans des amas ayant des tailles plus grandes que les ETGs du champ à tous les redshifts pour les galaxies les plus massives et seulement au- delà de z = 1 pour les moins massives ; cette prédiction est encore en accord avec nos observations lorsque l’on prend en compte le même nombre de galaxies pour les modèles et les observations. Si l’échantillon statistique augmente, les barres d’erreur diminuent. Il serait souhaitable d’évaluer la taille d’échantillon permettant de discri- miner, dans les modèles, l’évolution des galaxies vivant dans des halos massifs de l’évolution des galaxies de champ, et de comparer ensuite à un échantillon observa- tionnel de la même taille. Cela montre à quel point l’environnement peut être utile pour contraindre les modèles d’évolution des galaxies.

La figure 5.13 montre différemment la dépendance avec l’environnement dans les modèles et les observations en représentant la taille moyenne normalisée à la masse en fonction de la masse du halo hôte de matière noire. Les prédictions des modèles et les observations sont montrées pour les deux intervalles de masse (10, 5<

log(M/M) < 11, 0 et 11, 0 <log(M/M) <12, 0) et pour l’intervalle de redshift en-

tier, 0, 7 < z <1, 6, correspondant à un redshift moyen de 1. Les tailles moyennes

sont aussi normalisées à la taille moyenne des galaxies de champ de chaque intervalle de masse et chaque modèle ou chaque échantillon observationnel. On observe à nou- veau que le modèle de Shankar et al. (2013) pour les ETGs les plus massives prédit la dépendance avec l’environnement la plus forte. Même si le nombre de galaxies dans les échantillons de champ et d’amas ont augmenté en regroupant toutes les galaxies

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dans un unique intervalle de redshift, les barres d’erreur sont encore compatibles entre les modèles et les observations, dans les deux intervalles de masse et pour les deux modèles.

Les résultats de Shankar et al. (2013, en préparation) qui prédisent l’effet d’envi- ronnement le plus fort sont pourtant en meilleur accord avec la relation masse-taille locale que ceux du modèle de Guo et al. (2011). Les modifications introduites pour améliorer l’accord avec la relation locale augmentent donc la dépendance de la taille des ETGs avec l’environnement, ce qui est exclu par les observations. Ce résultat est intéressant et ses implications vont être discutées dans un travail théorique détaillé de Shankar et al. (en préparation).