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1.3 Les galaxies et leur environnement

1.3.1 Le contexte cosmologique

La formation et l’évolution des galaxies s’inscrit dans le contexte général de l’évo- lution de l’Univers. Arrétons-nous un instant sur le contexte cosmologique dans le- quel s’effectue ce travail de thèse.

Le modèle ΛCDM

La cosmologie pose non seulement un cadre spatio-temporel mais fournit égale- ment les conditions initiales pour la formation et l’évolution des galaxies. La cosmo- logie moderne se base sur la théorie de la relativité générale d’Einstein (1916) qui relie l’espace-temps au contenu énergétique de l’Univers. Einstein a fait naître le principe cosmologique, selon lequel, à grande échelle, l’Univers est homogène et isotrope et qui impose des symétries facilitant la résolution des équations. Cette hypothèse a été vérifiée par la suite lors des campagnes d’observations de grands relevés.

Comme je l’ai évoqué au début de ce chapitre, l’observation de l’expansion de l’Univers réalisée par Slipher et Hubble dans les années 1920 fait directement suite à la découverte des objets de nature extra-galactique. Malgré le fait que les équations de la relativité générale donnent naturellement des solutions d’Univers en expansion, Einstein lui-même croyait en un Univers statique. Cette découverte va donc révolu- tionner la vision de l’Univers dans lequel nous vivons et mettre plusieurs années à être acceptée par la communauté. Par la suite, des mesures de plus en plus précises du taux d’expansion actuel de l’Univers vont être effectuées ; elles convergent vers une valeur de H0 =70 km.s−1.Mpc−1.

L’Univers étant en expansion, il a dû dans le passé se trouver dans un état beau- coup plus dense et chaud. En 1965, Penzias et Wilson (1965) ont découvert un bruit résiduel impossible à éliminer en faisant des mesures avec une antenne radio : il s’agissait du fond diffus cosmoslogique (CMB, pour Cosmic Microwave Background), confirmant que l’Univers a connu une phase très dense et très chaude au début de son existence et qui étaye la théorie du Big Bang3. Ce rayonnement, proche de celui d’un corps noir, est très fortement isotrope à une température de 2, 7 K présentant des anisotropies relative de δT/T ∼ 10−5 à des échelles angulaires de ∼ 1◦ (voir

figure 1.18). Ces fluctuations relatives de température reflètent des fluctuations de densité qui seraient à l’origine des structures (galaxies, amas) que l’on connait au- jourd’hui. Le CMB a pour origine le découplage entre la matière et le rayonnement et la recombinaison qui s’ensuit au moment où l’Univers était agé d’environ 380 000 ans (ce qui correspond à z ∼ 1100). Grâce à l’expansion, l’Univers devient de moins en

moins dense et arrive le moment où la matière est libre de toute interaction autre que gravitationnelle. La recombinaison intervient alors : les électrons, n’interagissant

3. Le terme de Big Bang a été introduit par Fred Hoyle qui ne croyait pas en cette théorie et lui préférait un Univers dans un état stable et immuable. Sa théorie s’est avérée fausse mais son terme de Big Bangest resté pour la théorie concurrente et actuellement admise.

plus avec les photons, se combinent aux noyaux et l’Univers devient progressivement neutre et transparent au rayonnement des photons découplés. C’est ce rayonnement qui est aujourd’hui observé comme étant le CMB.

L’origine des fluctuations du fond diffus cosmologique n’est pas tout à fait com- prise. Elle peut être expliquée par l’amplification et le gel de fluctuations quantiques pendant l’inflation, courte période pendant laquelle la taille de l’Univers a augmenté de façon exponentielle (Liddle et Lyth, 1993).

FIGURE 1.18 –Fond diffus cosmologique mesuré par le satellite WMAP en 2008. Les

fluctuations relatives en température sont de l’ordre de 10−5 et sont à l’origine des structures (amas, galaxies) que l’on voit aujourd’hui (crédits : NASA/WMAP Science Team).

En outre, la taille des fluctuations observées dans le CMB est trop petite pour ex- pliquer la formation des structures telles qu’on les connait. La découverte de la ma- tière noire (ou sombre) va permettre d’apporter une explication en amplifiant les fluc- tuations de densité pour atteindre celles recquises pour former les structrures visibles aujourd’hui. En effet, la matière noire, n’intéragissant pas avec la matière ordinaire, va pouvoir se condenser plus tôt (avant le découplage matière-rayonnement) pour former des surdensités qui agiront comme des pièges gravitationnels sur les baryons une fois libres de s’effondrer.

La succession de mesures de masses des structures de l’Univers (galaxies, groupes, amas) a mis en évidence la domination du contenu de matière noire sur le contenu de matière visible. La figure 1.19 montre la distribution 3D de matière noire à grande échelle obtenue grâce à des mesures de lentilles gravitationnelles qui permettent d’es- timer le contenu global de matière noire dans l’Univers (Refregier, 2003). Il apparaît ainsi que la matière ordinaire (ou baryonique) n’est qu’une petite partie de la matière contenue dans l’Univers et qu’une matière noire dont on ignore la nature et dont on ne voit que les effets gravitationnels domine la distribution de matière.

Une autre composante vient s’ajouter au contenu énergétique de l’Univers à la fin du siècle dernier. À partir d’observations de supernovæ de type Ia (SNIa), Riess et al. (1998) et Perlmutter et al. (1999) ont mesuré l’accélération de l’expansion de l’Univers. Cette découverte implique la présence d’une énergie répulsive pour s’opposer aux effets attractifs de la gravitation : cette énergie est aujourd’hui appelée l’énergie noire. Sa nature est encore plus inconnue et plus énigmatique que celle de la matière noire.

FIGURE1.19 –Distribution de matière noire à grande échelle mesurée grâce aux don-

nées des télescopes spatiaux Hubble et XMM-Newton (crédits : NASA, ESA et R. Massey).

À l’heure actuelle, les observations combinées du CMB, des grandes structures et des SNIa convergent vers le modèle de concordance ΛCDM (Λ pour énergie noire et CDM pour Cold Dark Matter) qui décrit globalement l’évolution de l’Univers du Big Bang à nos jours. Les récentes observations du CMB avec le satellite WMAP déter- minent avec une remarquable précision les paramètres cosmologiques : ΩM =0, 3 et ΩΛ =0, 7 (Spergel et al., 2007). ΩMet Ωλ resprésentent respectivement la fraction de matière (matière noire et matière ordinaire) et la fraction d’énergie noire. Reste donc à savoir de quoi est fait∼95% de l’Univers.

Croissance des structures dans le modèle ΛCDM

La formation des structures est initiée par instabilités gravitationnelles. À partir des petites inhomogénéités ou fluctuations primordiales, la matière noire s’effondre autour des pics de densité sous l’effet de la gravitation. Dans le même temps, les régions de sous-densité deviennent de plus en plus vides.

Dans le modèle ΛCDM, les structures se forment suivant un scénario hiérarchique, aussi appelé scénario bottom-up. Les halos de matière noire croissent ainsi par fusion de halos plus petits.

Les simulations numériques reproduisent très bien le comportement de la matière noire qui est régit uniquement par la force de gravitation, ainsi que la formation des structures (voir figure 1.20). La comparaison de la distribution de matière dans les simulations avec les observations est en très bon accord. On trouve ainsi dans l’Uni- vers, des halos de matière noire pouvant atteindre des masses de 1015−16 M

⊙. Chacun

de ces halos peut contenir une ou plusieurs galaxies. Ce sont les halos les plus massifs qui forment les amas de galaxies.

FIGURE 1.20 –Simulation numérique de matière noire pure illustrant la formation

des structures (Springel et al., 2005).