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1.4 Les mécanismes de formation et d’évolution

1.4.3 Évolution des galaxies dans leur environnement

Finalement, les deux processus formation et évolution sont intrinsèquement liés : d’une certaine façon, les galaxies se forment toujours aujourd’hui. Dans cette section, je vais détailler les mécanismes d’évolution des galaxies liés à l’environnement.

Accrétion de gaz

L’accrétion de gaz est un processus fondamental qui permet aux galaxies de for- mer des étoiles en continu, sans quoi leur réservoir de gaz s’épuiserait et la formation d’étoiles cesserait. Comme je l’ai évoqué précédemment, le gaz diffus et froid s’éf- fondre dans les puits de potentiel formés par les halos de matière noire à une vitesse supersonique. Dans ce cas, un choc d’accrétion peut se former au niveau du rayon du Viriel et chauffer le gaz, l’empêchant de tomber. Birnboim et Dekel (2003) et De- kel et Birnboim (2006) ont montré qu’un tel choc ne peut être stable pour des halos de matière noire en dessous d’une masse critique M ∼ 1012 M⊙. Ils soulignent ainsi

l’existence de deux modes d’accrétion :

– le mode d’accrétion froid : pour des halos avec Mh < 1012 M, le gaz n’est pas

chauffé et pénètre directement au sein du halo en un temps égal au temps de chute libre,

– le mode d’accrétion chaud : pour les halos plus massifs avec Mh > 1012 M⊙,

le gaz tombant est chauffé par le choc (T ∼ 106 K) puis refroidi radiativement

avant de tomber de nouveau au centre du halo.

Ils ont également prévu que les halos plus massifs à haut redshift pouvaient être nourris par des courants de gaz suffisamment dense et froid (mode d’accrétion froid) car le temps de refroidissement était alors assez court pour laisser le gaz pénétrer dans les halos massifs (voir partie gauche de la figure 1.29).

Les simulations cosmologiques avec de la matière noire et des baryons ont confir- mées ces résultats (Kereš et al., 2005; Ocvirk et al., 2008; Kereš et al., 2009; Dekel et al., 2009a). La partie droite de la figure 1.29 montre un exemple de simulation de halo massif et chaud pénétré par des courants de gaz dense et froid. Kereš et al. (2009) trouvent même qu’il s’agit du mode d’accrétion de gaz dominant à haut redshift. Ce- pendant, les courants de gaz froid n’ont encore jamais été observés directement. Il ont au départ été évoqués pour expliquer le taux de formation stellaire mesuré trop élevé par rapport au taux de fusions de galaxie observé.

Les précédentes simulations n’avaient pas assez de résolutions pour voir la fa- çon dont le gaz froid et le disque de la galaxie centrale interagissaient. Les récentes simulations à haute résolution comme celles de Agertz et al. (2009), illustrées par la figure 1.30, ont montré que les courants de gaz froid peuvent directement pénétrer dans la galaxie par les bords du disque et nourrir efficacement la galaxie en gaz.

Histoire de fusions

Dans le scénario hiérarchique, les halos de matière noire fusionnent entre eux pour former des halos de plus en plus massifs. Les galaxies résidentes dans ces halos peuvent aussi interagir et fusionner lors de telles rencontres.

On distingue deux types de fusions : les fusions majeures avec un rapport 1:1 à 1:4 entre la masse des deux galaxies en interaction, et les fusions mineures ayant

Distance [kpc] D is tan ce [k p c]

F lux per solid angleF lux per solid angleF lux per solid angle F lux per solid angleF lux per solid angle

−150 −100 −50 0 50 100 150 −150 −100 −50 0 50 100 150 d ˙M /dΩ −30 −25 −20 −15 −10 −5 0 5

FIGURE 1.29 – Accrétion de gaz par des courants froids : À gauche : les différents

modes d’accrétion de gaz en fonction du redshift et de la masse du halo. En des- sous de la masse critique de 1012 M, le mode d’accrétion froid se produit ; au des- sus de cette masse, le mode d’accrétion froid n’existe qu’à haut redshift. À droite : exemple de simulation dans laquelle une galaxie est nourrie par des filaments de gaz froid qui pénètrent efficacement dans le halo chaud. Figures extraites de Dekel et al.(2009a).

FIGURE 1.30 –Galaxie à z 3 nourrie par des filaments issue d’une simulation nu-

mérique à haute résolution de Agertz et al. (2009). En rouge est représentée la tem- pérature du gaz, en vert les métaux et en bleu la densité. Les courants de gaz froid (en bleu) pénètrent directement la galaxie sur le bord du disque.

des rapports de masse plus grands4. Les effets de tels événements diffèrent avec le rapport des masses, bien que toute interaction va produire des effets de marrée qui peuvent engendrer des structures particulières comme des ponts, des queues, des an- neaux, des coquilles, caractéristiques d’interactions dynamiques (voir des exemples

d’interactions et de fusions sur la figure 1.31).

Les fusions majeures de deux galaxies spirales de masse comparable conduisent à la destruction des disques progéniteurs et à la formation d’une galaxie de type pré- coce, ce qui a été observé dans les simulations numériques (Naab et Burkert, 2003; Bournaud et al., 2005; Cox et al., 2006; Bournaud et al., 2008b). Les fusions de rap- port 1:3 à 1:4 produisent plutôt des elliptiques ayant des isophotes dites disky alors que des fusions de rapport 1:1 peuvent engendrer des elliptiques aux isophotes dites boxy aussi bien que disky (Naab et Burkert, 2003; Bournaud et al., 2005). Springel et Hernquist (2005) ont aussi montré avec des simulations numériques qu’une fusion majeure de deux spirales riches en gaz pouvait aboutir à la formation d’une galaxie à disque. Lors de telles interactions, le taux de formation stellaire peut atteindre des valeurs très élevées comme on peut le voir sur la figure 1.32, extraite de Springel et Hernquist (2005). Dans ce cas, on observe deux pics de formation stellaire : le premier correspond à un premier passage proche et le second à la fusion des deux galaxies. Hammer et al. (2005) ont proposé un scénario de reconstruction de galaxies spirales à la suite d’une fusion majeure. Cette dernière génère une galaxie compacte qui, nour- rie par des courants de gaz froids, peut reformer une nouvelle composante comme un disque autour du bulbe formé par la fusion.

FIGURE 1.31 –Exemple de galaxies en interaction dans différentes configurations et

à des stades d’évolution différents : on observe des effets de marée induits par l’interaction. Images du telescope spatial Hubble.

FIGURE1.32 –Taux de formation stellaire en fonction du temps au cours d’une fusion

entre deux galaxies spirales riches en gaz : la ligne pleine correspond au SFR, la ligne en pointillés à l’évolution de la masse de gaz, et la ligne en tirets à l’évolution de la masse d’étoiles (Springel et Hernquist, 2005).

Les fusions mineures ont des conséquences moins dramatiques. Les fusions ayant des rapports de 1:4 à 1:10 conservent les disques et tranforment une galaxie spirale en une galaxie lenticulaire (Bournaud et al., 2004). Les fusions de rapport encore plus grand conduisent à des transformations au sein de la galaxie dominante : l’interac- tion augmentant la vitesse de dispersion des étoiles, les disques peuvent s’épaissir et s’agrandir (Toth et Ostriker, 1992; Walker et al., 1996). Les fusions mineures peuvent aussi participer à la croissance du bulbe (Bournaud et al., 2005).

Les fusions ne sont pas si fréquentes dans l’histoire de l’Univers. Le taux de fu- sions est, en outre, difficile à estimer via les observations ; il faut compter le nombre de galaxies en interaction soit en regardant leur morphologie perturbée et des signatures de fusion, soit en comptant des paires de galaxies proches et convertir ce nombre en taux de fusion. Typiquement, plusieurs études montrent que la fraction de fusion va- rie avec le redshift comme (1+z)m, m ayant des valeurs comprises entre 2 et 4, qui dépendent des méthodes de mesure utilisées (e.g. Le Fèvre et al., 2000; Patton et al., 2002). On peut aussi déterminer les taux de fusions dans les simulations numériques avec différentes méthodes. Stewart et al. (2008), par exemple, ont montré que durant les 10 derniers milliards d’années,∼90% des galaxies de 1012 M⊙ont subi une fusion

avec une galaxies de 0, 05 fois leur masse et que ∼ 40% avaient eu une fusion avec

une galaxie de 0, 2 fois leur masse.

Évolution dans un environnement dense

Dans les environnements denses, amas et groupes, on observe des mécanismes d’évolution spécifiques tels que :

– Le ram-pressure stripping (Abadi et al., 1999; Vollmer et al., 2000; Book et Benson, 2010). Ce processus dépouille la galaxie de son gaz par friction dynamique, la galaxie se déplaçant de le milieu chaud intra-amas.

– Le phénomène de harassment de galaxie (Moore et al., 1996, 1998), un phéno- mène fréquent dans les amas où les galaxies se déplacent relativement vite les unes par rapport aux autres. Les interactions, sans fusion, y sont fréquentes et peuvent arracher des étoiles aux galaxies et produire des structures comme des queues de marée, des naines de marée, des flambées de formation stellaire. – La suppression de l’apport en gaz froid (starvation en anglais) (Larson et al.,

1980; Balogh et al., 2000; Boselli et al., 2006). Les amas sont un milieu où le gaz est chaud, ce qui coupe les galaxies de leur apport en gaz et finit par épuiser leur réserve.