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La manière dont le discours social s’insère dans le roman convoque l’identification des formes pertinentes de l’énoncé social. En effet, le processus d’esthétisation provoque une transformation du code dans lequel certains énoncés s’écrivent. Le romancier choisit ses mots dans les discours ambiants, mais il les adapte à son goût pour qu’ils établissent de nouvelles connotations dont la résultante cumulative est une nouvelle valeur sémantique. Les mots deviennent alors pluriels tout comme les discours sociaux qu’ils forment et cette pluralité porte en elle-même du sens, des modalités et des formes dans le texte romanesque. Ils s’extériorisent par un réseau bien défini d’échanges discursifs. C’est dans cette optique qu’Angenot avance que « le discours social […] ne se manifeste pas nécessairement à la surface rhétorique des textes

164 Régine Robin et Marc Angenot, « L’inscription du discours social dans le texte littéraire », Sociocriticism,

op.cit., p. 57.

165 Marc Angenot, « Que peut la littérature ? Sociocritique littéraire et critique du discours social », Ruth Amossy

ou des ensembles de textes, mais plutôt dans les soubassements présuppositionnels qui en établissent l’acceptabilité166 ».

Chez Ahmadou Kourouma, le discours social se manifeste explicitement par des indices temporels et spatiaux et implicitement par les formes de la satire, comme l’ironie, la parodie, l’humour, etc. Les romans d’Ahmadou Kourouma mettent en évidence des discours issus de plusieurs couches sociales et des références intertextuelles plus ou moins explicites qui permettent de construire une « illusion réaliste » participant à la création de « l’effet de réel ». Ils développent une réflexion sur le temps, sur l’intelligibilité des actions humaines et sur leur identité. Tous ses romans « exhalent l’horreur de l’Histoire » et « ce n’est qu’à l’intérieur de l’histoire qu’une œuvre peut exister en tant que valeur que l’on peut discerner et apprécier167 ». L’écriture devient, pour Ahmadou Kourouma, une manière d’appréhender le rapport de l’homme au temps et à l’histoire.

1.4.1. Le discours romanesque

Le roman est un moyen par lequel un romancier décrit sa vision du monde qui l’entoure. Son écriture se fonde sur les discours ambiants qu’elle transforme pour bien décrire les « possibilités humaines, tout ce que l’homme peut devenir, tout ce dont il est capable. Les romanciers dessinent la carte de l’existence en découvrant telle ou telle possibilité humaine168 ». Cette écriture travaille le « déjà-là » pour lui donner un autre sens. En effet, comme l’écrit Pierre Zima, le roman est « une construction sémantique et narrative et non pas une réplique de la réalité. Tout discours théorique ou littéraire déforme le réel sur le plan sémantique et narratif169 ». L’analyste doit rendre compte de ces déformations. Henri Mitterand lui emboîte le pas quand il affirme que « le roman implique la fiction, l’intervention de personnages et de situations imaginaires […] [mais] aussi une construction, un ordre des faits, c’est-à-dire la

166 Marc Angenot, « Intertextualité, interdiscursivité, discours social», Texte. Revue de critique et de théorie

littéraire, no. 2, Toronto : Trinity College, 1983, p. 106.

167 Milan Kundera, Les Testaments trahis, Paris : Gallimard, 1993, p. 28 et 30. 168 Milan Kundera, L’art du roman, Paris : Gallimard, 2004 [1986], p. 57. 169 Pierre Zima, Manuel de sociocritique, op.cit., p. 84-85.

négation du désordre et des aléas qui caractérisent la vie réelle, ou le réel de la vie170 ». Selon lui, le roman ne peut pas être un miroir que l’on promène le long d’un chemin. Il n’est pas non plus « un plan qui embrasse à la fois l’histoire et la critique de la Société, l’analyse de ses maux et la discussion de ses principes171 ». Le lecteur d’un roman doit savoir que ce qu’il prend pour le reflet de la réalité n’est qu’une illusion réaliste. C’est pour cela que Marthe Robert considère le roman comme un genre qui « s’empare de secteurs de plus en plus vastes de l’expérience humaine […] dont il se donne une reproduction, tantôt en la saisissant directement, tantôt en l’interprétant à la façon du moraliste, de l’historien, du théologien, voire du philosophe et du savant172 ». Le roman entretient des relations très étroites avec le monde réel, le déforme, en conserve ou en fausse les proportions et les couleurs et le juge.

Guy de Maupassant quant à lui avance que « faire vrai consiste à donner l’illusion complète du vrai suivant la logique ordinaire des faits, et non à la transcrire servilement dans le pêle-mêle de leur succession173 ». Selon lui, le romancier se plaît à jouer d’illusions en manipulant les évènements à son gré. Il les prépare et les arrange en vue de transformer la vérité constante en une aventure extraordinaire et séduisante qui plaira au lecteur, l’émouvra ou l’attendrira. Le but du romancier est de s’exprimer en « faisant » vrai, d’inciter son lecteur à réfléchir, puis à comprendre le sens implicite des évènements racontés. Le souci primordial du romancier est de faire de la fiction, quel que soit le degré de vraisemblance de son récit. Josias Semujanga l’explique ainsi :

Le discours du romancier se construit […] à partir d’un principe de l’effet de fiction. Le romancier écrit pour imaginer un vécu, le recréer à partir d’un événement réel transposé dans une fiction qui traduit les préoccupations et les obsessions à la source de la perception du monde et de la vie. Son écriture, si informative ou normative soit-elle, demeure créatrice et suggestive. Car le roman forme une totalité, un monde clos dont le

170 Henri Mitterand, « Les deux visages de la ‘‘mimesis’’ », L’illusion réaliste. De Balzac à Aragon, Paris, Presses

universitaires de France, 1994, p. 1.

171 Nous nous référons ici à l’« Avant-propos » que Balzac écrit en juillet 1842 à la demande de son éditeur pour

la publication de la grande édition de ses Œuvres complètes, qui portait pour la première fois le titre général de La

Comédie humaine. Voir Préfaces des romans français du XIXᵉ siècle, anthologie établie, présentée et annotée par

Jacques Noiray, Paris : Librairie générale française, 2007, p. 223.

172 Marthe Robert, Roman des origines et origines du roman, Paris : Gallimard, 1997 [1972], p. 14.

173 Guy de Maupassant, « Étude sur le roman. Préface à Pierre et Jean », Jacques Noiray (dir.), Préfaces des romans

maître est, non l’histoire, mais le romancier qui s’en inspire. Il peut à sa guise travestir les événements, les transcender en mythe, les traduire par l’allégorie ou élaborer à partir d’un événement historique une réflexion idéologique ou philosophique174.

À travers ses écrits, le romancier cherche donc à communiquer au lecteur sa propre vision du monde en repérant les décalages, les jeux d’oppositions et les correspondances avec la psychologie et l’évolution des personnages. Pour cela, Maupassant considère que le romancier doit créer une illusion de réalité chez le lecteur pour retranscrire la vérité, rien que la vérité, et apporter du crédit à son histoire suivant la logique ordinaire des faits. Il ne doit pas raconter les évènements tels quels, mais plutôt faire appel à des évènements stéréotypés dans la vie quotidienne, afin que le lecteur s’assure de la véracité des faits. Son habilité consiste à « savoir éliminer, parmi les menus événements innombrables et quotidiens tous ceux qui lui sont inutiles, et mettre en lumière, d’une façon spéciale, tous ceux qui seraient demeurés inaperçus pour des observateurs peu clairvoyants et qui donnent au livre sa portée, sa valeur d’ensemble175 ». Nous affirmons avec Guy de Maupassant que l’écriture romanesque

consiste à user de précautions et de préparations, à ménager des transitions savantes et dissimulées, à mettre en pleine lumière, par la seule adresse de la composition, les événements essentiels et à donner à tous les autres le degré de relief qui leur convient, suivant leur importance, pour produire la sensation profonde de la vérité spéciale qu’on veut montrer176.

Dans ses phrases, diversement construites, ingénieusement coupées, pleines de sonorités et de rythmes savants, le romancier crée sa propre histoire en procédant à « un groupement adroit des petits faits constants d’où se dégagera le sens définitif de […] [son] œuvre177 ». Il peut s’inspirer des faits réels tout en faisant un tri parmi une multitude d’éléments du réel qu’il adapte à son esthétique romanesque. Claude Duchet écrit que « le texte [du romancier] historicise et socialise ce dont il parle, ce qu’il parle différemment178 ». L’investigation historique du romancier tient donc non seulement de l’histoire politique, institutionnelle, évènementielle, mais aussi d’« une

174 Josias Semujanga, « Les méandres du récit du génocide dans L’aîné des orphelins », Études littéraires, vol. 35,

n° 1, 2003, p. 103.

175 Guy de Maupassant, « Étude sur le roman. Préface à Pierre et Jean », Préfaces des romans français du XIXᵉ

siècle, op.cit., p. 370.

176 Ibid., p. 372. 177 Ibid., p. 370.

histoire totale » procédant par repérage des « phénomènes qui s’enracinent dans l’épaisseur du vécu et de la durée d’un peuple179 ». C’est l’un des rôles dévolus à la sociocritique qui cherche à rendre compte du rapport du texte à la société. Son postulat original, qui la différencie de toutes les autres approches est, rappelons-le, celui de l’inscription dans le texte d’une référence à toute une série d’éléments intertextuels et discursifs. Ainsi, Stéphane Vachon et Isabelle Tournier avancent-ils que les textes littéraires sont chargés « […] d’une existence sociale par ces attitudes qui appartiennent à l’ordre des visions du monde, de l’imaginaire collectif, des idéologies, des mentalités de groupes, etc.180 ».

En remettant dans leur contexte les discours sociaux, nous pouvons dire que le romancier réécrit l’Histoire. Mais son travail va au-delà de celui de l’historien qui se limite à rapporter les évènements tels qu’ils se sont déroulés. Le romancier surpasse le discours de l’historien en mettant à distance son objet d’étude qui est l’Histoire. C’est pour cela qu’Henri Mitterand prévient les historiens, qui se servent du roman dans leurs recherches sur la société contemporaine, de traiter ce document avec « d’infinies précautions », car c’est un texte qui « ne se limite pas à exprimer un sens déjà là; par le travail de l’écriture, il produit un autre sens, il réfracte et transforme, tout à la fois, le discours social181 ». Comme le soutient Henri Mitterand, le roman déforme le réel sur les plans sémantique et narratif en créant l’illusion de la réalité :

Le roman est un système de signes historiques dont aucun ne peut être étudié ni décrypté isolément, comme un ensemble de réseaux corrélatifs qui ne signifie l’histoire que par sa globalité même. […] [Le romancier] propose à son lecteur, d’un même mouvement, le plaisir du récit de fiction, et, tantôt de manière explicite, tantôt de manière implicite, un discours sur le monde182.

Cela signifie que le discours du romancier diffère du discours de l’historien qui explique le passé et le démystifie afin de bien le restituer le plus fidèlement possible dans un enchaînement rétrospectif. Le romancier, quant à lui, écrit « pour imaginer un vécu, le recréer à partir d’un réel transposé dans une œuvre qui traduit les préoccupations et les obsessions à la source de sa

179 Henri Mitterand, Le discours du roman, Paris : Presses universitaires de France, 1980, p. 8.

180 Stéphane Vachon et Isabelle Tournier, « Sociocritique : bibliographie historique », Ruth Amossy et al. (dir.), La

Politique du texte : enjeux sociocritiques, op.cit., p. 250.

181 Henri Mitterand, Le discours du roman, op.cit., p. 6 et 7. 182 Ibid., p. 5.

vision du monde et de la vie183 ». Milan Kundera partage le même point de vue à ce sujet en écrivant que « le roman n’examine pas la réalité, mais l’existence184 ». Jacques-Stephen Alexis est très explicite à ce propos quand il définit l’art du roman :

[…] l’art du roman consiste à découvrir toujours plus profondément la vie et l’offrir à l’homme sous une forme artistique actualisée, circonstanciée et individualisée afin de réveiller en lui tous les échos de son expérience de la beauté de la nature et du réel, tous les plaisirs, toutes les satisfactions, toutes les joies, toutes les duretés, toutes les luttes, tous les drames, toutes les merveilles de l’existence. Double abstraction donc, sublimation des diverses expériences des impressions et des idées ressenties par l’artiste et leur projection dans une œuvre qui grâce à mille biais formels suggère à l’esprit humain toutes les irisations du vécu185.

Cet extrait montre que le discours romanesque ne montre pas la photographie banale de la vie, mais il en donne une vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même. Le romancier n’est pas tenu de respecter la rigueur scientifique de l’historien. Son rôle ne consiste pas en un examen de la réalité, mais en une confrontation de plusieurs voix et points de vue aussi contradictoires soient-ils.

Il y a, dans un texte romanesque, ce que les mots disent et ce à quoi ils renvoient. Le travail de l’écrivain est lié à l’expérience du langage qu’il transcrit dans son œuvre tout en usant d’un code linguistique qui exige du lecteur une certaine clé pour décoder le sens du discours. Dans le roman, le « vocabulaire devient inadéquat, aucun mot ne correspond plus à la complexe et fugace réalité, aucun mot ne garde sa signification privilégiée qui lui donne l’unicité, l’efficience ou la beauté à moins que le mot ne dénote le confus, le vague, le vide, le non-sens, l’anti-mot, le pré-mot, le non-mot, l’a-mot, les maux186 ». Le lecteur doit trouver la clé pour déchiffrer le texte dont la structure est constituée par des techniques d’écriture de l’auteur.

183 Charlotte Wardi, Le génocide dans la fiction romanesque : histoire et représentation, Paris : Presses

universitaires de France, 1986, p. 16-17.

184 Milan Kundera, L’art du roman, op.cit., p. 57.

185 Jacques Stephen Alexis, « Où va le roman ? », Présence africaine, op.cit., 96.

186 Giu Nguyen Cung est un écrivain francophone vietnamien et une des grandes figures de la littérature

vietnamienne d’expression française. Notre référence se retrouve dans son immense roman Le Boujoum (656 p.), Dallas-Texas : Cunggiunguyen Center Publications, 2002, p. 12.

Par l’instance d’énonciation, le romancier tente de donner à ses personnages une « vie factice créée par les mots organisés d’une certaine façon, mais sans laquelle les péripéties événementielles ou psychologiques du roman ne seraient créditées d’aucune ‘‘réalité’’187 ». De cette façon, le texte romanesque remplit deux fonctions : la fonction de représentation permettant de lire le roman en tenant compte de sa dimension idéologique et la fonction de matériau-signifiant ou poétique présentant le texte romanesque comme un document capable de créer son propre univers au lieu d’être un miroir du vraisemblable. Cette dernière fonction tient compte du pouvoir créatif du romancier qui manipule à son gré les mots de la langue pour être original. Et c’est là où se manifeste l’activité du critique littéraire qui doit essayer de comprendre la complexité du langage littéraire qui est, au dire d’Henri Mitterand, « révolutionnaire par le fait même que son engendrement infini met au défi l’institution critique188 ».

Le discours romanesque apparaît donc riche de significations. Pour l’analyser, il faut tenir compte des conditions sociohistoriques qui ont présidé à sa genèse. Ainsi, Henri Mitterand affirme que « rien n’est neutre dans le roman. Tout se rapporte à un logos collectif, tout relève de l’affrontement d’idées qui caractérisent le paysage intellectuel d’une époque189 ». Le discours du roman absorbe les discours ambiants et devient polyphonique par le fait que toute société tient sur elle-même une multiplicité de discours sociaux. Ces discours puisent la matière dans les idées en vogue à un moment précis de l’histoire, coexistent, interfèrent, et forment dans un état de société, un système composé, interactif.

1.4.2. L’écriture romanesque

Pour bien aborder les discours et idéologies dominants mis en œuvre dans les romans d’Ahmadou Kourouma, nous prendrons en considération les éléments qui encadrent le texte romanesque, à savoir, le début et la fin d’une œuvre qui sont des points stratégiques du texte littéraire et, « du point de vue de l’unité de forme, sont le commencement et la fin d’une

187 Michel Ballabriga, Sémiotique du surréalisme : André Breton ou la cohérence, Toulouse : Presses universitaires

du Mirail, 1995, p. 92.

188 Henri Mitterand, Le discours du roman, op.cit., p. 9. 189 Ibid., p. 16.

activité190 ». En voulant analyser ces points clés du texte littéraire, nous fondons notre raisonnement sur cette idée de Guy Larroux :

Il y a probablement un travail intéressant à mener sur les premières et dernières phrases d’un texte, sur les phrases clausulaires, en position incipielle aussi bien que terminale, de chaque partie ou chapitre, non seulement en tant qu’elles peuvent témoigner d’une intention spéciale, mais aussi parce qu’elles entretiennent souvent des effets de cohérence structurale et compositionnelle191.

C’est dans cette voie tracée par Larroux que nous menons notre réflexion sur les incipits et les explicits des romans d’Ahmadou Kourouma. Notre choix de travailler sur ces deux éléments est aussi guidé par la réflexion très éclairante d’Italo Calvino qui avance qu’« étudier les zones de frontière de l’œuvre littéraire, c’est observer les modalités dans lesquelles l’opération littéraire comporte des réflexions qui vont au-delà de la littérature, mais que seule la littérature peut exprimer192 ». Le début et la fin d’un texte littéraire sont des espaces qui « constituent les lieux textuels privilégiés de concentration d’ironie, du pastiche, des effets intertextuels, de l’appel au lecteur, de la métalepse. […] [Ils] ne sont au fond que le royaume des apparences et des faux- semblants, où se scelle un pacte de lecture qui, dans le genre romanesque, oblige le lecteur à faire semblant de croire que tout est vrai193 ». Ils sont des lieux où se concentre un discours réflexif qui présente les codes de l’œuvre littéraire et représentent les frontières de l’espace fictionnel. De l’autre, nous étudierons le rôle joué par les personnages pour faire référence à la société et aux différents discours qu’elle véhicule.

1.4.2.1. L’incipit romanesque

Le mot incipit est emprunté au latin et signifie « commencer ». L’incipit romanesque constitue le premier contact entre le texte et le lecteur. Il désigne les premiers mots d’un texte, d’un livre sans les limiter à la première phrase. Il peut être considéré comme un moment de passage du silence à la parole. L’incipit présente ainsi les premières phrases, les premiers

190 Mikhaïl Bakhtine, Esthétique et théorie du roman, op.cit., p. 76.

191 Guy Larroux, Le mot de la fin. La clôture romanesque en question, Paris : Éditions Nathan, 1995, p. 47. 192 Italo Calvino, « Commencer et finir », appendice aux Leçons américaines, dans Défis aux labyrinthes, Paris :

Seuil, 2003, t. II, p. 106.

193 Andrea Del Lungo, « En commençant et en finissant. Pour une herméneutique des frontières », Andrea Del

paragraphes remplissant « une fonction majeure dans la mise en roman qui doit tout mettre en œuvre pour réussir son entrée. Toute première phrase engage une écriture et, conjointement, une lecture194 ». Il agit sur la pensée et les sens, stimule l’imagination du lecteur. L’écrivain tente de tirer la fiction à venir du néant et d’attirer l’attention du lecteur en suscitant un intérêt qu’il conviendra de maintenir vivace. L’ouverture qui constitue, selon Andrea Del Lungo, « une série de passages stratégiques qui se réalisent entre le paratexte et le texte, à partir de l’élément le plus extérieur, le titre195 », doit présenter les principaux éléments à partir desquels la fiction va s’édifier. Parmi ces éléments, Ahmadou Kourouma retient l’état des sociétés africaines aux