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Le diplôme : une clef de la féminisation des professions très qualifiées

Diplôme et métiers scientifiques et techniques : un lien plus étroit pour

2. Le diplôme : une clef de la féminisation des professions très qualifiées

L’accès des femmes aux diplômes les plus élevés de l’enseignement supérieur a fait sauter un verrou essentiel de leur accès aux professions supérieures (Marry, 1997). La première ouverture fut celle de la profession d’enseignante agrégée de lycée dans le dernier quart du 19ème siècle, grâce à la création des Ecoles normales supérieures de jeunes filles de Sèvres et de Fontenay, en 1882 et 1884. Vinrent ensuite la médecine (dès la fin du 19ème) puis les professions du droit (avocates, magistrates) au début du 20ème siècle9, à l’issue de débats houleux (Boigeol, 1996). Les professions d’expertise et d’encadrement dans les entreprises privées – dans les fonctions d’ingénieurs plus encore que dans les fonctions administratives et commerciales – ont résisté plus longtemps et résistent toujours à une vraie mixité. Les premières grandes écoles d’ingénieurs n’ont ouvert leurs portes à quelques femmes qu’en 191710. L’Ecole Polytechnique Féminine créée à Paris par une femme ingénieur11, Marie-Louise Paris, en 1925 (Grelon, 1992) joua longtemps un rôle essentiel dans la formation et l’insertion des jeunes femmes ingénieurs. Ce n’est qu’à partir des années 1970 qu’elle fut supplantée par les écoles mixtes et par les plus grandes écoles, enfin ouvertes aux filles12.

9 Les pionnières en France furent souvent des étrangères. Une anglaise, Miss Garett est la première femme en France à obtenir un doctorat de médecine en 1870 à Paris. La première française est Madame Brès qui soutient sa thèse en 1875. Louis Amélie Leblois est la première femme à conquérir ce grade en sciences naturelles en 1888. Le premier doctorat en sciences physiques est obtenu par Marie Curie en 1902. La première doctoresse en droit est une roumaine, Sarmizca Bilcesu, en 1890 suivie de la française, Jeanne Chauvin, en 1892. Cette dernière ne parviendra à s’inscrire au Barreau de Paris que le 1er décembre 1900 après trois ans de lutte et l’appui d’un ministre socialiste, Viviani qui fit voter la loi autorisant les femmes à exercer la profession d’avocat en 1899 (Christen-Lecuyer, 2000, p. 46 et 47).

10 L’Ecole Supérieure d’Electricité, l’Ecole Centrale, L’Ecole Supérieure de Physique et Chimie Industrielle de Paris et l’Institut National d’Agronomie de Paris ont voté l’acceptation de jeunes filles comme élèves à part entière (et non comme simples auditrices) en 1917, l’Ecole Supérieure d’Aéronautique et de l’Espace quelques années plus tard (en 1924)

11 Diplômée de l’Institut d’Electrotechnique de Grenoble

12 En 1962 pour l’Ecole des Ponts et Chaussées, 1969 pour l’école des Mines, 1972 pour l’Ecole Polytechnique.

Féminisation de quelques professions 1975-2001

Un autre frein à la féminisation des professions « scientifiques et techniques » d’entreprise réside dans le rôle moins exclusif d’un diplôme reconnu par l’Etat pour leur exercice. A la différence des professions libérales et de l’enseignement, les techniciens ou ingénieurs et cadres techniques peuvent accéder à leur catégorie par promotion à partir d’une expérience professionnelle (et souvent des formations complémentaires) comme ouvriers qualifiés pour les premiers, comme techniciens ou agents de maîtrise pour les seconds. Cet accès coexiste depuis longtemps avec l’accès direct de débutants diplômés. Or cette voie est plus fermée aux femmes, largement absentes nous l’avons vu de cet espace de qualifications industrielles.

Les diplômés des écoles d’ingénieurs sont les seuls dont le titre est protégé par une loi (de 1934) mais l’appellation du poste ne l’est pas. Les conventions collectives garantissent l’accès de ces diplômés à la catégorie de cadre débutant. 70% des ingénieurs diplômés d’une école d’ingénieur en 1992 occupent un emploi « d’ingénieur et cadre technique » en 1997 et 90% d’entre eux sont cadres.

Les femmes sont un peu moins souvent cadres (81%) et un peu plus souvent dans la fonction publique (15% contre 10% des hommes) (Epiphane, 2001).

Mais les diplômés d’une école d’ingénieur ne représentent que 37% des « ingénieurs et cadres techniques » d’entreprise en l’an 2000. 20% de ces ingénieurs en activité sont titulaires d’un diplôme de 2ème ou 3ème cycle de l’université, 19% d’un BTS ou d’un DUT, 11% d’un Bac technique ou brevet professionnel, 13% d’un CAP ou BEP. En 1982, cette proportion de cadres techniques sans diplôme universitaire long, souvent qualifiés d’« autodidactes » ou d’« ingénieurs maison », atteignait 54%13. L’essentiel de la hausse des certifications supérieures est imputable aux diplômes universitaires professionnalisés – maîtrises de sciences et techniques, DEA et DESS, créés ou développés dans les années 1980-90. Ces diplômés ont été recrutés pour l’essentiel dans des emplois d’ingénieurs d’études et de recherche (en particulier en informatique) dont la progression a été plus rapide que celle des emplois de fabrication (Martinelli, 1996).

L’ensemble de ces évolutions a été favorable aux femmes et ces dernières ont contribué à les alimenter. Mais si elles restent globalement plus diplômées que les hommes en 2000 quand elles sont « ingénieurs et cadres techniques » elles sont moins souvent titulaires d’un diplôme d’une école d’ingénieur (34% contre 38%) et plus souvent diplômées d’un 2ème ou 3ème cycle de l’université (37%

versus 17%). Ces différences perdurent chez les moins de trente ans (graphique 2).

13 11% au niveau BTS et DUT, 14% au niveau Bac, 29% au niveau CAP ou BEP.

Graphique 2

2ème/3ème cycles DEUG, BTS, DUT Bac Brevets, CAP, sans diplôme Diplômes des ingénieurs et cadres techniques en 2000 (hommes et femmes)

Hommes

Grande école 2ème, 3ème cycle DEUG, BTS, DUT Bac et moins

Diplômes des ingénieurs et cadres techniques de moins de 30 ans en 2000 (hommes et femmes)

Hommes Femmes

Et les diplômées ingénieurs qui exercent ce métier en 2001, soit 14 % de l’ensemble de cette population enquêtée par le CNISF14, sont moins souvent issues d’écoles recrutant sur concours à l’issue de classes préparatoires. Or le passage par ces écoles confère un avantage salarial notable qui se creuse au cours de la carrière (Roux, 2001).

La voie de mobilité des techniciens au ingénieurs s’ouvre enfin mais elle reste limitée dans son ampleur : la féminisation des formations industrielles de type BTS et DUT comme celle de la catégorie des techniciens est encore plus lente que celle des études et du métier d’ingénieur (cf.

graphique 2).