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4.2 Principes de l’évaluation des pratiques

4.2.1 Dimensions d’évaluation

La finalité de l’évaluation est d’améliorer la qualité des soins. Une évaluation est donc justifiée si elle porte sur des dimensions qui conditionnent ou reflètent la qualité des soins. Les modalités d’évaluation les plus classiques portent sur les pra-tiques ou les résultats. Cependant, ces deux dimensions ne sont pas limitatives, elles

4. Bien que l’accent placé sur l’étude randomisée contrôlée par Cochrane dans Effectiveness and Efficiency soit réel, s’y arrêter ne rend pas justice à la subtilité de l’analyse du système de santé faite dans l’ouvrage. L’étude randomisée contrôlée est en effet décrite comme le meilleur moyen de juger de l’efficacité d’une intervention médicale, mais Cochrane (1972, p. 2) reconnaît le caractère artificiel des conditions de réalisation de ces études et demande que les interventions soient également évaluées en conditions réelles. Cette dichotomie explique le titre de l’ouvrage, Cochrane utilise effectiveness pour l’évaluation en conditions contrôlées et efficiency en conditions réelles. Un glissement terminologique a eu lieu entre-temps : le premier niveau est aujourd’hui dénommé efficacy et le second effectiveness. Le terme efficiency désigne désormais la mise en balance des résultats avec les ressources utilisées, évaluation que Cochrane jugeait hors de portée à son époque.

peuvent être considérées de nombreux points de vue différents et parfois concur-rents, et enfin elles se heurtent à des difficultés considérables de mise en œuvre concrète (Department of Clinical Epidemiology and Biostatistics, Health Sciences Centre, McMaster University, 1984; Donabedian, 1988).

Organisation des soins

L’organisation des soins concerne les ressources (personnel et équipements) dis-ponibles pour prendre en charge les patients et peut s’envisager à plusieurs niveaux d’intégration : de l’unité de soins à celui du système global de santé en passant par les filières de soins. L’évaluation s’attache à l’adéquation des ressources par rap-port aux besoins – densité de professionnels de santé, modernité des équipements, utilisation des technologies de l’information et de la communication – et à leur gou-vernance. L’accès équitable aux services de santé est également envisagé dans ce cadre. Les dispositifs en place pour assurer la coordination et la continuité des soins entrent aussi dans l’organisation, alors que la façon dont ils sont utilisés entre plutôt dans le cadre de l’évaluation des pratiques. Le dossier patient et l’observation mé-dicale sont des objets d’évaluation de l’organisation des soins. L’organisation des soins définit en effet un potentiel, comme l’existence d’un dossier patient informa-tisé, qui s’actualise ensuite ou non en fonction de l’utilisation qui en est faite. La force du lien entre l’organisation et la qualité des pratiques ou leur succès est mal connue mais probablement assez faible, tant que l’organisation ne fait pas obstacle aux soins.

Pratiques de soins

Les pratiques correspondent à ce qui est effectivement réalisé durant la prise en charge des malades. Elles concernent les décisions prises en colloque singulier entre le malade et un soignant, mais aussi la coordination des soins et la façon dont se déroule en pratique le parcours du patient, d’un soignant au suivant, d’une struc-ture à l’autre. Selon Donabedian (1988), la qualité des décision prises à l’échelon individuel comporte deux aspects. Le premier relève de la connaissance des bonnes pratiques par le médecin et de sa capacité à les appliquer de manière judicieuse dans les situations concrètes. Le deuxième correspond à la qualité de la communi-cation avec le malade, pour les échanges d’information et pour la création du lien interpersonnel.

de données pour l’évaluation des pratiques. L’obstacle principal à l’évaluation des pratiques réside dans la difficulté de définir de façon indiscutable une référence de prise en charge indiscutable pour une situation clinique donnée. Dans beaucoup de situations courantes, les pratiques idéales ne sont pas établies ou seulement avec un faible niveau de preuve. Même dans les situations où les pratiques idéales sont établies avec un bon niveau de preuve, il existe toujours des cas où il est justifié de déroger à la règle.

Les bonnes pratiques sont définies par leur association statistique avec de bons résultats. Cependant, de bonnes pratiques ne sont ni nécessaires ni suffisantes à l’obtention de bons résultats à l’échelon des prises en charge individuelles. De plus, des pratiques conduisant à de bons résultats obtenus dans les conditions idéales de la recherche clinique ne se traduisent pas toujours par de bons résultats en pratique courante. Enfin, des pratiques conduisant à de bons résultats jugés sur un critère (mortalité par exemple) peuvent être associés à de mauvais résultats jugés sur un autre critère (satisfaction du patient par exemple).

Les filières de soins neurovasculaires illustrent ces deux points. Elles garan-tissent une grande réactivité permettant de raccourcir le temps entre l’apparition des symptômes et la prise en charge thérapeutique. Par ailleurs, elles permettent de coordonner la prise en charge après la phase initiale suivant un chemin clinique formalisé. Elles ont donc été promues comme moyen de rationalisation et standar-disation de la prise en charge des patients hospitalisés pour un accident vasculaire cérébral. Une revue systématique a pu montrer qu’elles améliorent effectivement la conformité de la prise en charge aux recommandations, elles mêmes fondées sur des données probantes (Kwan, 2007). Cependant, la revue systématique montre aussi que l’effet global sur les résultats est incertain et qu’elles sont associées à une dégradation de la satisfaction et la qualité de vie des malades.

L’évaluation de la qualité des soins doit porter, dans la mesure du possible, sur des indicateurs reflétant le plus fidèlement possible un bénéfice direct observé en pratique courante pour une catégorie de patients bien définie. En l’absence de tels indicateurs, une évaluation concomitante des résultats permet de faire avancer la compréhension des meilleures modalités de prise en charge.

Résultats des soins

Les résultats des soins correspondent à l’effet observable des soins – organisa-tion et pratiques – sur la santé, le bien-être et la satisfacorganisa-tion des individus et des

populations. Ils peuvent s’estimer de nombreuses façons complémentaires et par-fois discordantes : mortalité, morbidité, retentissement socioprofessionnel des pro-blèmes de santé (handicap), qualité de vie, comportement du patient (hygiène de vie générale, adhésion au projet de prise en charge), satisfaction du patient. Ici encore, le dossier du patient et l’observation médicale sont une source incontournable de données.

L’évaluation des résultats a comme avantage de s’intéresser directement au pro-duit final des soins, mais comme inconvénient que cette issue n’est pas seulement déterminé par la qualité des soins. Autrement dit, des différences de résultats ne témoignent pas nécessairement d’une différence dans la qualité des soins, mais par exemple (Lilford et al., 2004) : de formes cliniques plus ou moins graves de la ma-ladie ; de patients plus ou moins vulnérables ; d’éléments contextuels qui rendent les patients plus ou moins faciles à prendre en charge (investigations diagnostiques, interventions thérapeutiques) ; de patients observant plus ou moins scrupuleusement les préconisations des médecins.

Donabedian (1988) note une certaine circularité dans les arguments qui visent à promouvoir l’évaluation des résultats plutôt que celle des pratiques, au motifs qu’il est difficile d’établir l’impact réel des pratiques. Or, si on veut pouvoir attribuer des résultats à la qualité des soins – structure ou pratiques – il est nécessaire d’avoir une évaluation valide de leur impact. Pour reprendre les termes de Donabedian, la vali-dité de l’évaluation des pratiques et celle de l’évaluation des résultats dépendent de la validité des résultats de la recherche qui établissent le lien entre les deux. En pra-tique, Donabedian (1988) propose de réaliser des évaluations couplées des pratiques et des résultats, car les résultats de la recherche clinique qui font leur couplage ont été obtenus dans un contexte de soins artificiel. Il n’est donc pas certain qu’il s’ap-pliquent en contexte réel. Cependant, dès lors que le lien entre pratiques et résultats est établi, on peut s’en tenir à l’évaluation des pratiques car celle des résultats est compliquée. En effet, elle demande un nombre de patients et souvent une durée de suivi importantes pour mettre en évidence l’effet spécifique de la qualité de prise en charge.

Consommation des ressources

Les considérations de santé publique conduisent à envisager trois niveaux d’éva-luation des résultats (Canadian Task Force on the Periodic Health Examination, 1979) :

« Efficacy: the attribute of an intervention or maneuver that results in more good than harm to those who accept and comply with the intervention and subsequent treatment. « Effectiveness: the attribute of an intervention or maneuver that results in more good than

harm to those to whom it is offered.

« Efficiency: the attribute of an effective intervention or maneuver when it is made avail-able to those who can benefit from it with optimal use of resources. »

Autrement dit, les résultats peuvent être évalués – par ordre croissant de pertinence en termes de santé publique – dans les conditions idéales de la recherche clinique, dans les conditions réelles de la pratique courante, ou enfin en confrontation aux ressources qui ont du être consommées pour les obtenir.