• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL

2.4 Dimensions conceptuelles

Dans cette partie, nous présentons les quatre dimensions conceptuelles qui ressortent du chapitre théorique. Ces dimensions nous orientent vers l’opérationnalisation du cadre conceptuel, voire vers les stratégies d’analyse des résultats qui seront présentées dans le chapitre méthodologique. D’abord, rappelons notre question de recherche principale :

 Comment les jeunes adultes montréalais issus de l’immigration donnent-ils sens à leurs parcours d’orientation linguistique postsecondaire et professionnelle ?

 Quelles sont les dimensions sociales qui interviennent plus particulièrement dans leur parcours linguistique postsecondaire et professionnel ? Comment, en négociant ces

dimensions, ces jeunes adultes construisent-ils leur expérience d’orientation linguistique postsecondaire et professionnelle ?

 Comment la négociation des frontières « majoritaires/minoritaires » s’articule-elle à leur parcours d’orientation linguistique postsecondaire et professionnelle ?

Les expériences d’orientation constituent un processus central des parcours de vie des jeunes adultes issus de l’immigration. Au fil des parcours de vie réversibles et non linéaires qui peuvent être marqués par des bifurcations et des allers-retours, les jeunes adultes s’orientent et se réorientent de façon continue. Pour que les expériences d’orientation linguistique se concrétisent, le jeune adulte doit faire face aux déterminations familiales, scolaires et sociales. Aussi, nous nous intéressons aux expériences d’orientation linguistique postsecondaire et professionnelle au fil des parcours de vie non linéaires marqués par les frontières « majoritaires/minoritaires ». Pour construire leurs expériences d’orientations, les jeunes adultes empruntent des logiques d’action qui sous-tendent les logiques sociales de leur société d’accueil. Le processus de construction de l’expérience d’orientation linguistique peut se dérouler dans différents contextes scolaires et extrascolaires.

Ainsi, le parcours d’orientation se définit autour de quatre dimensions : « les déterminations sociales négociées par l’acteur », « les relations sociales négociées par l’acteur », « la multiplicité des contextes d’expérience » et une quatrième dimension qui assure la dynamique entre ces trois derniers, voire « une articulation entre diverses temporalités, passées, présentes et futures ». Ces dimensions permettent de repérer sous un angle interprétatif les logiques d’orientation linguistique empruntées par les acteurs, ainsi que le sens subjectif qu’ils

attribuent à leur parcours d’orientation constitué de plusieurs expériences. Ces quatre dimensions sont définies dans les prochaines sections.

2.4.1 Déterminations sociales négociées par l’acteur

Cette dimension permet de focaliser l’analyse sur le travail de négociation de l’acteur quant aux déterminations sociales afin de construire ses expériences d’orientations linguistiques postsecondaires et professionnelles. Les expériences humaines ne sont « ni le produit d’une pure intériorité, ni l’effet d’un contexte extérieur à l’être humain, elles sont le fruit des relations d’interdépendance passées et présentes qui sont exercées et continuent à s’exercer sur lui » (Lahire, 2013, p. 41). Ainsi, cet acteur « pluriel » est lui-même « le produit de l’expérience des contextes sociaux multiples et hétérogènes » (Lahire, 2005, p. 42). Or, les conditions sociales qui régissent les expériences sociales peuvent être différentes d’un acteur à l’autre. Cette dimension fournit ainsi les dimensions microsociologiques et macrosociologiques à partir desquelles les acteurs sociaux construisent leurs expériences de vie (Lahire, 2013) en leur attribuant un sens subjectif (Becker, 1974). Ces dimensions peuvent refléter les caractéristiques individuelles et familiales (au niveau micro) ou les caractéristiques des systèmes éducatifs et des groupes ethniques (au niveau macro). Rappelons que, dans le chapitre de la problématique, nous avons abordé les limites des angles d’interprétation souvent unidimensionnelles des études portant sur l’accès aux études postsecondaires et à l’emploi; une approche qui rend moins compte de l’interdépendance des facteurs microsociologiques et macrosociologiques. Or, c’est dans les « plis singuliers du social » que le macro et le micro s’expliquent réciproquement. (Lahire, 2013). Ainsi, dans notre thèse, nous mettons l’accent

sur l’interdépendance entre ces facteurs. Il s’agit donc de comprendre comment les jeunes négocient leur marge de manœuvre dans un espace social structuré par des déterminations sociales, autant macrosociologiques que microsociologiques. Cette dimension permet de saisir comment et à quel degré les pratiques de négociation des jeunes adultes peuvent être limitées par les contraintes sociales au niveau micro et macro. La prise en compte du travail de négociation des jeunes adultes sur les dimensions microsociologique et macrosociologique nous oriente vers les types variés d’expériences d’orientation qui se construisent autour les logiques d’action que les jeunes adultes empruntent. Le concept de logique d’action en tant que concept théorique permet de creuser différents types d’expérience humaine (Becker, 2008; Pilote, 2005), telles que la performance scolaire, l’interaction sociale, la construction identitaire ou, dans le cadre de notre étude, l’expérience d’orientation. Ainsi, nous pouvons déceler les logiques d’action, voire les logiques d’orientation variées qu’empruntent les acteurs sociaux face aux conditions sociales et relations sociales qui structurent leurs expériences (Lahire, 2013).

2.4.2 Relations sociales négociées par l’acteur

Cette dimension nous oriente vers le travail de négociation des frontières « majoritaires/minoritaires » par l’acteur social dans le réseau complexe de relations qu’il établit à la fois avec les structures de pouvoir de la société d’accueil et les interactions avec le groupe majoritaire (Lamont et Monlnár, 2002; Liu et Emirbayer, 2016). Par les interactions avec le groupe majoritaire, nous entendons les représentations que les acteurs se font de leur vécu d’interactions avec le groupe majoritaire. Le vécu d’interactions des acteurs nous sert

plutôt de dimension d’analyse et non pas d’objet de recherche en spécifique. Cette dimension repère ainsi différentes caractéristiques de frontières qui ressortent du travail de négociation de l’acteur, en lien avec son expérience d’orientation linguistiques postsecondaire et professionnelle. Cela permettra également la prise en compte du rôle des rapports de pouvoir dans le sens subjectif qu’attribue l’acteur à l’ensemble de ses expériences (Blumer, 1958), voire à ses parcours d’orientation. Cette dimension permet de saisir comment les jeunes adultes, en tant que minoritaires, négocient leurs relations sociales avec les Québécois francophones du groupe majoritaire tout au long de leur parcours d’orientation.

2.4.3 Multiplicité des contextes d’expérience

Selon notre approche relationnelle, les expériences d’orientations linguistiques postsecondaires et professionnelles constitutives des parcours de vie se construisent au sein de différentes sphères sociales qui sont, à leur tour, en interdépendance (Lahire, 2013) : famille, école et société. Ainsi, pour comprendre le processus de construction des expériences d’orientation, nous prenons en compte les expériences scolaires et aussi extrascolaires des acteurs sociaux. Cela rend compte du rôle d’évènements survenus dans différents contextes sur les parcours d’orientation (Doray, 2011). Cette dimension contextuelle permet davantage la prise en compte du travail de négociation de l’acteur des déterminations sociales et des relations sociales variées qui jalonnent ses expériences postsecondaires et professionnelles.

2.4.4 Trame temporelle non linéaire

Cette quatrième dimension appréhende la dynamique entre les trois dimensions précédentes, voire « les déterminations sociales négociées par l’acteur », « les relations sociales négociées par l’acteur » et « la multiplicité des contextes d’expérience ». En d’autres mots, dans chacune de ces dimensions des parcours scolaires, les acteurs sociaux (élèves, étudiants) mettent en œuvre des logiques d’action, et ce, dans une longue temporalité qui révèle des bifurcations et des réorientations. Le passé, le présent et le futur s’articulent dans la construction des parcours scolaires. Ainsi, comprendre un parcours d’orientation, en tenant compte de son passé, de son présent et de son futur anticipé, permet d’appréhender au fil du temps « les déterminations sociales négociées par l’acteur » et « les relations sociales négociées par l’acteur » dans « leurs multiples contextes d’action ». Comprendre un parcours d’orientation dans son présent évoque le moment de confrontation des expériences antérieures avec les contraintes du présent et du futur anticipé, ce qui donne place à des bifurcations ou réorientations. Comprendre un parcours d’orientation dans son futur anticipé tient compte du lien existant entre la lecture anticipée des individus, des normes des systèmes éducatifs (école) et productifs (marché du travail) en termes de choix d’orientation linguistique postsecondaire et professionnelle.