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I - DIMENSION SPATIALE DE LA VIE SOCIALE : L'ESPACE COMME MEDIATEUR ET INSTRUMENT

comme grille de lectureL'espace

I - DIMENSION SPATIALE DE LA VIE SOCIALE : L'ESPACE COMME MEDIATEUR ET INSTRUMENT

Depuis quelques années, les médiations entre l'espace et la société ont fait l'objet d'une recrudescence d'intérêt. En effet, amplement posé comme neutre et passive, la dimension spatiale fait actuellement l'objet d'une réévaluation théorique (Lefebvre. H, 1974 ; Foucault. M, 1977 ; Guiddens. A, 1987) de laquelle s'est dégagé un consensus à l'effet d'inclure l'espace comme partie intégrante de la théorie sociale. Principalement, le débat théorique en sociologie sur le statut de l'espace et de son articulation avec le fait sociétal a porté sur l'importance de ce concept au niveau de la production et de la reproduction des rapports sociaux, dont l'organisation spatiale fait partie intégrante. A cet effet, Raymond Ledrut (1990) certifia que " Étudier ce qu'est l'espace d'une société, c'est donc en un sens étudier toute sa culture puisque les rapports à l'espace ne peuvent être saisis qu'à travers l'analyse des pratiques et des représentations qui forment la vie même d'une société".

De même, Henri Lefebvre (1974) a pensé l'espace social dans sa spécificité à une société, où il remarqua que " Chaque époque produit son propre espace... L'espace social contient, en leur assignant des lieux appropriés (plus ou moins) les rapports sociaux de reproduction, à savoir les rapports biophysiologiques entre les sexes, les âges, avec l'organisation spécifiée de la famille et les rapports de production, à savoir la division du travail et son organisation, donc les fonctions sociales hiérarchisées". L'espace a subséquemment changé de cap, d'un réceptacle non susceptible de fournir une quelconque explication à la réalité sociale, il est devenu un produit social à part entière (Alvarangs et Mallcheff 1985).

Dans ce même ordre d'idées, Pierre Bourdieu (1993) atteste qu'il n'y a pas d'espace, dans une société hiérarchisée qui ne soit pas hiérarchisé et qui "n'exprime les hiérarchies et les distances sociales". L'espace devient alors médiateur et instrument. Henri Lefebvre (1974) illustre parfaitement le poids de l'épreuve de l'espace en affirmant qu'un groupe ,une classe ou une fraction de classe , ne se reconnaissent comme "sujet" qu'en engendrant un espace, les idées, les valeurs qui ne parviennent pas à s'inscrire dans l'espace se tarissent et se perdent . Ce qui avait conduit, plus tard, à la naissance d'un nouveau concept de "Classe socio-spatiale" pour définir un groupe s'exprimant par une appartenance spatiale (Reynaud, 1981). L'habitat sera entendu par conséquent comme l'avait définit Bourdieu (1960) la projection fondamentales de la culture.

I.1 - DIMENSION SPATIALE DU DOMESTIQUE : UN PUR CONTENANT ? Bien qu'au cœur des préoccupations des architectes, l'étude de la dimension spatiale demeure encore un chantier en cours (Staszak. J-F, 2004) tant qu'elle n'est prise que dans une optique pragmatique qui prend peu en compte ce que fond les habitants des espaces qui leur ont été construits. Cette habitude à réduire l'espace domestique à un simple lieu de refuge, à des configurations architecturales dénuées de toutes connotations sociales et contextuelles dépourvu de ses codes et symboles, remonte bien au cœur du Mouvement moderne à "la machine à habiter" de Le-Corbusier, au triomphe du fonctionnalisme qui mettait en scène un homme aux besoins universels. L'architecture domestique ne faisait alors gloire qu'à l'aspect esthétique et formel où toute trace humaine était absente.

Cette vision stérilisante réduisant l'espace domestique à un simple contenant était non seulement à "la mode", mais aussi agrée et revendiquée, d'autant plus que la première moitié du siècle voyait une similitude d'expression entre l'architecture et sa décennie encouragée par une véritable relance dans le bâtiment due à la prévalence de la conception d'une architecture de nécessité (Sharp. D, 1975). Ce silence des formes s'était accompagné d'un constat d'une dégradation de l'environnement urbain et naturel et celui du tumulte entre l'usager et son environnement.

L'espace domestique, à cette époque, comme simple configuration physique n'avait plus sa place confortable dans un schéma de l'évolution ; des questionnements autour des comportements des occupants et leur réception des habitations dans la vie quotidienne deviennent légitimes. Pour remédier à cette situation anarchique, les regards se sont retournés vers une recommandation d'accompagnement de l'architecture et les sciences humaines notamment la psychologie susceptible d'informer sur les effets de la lumière, de la couleur et des formes, sur les usagers comme sur les souhaits en matière de cadre bâti (Segaud. M, 2007). Depuis le dernier quart du siècle précédent, une meilleur prise de conscience, parmi les architectes, du contexte social de leur œuvre, commence donc à se manifester et enfin le souci de synthétiser ce que Nervi appelait les "sentiments caractéristiques de notre temps" en des "formes valables pour chacun". L'espace domestique en fin de compte, commence à être conçu selon les règles édictées par la société dans laquelle il va correspondre, et sa production reflète des besoins, des valeurs et des normes de cette même société.

I.2 - DIMENSION SPATIALE DU DOMESTIQUE : UNE FORME D'ORGANISATION SOCIALE

L'étude des demeures féodales de l'Europe médiévale conduisit Claude Lévi-Strauss à proposer une vision théorique de la maison comme forme d'organisation sociale.

L'importance de cette initiative, dont il était le premier à entreprendre, a été récemment mise en relief par deux anthropologues anglais Castern et Huugh-Jones (1995) qui estiment que malgré le manque d'attention alloué aux caractéristiques physiques, particularités les plus évidentes des habitations, cette œuvre est enrichissante dans la mesure où elle réunit les aspects de la vie sociale qui, avant lui, ont été ignorés ou traités séparément. Depuis, nombreux sont les sociologues, anthropologues et ethnologues qui se sont penchés sur cette bipolarité en démontrant l'évidence de la mise en relation de ces deux substrats et l'intérêt de leur complémentarité dans l'analyse de l'habitat domestique.

Raymond Ledrut (1984) atteste que l'organisation spatiale, si elle n'est pas le "projeté" de l'organisation sociale, est à la fois dans un rapport de détermination et d'expression avec celle-ci et que d'une certaine façon l'organisation sociale est à l'organisation spatiale ce que "la loi est aux faits observés; l'organisation sociale serait dans ce cas la raison des apparences spatio-temporelles, dispositions et mouvements". Dans une autre publication plus récente, il va même jusqu'à ajuster un système spatial global à un mode de spatialisation : "Atteindre un mode de spatialisation, c'est définir et saisir les caractéristiques d'un espace qui expriment sous une forme «objective» les traits fondamentaux d'un processus de spatialisation". (Ledrut. R 1990).

Certes, L'habitation est structurée selon une organisation spatiale propre, mais constitue aussi une coquille vide que ses habitants vont tenter de s'approprier, d'habiter et domestiquer par divers discours, rituels, pratiques et aménagements.

L'espace domestique constitue, selon Staszak (2004) un territoire premier, anthropique, différencié selon des modalités variables familiales et privées.

Du fait de ses caractéristiques, l'espace domestique joue un rôle de premier plan dans de multiples champs : les rapports homme/femme, l'établissement de normes de comportements spatiaux ainsi que la construction de l'identité individuelle et collective.

II - LE FAIT SPATIAL DOMESTIQUE : UNE GRILLE DE LECTURE DU FAIT