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4. CADRE THÉORIQUE

4.2. L’éducation relative à l’environnement

4.2.1. Dimension formelle

L’ERE telle que théorisée par Lucie Sauvé (1997a) se situe à la confluence de nombreux courants éducatifs (éducation mésologique, outdoor education, nature education, l’enseignement de l’écologie et des sciences de l’environnement, l’éducation à la conservation, etc.) (Sauvé, 1997a, p.53-54), mais elle ne saurait aucunement se réduire à une éducation thématique. En effet, l’ERE se présente véritablement dans la perspective d’une éducation globale ou d’une éducation totale (Legendre, 1983). Son objet concerne les relations des personnes et des sociétés à l’environnement, et ce, dans une visée d’harmonisation qui sera, quant à elle, abordée à la section 4.2.2.

Le développement du modèle-cadre de l’ERE de Sauvé (1997a, p.260-262) précise la définition des notions clés suivantes : environnement, éducation et éducation relative à l’environnement. Nous les rapportons ici :

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« L'environnement est l'ensemble des éléments biophysiques du milieu de vie, en interrelations avec les éléments socio culturels des collectivités humaines, et qui interagissent avec les êtres vivants de ce milieu. »

« L'éducation est le processus concernant le développement optimal des multiples dimensions de la personne au sein de son milieu de vie et en particulier le développement de l'autonomie, de la capacité d'adaptation et d'une compétence éthique, en vue de l'adoption d'un agir responsable et du bien-être individuel et collectif. »

« L'éducation relative à l'environnement (ERE) est une dimension intégrante du développement des personnes et des groupes sociaux, qui concerne leur relation avec l'environnement. Ce processus permanent a pour objectif global de développer chez la personne et le groupe social auquel elle se rattache, un savoir-être qui favorise l'optimalisation de leur relation au milieu de vie, de même qu'un savoir et un vouloir-agir qui permettent de s'engager dans des actions de nature à préserver, à restaurer ou à améliorer la qualité du patrimoine commun nécessaire à la vie et à la qualité de vie. »

Sauvé (1997a, p.261) souligne que cette définition de l’ERE intègre les deux finalités éducatives de l’éducation totale selon Legendre (1981), soit « assister l'homme dans son désir d'apprendre à être, à devenir, à se situer (p. 36) [et être un] catalyseur d'une réforme permanente de la société (p. 38) ». Le développement personnel et la transformation des réalités sociétales sont donc perçus comme faisant partie d’un même processus éducatif dans une vision holistique de l’éducation.

Dans ses publications subséquentes, Sauvé (2009a, 2009b) définit l’environnement en faisant référence à « Oïkos, notre maison de vie partagée. » Cette analogie intègre de multiples dimensions de l’environnement (biophysique, sociale, politique, affective, symbolique, etc.) permettant de le concevoir comme une réalité interactionnelle dépassant la dichotomie entre nature et culture. D’autre part, cette conception élargie de l’environnement met de l’avant la dimension politique de l’ERE. Cet engagement de l’ERE dans le champ de « la chose publique » se manifeste par la dimension de l’écocitoyenneté à laquelle l’ERE est désormais résolument concernée (Sauvé et al. 2018). Sauvé (2005) précise que c’est dans cette maison de vie partagée que se forgent notre identité et nos rapports d'altérité, et que c’est elle qui nous définit en même temps que nous la transformons. Ainsi, l’environnement est vu comme le creuset du développement personnel en même temps que le lieu et l’objet de nos actions collectives et individuelles transformatoires. L’environnement est donc un vecteur central de l’éducation au changement sociétal.

Dans le cadre de la recherche qui nous concerne, l’ERE s’intéresse aux jeunes adultes du milieu universitaire. C’est pourquoi il importe de nous doter de repères conceptuels relatifs au champ de l’éducation relative à l’environnement des adultes, et ce, afin de tenir compte de leurs réalités socioéducatives particulières. Pour ce faire, nous nous référons aux travaux de Carine Villemagne qui a contribué à théoriser le champ de l’ERE auprès des adultes en francophonie. L’autrice souligne l’importance de l’éducation des adultes dans la résolution des multiples problématiques sociales et environnementales contribuant à la crise socioécologique : « ce sont des adultes qui, dans l’exercice de leurs rôles sociaux et citoyens, prennent actuellement, à court et moyen termes, des décisions déterminantes localement et

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globalement pour l’environnement et la société en général » (Villemagne, 2008). Puisant à travers les écrits de plusieurs autrices et auteurs engagés dans le champ de l’ERE des adultes, Villemagne (2017) tente de mieux articuler les différentes contributions de ces derniers à un cadre théorique ancré dans un patrimoine d’idées cohérentes entre elles et clarifiées de manière plus formelle. C’est ainsi que, reprenant et traduisant les propos de Caitlin Haugen (2010, p.11 dans Villemagne, 2017, p. 158.), l’ERE des adultes peut notamment être définie comme « une approche éducationnelle engageante, inclusive et active qui, fondée sur des disciplines multiples, informerait, émanciperait et développerait le pouvoir d’agir des adultes ». Par ailleurs, parmi les diverses contributions consultées, Villemagne (2017) retient que l’ERE des adultes prend part d’un processus d’éducation tout au long de la vie et que c’est à partir du savoir expérientiel détenu par les adultes que doivent se construire les savoirs visant la transformation des relations à l’environnement. Les adultes ont besoin d’être impliqués activement dans le processus d’apprentissage, qui devient alors un véritable processus de co-construction des savoirs. Il ne s’agit alors pas seulement de les informer et de leur transmettre des connaissances. Le seul fait de savoir ne suffit pas pour transformer les réalités sociétales, ce qui est pourtant le postulat qui sous-tend un approche éducative libérale (selon la typologie de Walter, 2009) ou rationnelle (selon la typologie de Bertrand et Valois, 1999), largement dominante par ailleurs. D’autant plus que ce type d’apprentissage passif qui consiste, pour l’essentiel, à transmettre des faits décontextualisés a pour corolaire de provoquer des sentiments d’impuissance, voire d’apathie à l’égard des enjeux environnementaux. La participation et l’engagement ne sont en ce cas ni sollicités ni encouragés. D’autre part, l’ERE des adultes ne vise pas exclusivement la modification des comportements individuels comme cela se donne à voir dans une perspective éducative béhavioriste. L’approche qui devrait prévaloir afin de nous aider véritablement à résoudre les problèmes complexes auxquels nos sociétés sont confrontées consiste en une approche radicale qui vise la « transformation profonde des systèmes de valeurs des adultes ainsi que le développement de leur agir individuel et collectif en vue d’une plus grande harmonisation du réseau de relations personnes-sociétés-environnement. » Il s’agit véritablement d’un processus de « déconstruction des idées, des croyances, des valeurs et des structures de pouvoir à l’origine des différentes inégalités » (Villemagne, 2017). L’autrice présente une carte conceptuelle permettant de mieux saisir les apports théoriques et pratiques pertinents à l’élaboration et la mise en œuvre d’une ERE des adultes, ancrée dans une perspective radicale. Nous reproduisons cette carte conceptuelle à la figure 4.2.

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Figure 4.2 Carte conceptuelle de l’ERE des adultes selon une perspective radicale (tiré de Villemagne (2017) et reproduit avec la permission de l’autrice.)