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ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles » Les

3. Famille et éducation en Guadeloupe

3.3. Dimension culturelle de l’éducation

3.3.1. La parentalité en Guadeloupe

Le concept de parentalité renvoie au processus par lequel on devient parent d’un point de vue psychique(82). Didier Houzel nous dit dans son ouvrage « les enjeux de la parentalité que : « Le fonctionnement psychique des parents obéit à une nouvelle topique, qui inclut la

représentation mentale de l’enfant comme une adjonction au territoire psychique parental (…) Les vicissitudes normales et pathologiques des relations précoces tiennent à la nature de cet effet de rencontre entre le nouveau de l’enfant et l’infantile des parents, entre l’étrangeté du bébé et la familiarité des imagos anciennes »

Il est intéressant d’apporter de plus amples éléments permettant de comprendre les enjeux de la parentalité en Guadeloupe. Avec les éléments abordés dans les précédents chapitres, nous avons vu que l’organisation fonctionnelle de la famille répondait à un modèle essentiellement centré sur la mère. Toutefois, l’évolution démographique, la modernisation de la société et l’ouverture vers des modèles éducatifs pluriels ont permis l’évolution récente et rapide des fonctionnements familiaux.

Dans son ouvrage datant de 1996, « le père oblitéré »(83), Livia Lesel tente d'appréhender, au travers du discours de femmes, les modalités intra-psychiques de la mère antillaise et pose la question de la représentation symbolique du père dans le discours de la mère. Elle met en évidence un père comme « figure de l’ombre », oblitéré par la toute-puissance maternelle. La représentation de l'homme se confond alors avec celle du père décrit comme « pratiquant le donjuanisme, « semant » et « donnant » des enfants de manière inconsidérée « à tort et à travers. Elle nous dit aussi que « le vécu de la paternité est davantage décrit comme un témoignage extérieur virilité, plutôt que comme une manifestation du désir d’être père ».

3.3.2. Education entre rudesse et affection(78)

De nombreux auteurs sociologues, psychologues et historiens(20,73), s’accordent à dire que le modèle éducatif antillais est un modèle autoritariste qui place le principe de respect, de politesse et d’obéissance au premier plan. On retrouve un portage culturel important de l’idée que la punition corporelle demeure un moyen efficace pour obtenir satisfaction. La sévérité est réelle, les manquements à la discipline appellent en général des châtiments qui vont de la fessée à l’utilisation de la ceinture. La mère est généralement placée en position de force, mais l’éducation est volontiers partagée et celui qui en viendrait à des extrémités devrait affronter les foudres de la communauté. Le père, s’il n’est pas présent dans le foyer, peut être appelé pour sanctionner ; et la simple menace de son intervention peut suffire à satisfaire les attentes des éducateurs.

On retrouve de nombreux récits autobiographiques qui en font référence tant dans la sphère domestique que scolaire. Dans son célèbre roman « La rue case nègre », Joseph Zobel décrit au travers de ses souvenirs d’enfance, les conditions de vie au cœur d’une exploitation agricole des années 30. Il relate le paradoxe entre l’affection et la bienveillance d’une grand- mère décidée à construire un avenir meilleur pour son petit-fils et la rigueur, parfois extrême favorisée par les conditions de vie de l’époque(84).

« Les parents de mes camarades, je les craignais encore plus que m’man Tine. Des gens qui

battaient leurs enfants, qui s’en prenaient toujours à nous, les enfants. Tandis que les travailleurs sans enfants (…) se montraient fort bienveillants à notre égard ».

Allant jusqu’à imaginer des stratégies d’envoutement pour éviter les réprimandes « Tu

devrais essayer d’amarrer ta maman. Tu arraches une poignée de foin et tu fais autant de nœuds que la longueur des brins d’herbe le permet et tu tiens ça bien fort dans ta main.

Puis lorsque ta maman arrive, tu marches vers elle et avant même de parler, tu laisses tomber le foin derrière toi. Je t’assure que plus jamais tu ne seras battu. Ta maman pourra te disputer, te jurer, mais jamais elle ne portera la main sur toi, elle sera liée tout bonnement ».

Dans son récit autobiographique « La coulée d’or »(22), l’écrivain Ernest Pépin relate les modalités d’une éducation stricte dans une famille de condition moyenne dans les années 50.

« Un bout de pain dérobé dans la cuisine déclenche une volée de calotte, une expression créole est avalée à coups de poing, une porte qui claque fait sortir la ceinture »

Dans les expressions populaires, plusieurs termes renvoient aux châtiments corporels, on retrouve notamment «

plich- pliché », « haché », « lapidé » ou encore « senniyé »

littéralement « saigner en créole.

Le « Kapiket » pouvait être un terme employé par les

parents pour menacer les enfants de correction physique. Elle fait référence à un châtiment en vigueur à l’époque de l’esclavage qui consistait à placer la victime sur le ventre, attachée à

« quatre piquets » pour être fouetté.

Le terme de marronnage désigne la fuite des esclaves hors de la plantation, en général dans des lieux reculés et inaccessibles permettant d’échapper à la condition servile. On retrouve des allusions à ce terme dans le folklore et la littérature pour désigner la fuite des enfants se

sachant condamnés à un châtiment corporel(20) ou cherchant à se soustraire de la surveillance des parents. « Croyant les barrières de sa vigilance abolie, nous tentons des traversées d’indiscipline, des marronnages, des transgressions d’interdits »(22)

Les allusions à l’utilisation des châtiments corporel est également fréquente dans le milieu scolaire. Comme le prévoit le système éducatif, relais de l’autorité parentale, les châtiments sont un moyen légitimer pour faire respecter l’ordre et la discipline(21).

3.4. La pédopsychiatrie en Guadeloupe