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Etapes avant un châtiment corporel

15. Adaptation des stratégies par soucis de conformisme.

L’analyse thématique a permis d’identifier une composante récurrente concernant l’adaptation des stratégies éducatives de la part des parents. En effet, pour huit parents, le choix des mesures éducatives avait déjà été influencé par le besoin de se conformer aux attentes de la société. Ils évoquaient l’importance du regard d’autrui et le sentiment d’être jugé sur les stratégies éducatives misesen place.

15.1. Augmentation de la sévérité face au regard d’autrui

Ce sentiment pouvait influencer le parent et inciter à mettre en place des mesures davantage démonstratives telles que le châtiment corporel en public.

P1 : « La maman qui dit à l’enfant en plein Pointe- à Pitre ou dans un magasin de rester tranquille. Elle a sa réputation de maman ! Elle va pas vouloir qu’on la fasse honte dans le magasin ! Moi je t’attrape dans le magasin, je te donne une volée ! Et à ce moment-là, tout le monde va se dire, ahhh !! elle a bien fait ! »

P6 : « moi je ne lui ai pas donné tant de coups que ça hein, c'était vraiment quand j'étais à bout et quand je vois qu'il teste sa maman (…) mais est-ce que c'est la bonne solution ? Est-ce que je fais bien ? mais d'un autre côté, je me dis aussi « mais je n'ai pas envie que l'on me dise quoique ce soit quand je rentre avec mon enfant en Guadeloupe ». Le regard des parents était important pour moi, à cette époque-là hein »

P5 : « On ne vivait pas à côté de la famille avant, on était en métropole. Il n'y avait pas cette pression familiale. Il n'y avait personne à côté pour me dire « oui il faut faire comme si, il faut faire comme ça » »

P7 : « Je ne peux pas laisser Dylan faire n'importe quoi, je ne peux pas le laisser dire n'importe quoi. Et bien mais qu'est-ce qu'ils vont dire ! C'est la mamie qui l'a élevé ? Car il faisait ce qu'il voulait avec la mamie ? ! »

P9 : « Il y a des voisins qui disent « tu vois cette dame-là, elle est très courageuse, elle est très carré avec son enfant et elle donne à ses petits-enfants une bonne éducation »

15.2. Une source de confusion

On notait que s’il n’y avait pas systématiquement d’adaptation des mesures éducatives, le sentiment d’être jugé par la société était décrit comme un facteur de confusion pour le parent.

P1 : « Donc comme on dit, la mentalité guadeloupéenne, c’est un tambour à deux bondas. Vous le faites pas, vous êtes critiqués, vous le faites, vous vous faites critiquer! Et en même temps, si vous ne le faites pas, vous vous faites critiquer des deux côtés »

P6 : « Rien qu'un exemple bête, la tétine ; dans la famille personne n'a eu de tétine ;

cousins, cousines, sœurs, frères, personne n'a eu de tétine. Mais quand X était bébé, il avait tendance à mettre ces doigts dans sa bouche et on a réfléchi à lui donner une tétine, car ça il aurait pu s’en séparer plus facilement que les doigts. (…) Et ma mère m’a dit « non ne lui donnez pas la tétine ! » (…) Et moi par rapport à ça j'ai eu beaucoup de mal, je me disais « mon enfant ce n'est pas possible, il ne peut pas prendre la tétine » on doit lutter contre ça ce n'est pas possible ! Au fur et à mesure je me rends compte que finalement, ben peut-être qu'il valait mieux. (…) C'est vrai que le regard de l'autre compte, surtout le

regard des parents ; mère, père, frères, oncle, tante, grand-mère et de ce fait je me rendais

compte que des fois j'étais dure, déjà je voulais que mon enfant soit super bien élevé »

15.3. Valorisation sociale du châtiment corporel

Trois parents font référence à des propos reçus qui témoignent d’une valorisation de l’utilisation des châtiments corporels. Ces propos leuravaient été adressés directement devant le comportement de l’enfant et suggéraient la mise en place de violence éducative ou approuvaient un passage à l’acte en public.

P1 : « Et quand vous faites maintenant ! vous êtes les héros du jour dans le magasin, pourquoi, parce que vous avez fait comprendre à l’enfant qu’il fallait pas.

Alors vous avez des gens (en créole) : ah c’est bien, si c’était moi, j’aurais fait pareil hein ! » « ah ouai , heureusement que tu lui a donné des coups, l’enfant n’avait pas à faire ça !»

P4 : « Y a une dame qui m’a dit dernièrement que : je laisse faire les enfants, je ne les tape pas. Mais bon elle connaît pas ma vie non plus, du coup c’est vrai que je n’ai pas répondu parce que c’est un sujet que… il fallait le taper ! Elle me dit « ouai, tu parles pour l’enfant, mais l’enfant ne comprend pas, il va le refaire » ok ! pour elle l’enfant, normalement, j’aurais dû taper ! J’aurais dû le punir, le taper. Les nôtres on voit ça comme ça »

P5 : « Il ne faudrait pas que ce soit quelque chose de quotidien à la moindre bêtise, il faut savoir le doser, alors après c'est peut-être difficile à faire quand on entend« oui il faut donner des coups à ses enfants, non parce quand ils ne savent pas faire, ils ne savent pas » »

Un parent a évoqué se sentir jugé négativement par rapport à la non utilisation des châtiments corporels. Ce jugement faisait référence à un manque d’autorité sur l’enfant.

P4 : « Mais c’est pas évident, parce que aux alentours, on est mal jugé ! Et moi je suis mal jugée du style (en créole) « je n’ai pas d’autorité ». Voilà c’est le mot que je cherchais ! «Je n’ai pas d’autorité sur mes enfants ! ». Pour eux taper un enfant, c’est avoir de l’autorité »