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Une digression : l’approche par sch´emas

1.5 Publications scientifiques

2.1.3 Une digression : l’approche par sch´emas

Nous commen¸cons notre ´etude des cartes `a une face par une digression, en pr´esentant une technique formul´ee dans l’article [37], due `a Marcus et Schaeffer, et qui repose sur le concept d’effeuillage, r´ecurrent en th´eorie des graphes [101]. Cette partie est ind´ependante du reste du chapitre, mais permet de se familiariser avec les objets. Elle sera par ailleurs utilis´ee aux chapitres 4 et 6, dans un cadre un peu diff´erent.

L’approche par sch´emas consiste en la r´eduction de l’´etude des cartes `a une face de genre fix´e `a un nombre fini de cas, index´es par certaines cartes minimales appel´ees les sch´emas. Elle s’applique `a de nombreuses variantes du probl`eme, comme en particulier le cas des cartes `a une face plus compliqu´ees (les g-mobiles) du chapitre 4. Du point de vue ´enum´eratif, cela permet d’´ecrire la s´erie g´en´eratrice des cartes `a une face sous la forme d’une somme index´ee par les sch´emas (que ce soit dans le cas simple de ce chapitre, ou dans celui du chapitre 4). Ses deux inconv´enients sont, d’une part, que c’est une m´ethode calculatoire et non « bijective », et qu’elle conduit en g´en´eral `a des expressions qui ne sont pas compl`etement explicites, car il est difficile de se d´ebarrasser de la somme sur les sch´emas. Dans la suite, on fixe un entier g ≥ 1.

Fig. 2.3 – (a) Une carte `a une face de genre 1 ; (b) son cœur ; (c) son sch´ema.

D´efinition 5 (Le sch´ema d’une carte `a une face, figure 2.3).

Soit m une carte `a une face enracin´ee de genre g. On consid`ere l’algorithme suivant : ´

Etape 1 : on efface tous les sommets de degr´e 1 de m, ainsi que les arˆetes incidentes `a ces sommets ; on r´ep`ete cette ´etape r´ecursivement jusqu’`a ce qu’il ne reste plus de sommet de degr´e 1 dans m. La carte obtenue `a la fin de l’´etape 1 est appel´ee le cœur de m.

´

Etape 2 : dans le cœur, les sommets de degr´e 2 sont organis´es en chaˆınes maximales, connect´ees ensemble en des sommets de degr´e au moins 3. On remplace maintenant

chacune de ces chaˆınes par une nouvelle arˆete : on obtient une carte s, dont tous les sommets sont de degr´e au moins 3. La carte s est appel´ee le sch´ema de m.

Note sur l’enracinement : la racine de m induit une racine pour le cœur, qui est soit le coin naturellement point´e par la racine de m (si le sommet racine de m est toujours pr´esent dans le cœur), soit celui point´e par le sous-arbre dans lequel se trouvait la racine de m. La racine du cœur induit une racine pour le sch´ema, d´efinie comme le premier coin du cœur suivant la racine autour son unique face qui soit encore pr´esent dans le sch´ema. D´efinition 6. On note Sg l’ensemble des sch´emas de genre g, c’est-`a-dire des cartes `a

une face enracin´ees qui n’ont pas de sommets de degr´e 1 ni 2. Lemme 3 ([37]). Pour tout g ≥ 1, l’ensemble Sg est fini.

D´emonstration. Soit s un sch´ema de genre g, et notons ni le nombre de sommets de degr´e

i de s, pour tout i≥ 3. Alors, par le « hand-shaking lemma », le nombre d’arˆetes de s est

1 2

P

iini. Puisque s n’a qu’une face, et que son nombre de sommets est

P

ini, on obtient

par la relation d’Euler :

X

i≥3

i− 2

2 ni = 2g− 1. (2.6)

Or, `a g fix´e, il n’y a qu’un nombre fini de suites (ni)i≥3 satisfaisant cette ´equation. En

particulier, le nombre d’arˆetes de s est born´e. Comme le nombre de cartes avec un nombre prescrit d’arˆetes est fini, on a d´emontr´e le lemme.

Pour inverser la construction du sch´ema, et reconstruire toutes les cartes `a une face de sch´ema donn´e, il suffit de remplacer chaque arˆete du sch´ema par une « branche » d’arbre. On obtient la proposition suivante :

Proposition 4. La s´erie g´en´eratrice Ug(z) des cartes `a une face de genre g par le nombre

d’arˆetes est donn´ee par : Ug(z) = z· d dz X s∈Sg 1 |s|T (z) |s| o`u T (z) = 1 2  1 √ 1− 4z − 1  .

Corollaire 1. Pour tout g ≥ 1, le nombre ǫg(n) de cartes `a une face de genre g `a n

arˆetes satisfait, quand n tend vers l’infini : ǫg(n)∼ pgn

6g−3 2 4n pour une certaine constante pg > 0.

Bien sˆur, ce r´esultat est tr`es faible au regard de ceux ´enonc´es plus haut, et de ce que nous allons montrer dans la suite. Il permet surtout de pr´esenter l’approche par sch´emas, qui donne une id´ee assez visuelle de ce que sont les cartes `a une face. En particulier, elle permet d’identifier clairement quelles sont les cartes « typiques » (nous utilisons plutˆot ici le terme « dominantes ») :

D´efinition 7. Un sch´ema est dominant si tous ses sommets sont de degr´e exactement 3. L’ensemble des sch´emas dominants de genre g est not´eS∗

2.1 - Pour se faire une id´ee 25

Lemme 5. Un sch´ema dominant de genre g a toujours 6g− 3 arˆetes et 4g − 2 sommets. `

A genre fix´e, les sch´emas dominants sont ceux qui maximisent le nombre d’arˆetes. Corollaire 2. `A genre fix´e, et quand n tend vers l’infini, la proportion de cartes `a une face de taille n dont le sch´ema est dominant tend vers 1.

racine sommet marqu´e T(z) s T(z)|s| 1 |s| · z d dzT(z) |s|

Fig. 2.4 – « D´emonstration » de la proposition 4.

D´emonstrations. L’´enum´eration des cartes `a une face via la m´ethode des sch´emas ´etant pr´esent´ee ici `a titre de digression, nous ne donnerons pas tous les d´etails, pour lesquels nous renvoyons `a l’article [35]. La figure 2.4 illustre les id´ees principales.

Tout d’abord, la s´erie T (z) donn´ee dans l’´enonc´e de la proposition s’obtient `a partir de la s´erie des nombres de Catalan par l’op´erateur z

2 d

dz. C’est donc la s´erie g´en´eratrice des arbres plans enracin´es, portant un sommet marqu´e diff´erent du sommet racine, tel que l’unique chemin dans l’arbre allant du sommet racine `a ce sommet emprunte l’arˆete racine (pour voir qu’exactement la moiti´e des arbres portant un sommet marqu´e sont de cette forme, il suffit d’´echanger le sommet racine et le sommet marqu´e).

´

Etant donn´e un sch´ema s, la s´erie T (z)|s| est donc la s´erie g´en´eratrice des cartes `a

une face enracin´ees obtenues `a partir de s par substitution d’un arbre `a chaque branche. Ces cartes `a une face sont naturellement enracin´ees sur une arˆete incidente `a un sommet du sch´ema, comme sur la figure 2.4. En appliquant l’op´erateur 2z d

dz, on distingue une

seconde demi-arˆete dans cette carte. Or, ces cartes bi-enracin´ees peuvent ´egalement ˆetre obtenues en partant d’une carte enracin´ee, et en distinguant ensuite une arˆete de son sch´ema, ce qui pour une carte de sch´ema s′ peut se faire de 2|s| fa¸cons diff´erentes. Ainsi,

compter les cartes bi-enracin´ees avec un poids 1

2|s| est ´equivalent `a compter les cartes

enracin´ees, ce qui d´emontre la proposition 4.

Il est donc clair que la s´erie g´en´eratrice des cartes `a une face a une unique singularit´e dominante en z = 1/4, et que les sch´emas dont la contribution `a la singularit´e est maxi- male sont ceux qui maximisent le nombre d’arˆetes. Or, avec les notations pr´ec´edentes, maximiser le nombre d’arˆetes revient `a maximiser la quantit´ePi≥3ini avec la contrainte

P

i≥3i−22 ni = 2g− 1 issue de la formule d’Euler. Cela implique que seul n3 est non nul,

c’est-`a-dire que le sch´ema n’a que des sommets de degr´e 3, puis que n3 = 4g− 2. Par la

formule d’Euler, un tel sch´ema a 6g− 3 arˆetes. Le corollaire asymptotique se d´eduit en utilisant les th´eor`emes de transfert de Flajolet et Odlyzko [47].

Nous terminons ici notre digression concernant les sch´emas, pour entrer dans le vif du sujet : une construction bijective directe pour les cartes `a une face.