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Cartes `a une face pr´ecubiques

2.7 Variantes

2.7.2 Cartes `a une face pr´ecubiques

Une carte `a une face est pr´ecubique si tous ses sommets sont de degr´e 1 ou 3. Dans une telle carte, toutes les trisections sont n´ecessairement de type I : en effet, l’ouverture d’une trisection conduit `a trois sommets de degr´e 1 dans la carte de genre inf´erieur, qui ne peuvent porter eux-mˆemes de trisection nouvelle. Ainsi, toute carte pr´ecubique de genre g peut ˆetre obtenue d’exactement 2g mani`eres diff´erentes `a partir d’une carte pr´ecubique de genre (g− 1) avec trois feuilles marqu´ees. En r´ep´etant g fois cet argument, on voit que toute carte `a une face pr´ecubique de genre g `a n arˆetes peut ˆetre obtenue d’exactement 2g· 2(g − 1) . . . 1 = 2gg! mani`eres diff´erentes `a partir d’un arbre `a n arˆetes dont tous les

sommets sont de degr´e 1 ou 3, par g recollements successifs d’un triplet de feuilles. Or on peut facilement ´enum´erer les arbres pr´ecubiques `a n arˆetes. Remarquons qu’en enlevant une feuille d’un tel arbre, on trouve un arbre binaire `a n−1 arˆetes (et n sommets). Cela implique en particulier que n = 2m + 1, o`u m est le nombre de nœuds de l’arbre binaire. De plus, les arbres pr´ecubiques dont le sommet racine est une feuille sont en bijection avec les arbres binaires `a n−1 arˆetes, et donc compt´es par le nombre de Catalan Cat(m). Un argument de double comptage montre ensuite que ceux dont le sommet racine a degr´e 3 sont compt´es par le nombre m+23m Cat(m) : il suffit pour cela de remarquer que 3mCat(m) ´enum`ere les arbres pr´ecubiques qui sont enracin´es `a la fois sur une feuille et en un sommet de degr´e 3, et que ces arbres peuvent ´egalement s’obtenir en distinguant l’une des (m + 2) feuilles dans un arbre enracin´e au d´epart en un sommet de degr´e 3. Ainsi, le nombre d’arbres pr´ecubiques enracin´es `a n arˆetes est ´egal `a 1 + 3m

m+2



Cat(m). On obtient ainsi :

Corollaire 12. Le nombre ξg(n) de cartes `a une face pr´ecubiques de genre g `a n = 2m+1

arˆetes est donn´e par : ξg(n) = 1 2gg!  m + 2 3, 3, . . . , 3, m + 2− 3g  1 + 3m m + 2  Cat(m) = (4m + 2)(2m)! 12gg!(m + 2− 3g)!m!.

Les cartes pr´ecubiques qui n’ont pas de feuilles ont n´ecessairement 6g− 3 arˆetes, et sont les sch´emas dominants du paragraphe 2.1.3. Ainsi, pour n = 6g− 3, on retrouve une formule due `a Lehman et Walsh [95](voir aussi [5]) :

Corollaire 13 ([95]). Le nombre de sch´emas dominants de genre g, c’est-`a-dire de cartes `a une face enracin´ees dont tous les sommets sont de degr´e 3, est ´egal `a :

2(6g− 3)! 12gg!(3g− 2)!.

De mani`ere duale, ce nombre compte les triangulations enracin´ees de genre g `a un seul sommet.

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CARTES COUVERTES

Ce chapitre pr´esente les fruits d’une collaboration avec Olivier Bernardi [19, 20]. Nous consid´erons des objets combinatoires que nous appelons les cartes couvertes. Une carte couverte est une carte munie d’un sous-ensemble d’arˆetes distingu´e, appel´e sous-carte, qui couvre tous les sommets et qui forme lui-mˆeme une carte `a une face, ´eventuellement de genre inf´erieur. Par exemple, une carte munie d’un arbre couvrant est un cas particulier de carte couverte, appel´ee une carte bois´ee.

Les cartes bois´ees (en anglais, tree-rooted maps) ont ´et´e consid´er´ees dans le cas pla- naire par Mullin [76]. En consid´erant `a la fois l’arbre couvrant distingu´e et son arbre couvrant dual, Mullin a montr´e que les cartes bois´ees de taille n pouvaient ˆetre vues comme le m´elange de deux arbres de taille totale n. Grˆace `a l’identit´e de convolution de Vandermonde, il en a d´eduit que le nombre T0(n) de cartes bois´ees planaires `a n arˆetes

est le produit de deux nombres de Catalan cons´ecutifs :

T0(n) = Cat(n + 1)Cat(n). (3.1)

Mullin posa alors la question de donner une interpr´etation bijective `a ce r´esultat, c’est-`a- dire d’´etablir une correspondance explicite entre les cartes bois´ees de taille n et les paires form´ees de deux arbres plans de tailles respectives n et n + 1. Cette explication arriva en deux temps. Cori, Dulucq, et Viennot [39] ont donn´e une bijection d´efinie r´ecursivement sur la structure de carte combinatoire (`a base de permutations), qui d´emontre la formule de Mullin, mais dont l’action sur les cartes topologiques est difficile `a interpr´eter. Plus tard, Bernardi [18, 17] a donn´e une bijection explicite, r´epondant `a la question originale

de Mullin. La bijection de Bernardi est fond´ee sur des r`egles locales de « d´ecoupage », qui transforment une carte bois´ee donn´ee en deux arbres : l’un formant une sorte de « squelette » de la carte, et l’autre contenant l’information n´ecessaire pour « recoller » ce squelette sur lui-mˆeme et reformer la carte bois´ee de d´epart. Bernardi a par ailleurs montr´e que sa bijection co¨ıncidait avec celle de [39] (ce qui n’´etait pas ´evident).

Le cas des cartes bois´ees de genre sup´erieur fut ensuite consid´er´e par Lehman et Walsh, dans le deuxi`eme article [96] de leur s´erie Counting maps by genus. En utilisant les r´esultats de [95] et une approche comparable `a celle de Mullin, ils ont pu exprimer le nombre Tg(n) de cartes bois´ees de genre g `a n arˆetes sous la forme d’une somme faisant

intervenir des partitions de g. Dans le cas du genre 1, leur formule s’´ecrit : T1(n) =

(2n− 1)!

12(n− 1)!(n − 2)!Cat(n) = 1

2β1(n + 1)Cat(n). (3.2)

o`u nous notons βg(n) le nombre de cartes `a une face biparties de genre g `a n arˆetes. La

formule (3.2) rappelle ´etrangement celle de Mullin (3.1), laissant penser qu’il existe une g´en´eralisation de la bijection de Bernardi au cas du tore ; c’est d’ailleurs cette remarque qui a ´et´e le point de d´epart de notre travail. ´Etrangement, les formules pour les genres suivants (2 et plus) semblent ne pas avoir une forme aussi remarquable.

L’objet de ce chapitre est de montrer que la bijection de Bernardi se g´en´eralise en tous genres, `a condition de remplacer la notion de carte bois´ee par celle de carte couverte, c’est-`a-dire de ne pas fixer `a 0 le genre de la sous-carte distingu´ee, mais de le laisser libre. On montrera ainsi que les cartes couvertes de genre g et de taille n sont en bijection avec des paires, form´ees d’un arbre de taille n et d’une carte `a une face bipartie de genre g et de taille n + 1. En particulier, on obtiendra pour le nombre Cg(n) de cartes couvertes de

genre g `a n arˆetes la formule :

Cg(n) = βg(n + 1)Cat(n).

Dans le cas planaire, puisque toutes les cartes couvertes de genre 0 sont en fait des cartes bois´ees, nous retrouvons la formule de Mullin (c’est le cas trait´e `a l’origine par Bernardi). Dans le cas du tore, un simple argument de dualit´e montre qu’exactement la moiti´e des cartes couvertes sont des cartes bois´ees : nous obtiendrons ainsi la premi`ere interpr´etation bijective de la formule de Lehman et Walsh (3.2). Dans le cas des genres sup´erieurs, il ne semble pas y avoir de lien aussi clair entre les cartes bois´ees et les cartes couvertes, ce qui explique, en un sens, pourquoi les formules donnant les nombres de cartes bois´ees deviennent plus complexes. Mentionnons n´eanmoins le fait que dans l’article [8], dont nous avons d´ej`a parl´e au chapitre pr´ec´edent, Bender, Canfield, et Robinson montrent `a partir des formules de Lehman et Walsh que le nombre de cartes bois´ees satisfait la formule asymptotique : Tg(n) ∼ πg!964 gn3g−316n. En comparant ce r´esultat au nˆotre, on obtient la proportion asymptotique de cartes bois´ees parmi les cartes couvertes :

Tg(n)/Cg(n)−→

1

2g, quand n→ ∞,

un fait remarquable dont nous n’avons malheureusement pas d’interpr´etation.

Enfin, notre bijection se trouve avoir une cons´equence inattendue. En effet, en uti- lisant une approche similaire `a celle de Mullin, on peut relier les nombres comptant les

3.1 - Les objets 47

cartes couvertes aux nombres de cartes `a une face ´etudi´es au chapitre pr´ec´edent. Or, la bijection pr´esent´ee dans ce chapitre relie le nombre de cartes couvertes aux nombres de cartes `a une face biparties. En comparant les deux approches, on obtient une nouvelle identit´e combinatoire, reliant les nombres de cartes `a une face g´en´erales et biparties. Cette observation fait le lien entre deux c´el`ebres formules, la formule d’Harer-Zagier pour les cartes `a une face g´en´erales, et celle de Jackson pour les cartes `a une face biparties, qui se d´eduisent l’une de l’autre par notre identit´e.

Organisation du chapitre : Dans la section 3.1, nous introduisons les cartes cou- vertes, et examinons leurs premi`eres propri´et´es ; en particulier, nous d´ecrivons l’approche « na¨ıve », qui consiste `a voir les cartes couvertes comme des recollements bord `a bord de cartes `a une face, et nous en d´eduisons des expressions sommatoires pour les nombres comptant ces objets. Dans la section 3.2, nous pr´esentons deux bijections : la premi`ere, qui relie les cartes couvertes `a certaines orientations, que nous appelons orientations gauches, et qui g´en´eralisent au genre sup´erieur les orientations minimales du cas planaire ; la se- conde, qui montre que les orientations gauches s’obtiennent de mani`ere unique par le recollement d’un arbre plan et d’une carte `a une face bipartie. Les d´emonstrations sont donn´ees en section 3.3. Enfin, la section 3.4 examine les corollaires ´enum´eratifs.

Note : Dans ce chapitre, il sera pr´ef´erable de se repr´esenter les cartes en termes de brins, comme au paragraphe 1.1.3, plutˆot qu’en rubans. Cela facilitera notamment le travail avec les cartes orient´ees.

3.1

Les objets