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Concernant les difficultés rapportées, certains facteurs semblent davantage modifier la qualité de la prise en charge des patients membres de la famille : il s’agit du cadre de la consultation, du facteur affectif, dont l’impact est nuancé par la personnalité du médecin et du facteur géné-rationnel. Le facteur sexe du médecin apparaît comme ayant moins d’impact sur les difficultés rapportées.

5.1.2.1! Difficultés1liées1au1facteur1cadre1de1la1prise1en1charge1

Concernant le cadre de consultation, 81% des médecins de cette étude ont déclaré accepter de consulter sur le lieu de la demande (56% à domicile, 25% dans les deux lieux, cabinet et domicile) et 19% ont affirmé consulter seulement au cabinet. Nos résultats rejoignent ceux de Cottereau (29), qui note que 82% des consultations ont lieu au domicile du parent, 21% au domicile du médecin et 13% au cabinet ; ceux de Masson (10), qui indiquent que 64 à 100% des consultations ont lieu au domicile des proches ; ceux de Bonvalot (22), qui affirment que 70% des consultations se font en dehors du cabinet, et également les résultats Vallerend (11) qui montrent que 88% des consultations se font en dehors du cabinet (et seulement 1/3 des proches sont soignés au cabinet). Castera annonce un pourcentage plus important, notamment 98% des consultations se font au domicile des proches (13). En miroir avec notre étude, Mus-seau, qui a interviewé les proches patients, a noté que ces derniers déclaraient également se faire majoritairement soigner en dehors du cabinet (exception faisant la fratrie, qui est prise en charge plutôt au cabinet) (39).

Nos résultats suggèrent que le lieu des soins génère la majorité des différences de prise en charge entre les deux catégories des patients et également occasionne la plupart des difficul-tés. Les propos du M9 renvoient à l’impact du cadre sur le respect des rôles : "au cabinet on

met sa blouse et on est médecin". Effectivement, le cadre du cabinet facilite au médecin le

changement de posture ; également le cadre, - par la présence d’autres patients en salle d’attente -, facilite le respect de la durée de la consultation, mais aussi fournit le matériel de consultation nécessaire, officialise la consultation par le renseignement du dossier du patient membre de la famille, favorise la confidentialité.

Par ailleurs le cadre a aussi une influence sur la distribution des rôles médecin/proche patient et sur la durée de la consultation. Concernant la distribution des rôles, nos résultats témoi-gnent d’une confusion des rôles pour le médecin qui consulte sur le lieu de la demande ; il alterne les rôles de parent ou d’enfant, ou bien frère (ou sœur), ou encore conjoint(e) avec celui de médecin. Ces aspects ont également été rapportés par Marin Marin (25), concernant les internes ; dans notre étude la moitié des internes craignent une non-reconnaissance de leur rôle de médecin, donc de leur compétence ; Dagnicourt (18) parle de la confusion des posi-tions et Musseau (39) de l’inversion de la relation d’autorité ("le proche-parent est soumis à l’autorité médicale du PM"). En parlant du cadre de la prise en charge des proches patients,

Musseau fait également référence à la théâtralisation du soin, le cabinet pouvant être

considé-ré comme un « décor » dans lequel le proche médecin peut "jouer" entièrement son rôle pro-fessionnel (39). In fine, notre étude rejoint les recherches précédemment citées, qui notent que la confusion des rôles a également un impact sur la durée de la consultation, mais encore sur le ressenti du médecin et sur la distance nécessaire pour analyser les symptômes.

Concernant la durée, nos résultats mettent en évidence que 75% des médecins accordent plus de temps ou le même temps aux patients membres de la famille (dont 50% plus de temps), alors que 25% passent moins de temps en consultation avec la famille.

La prolongation de la consultation est justifiée par l’ambiance familiale, par les sujets de dis-cussions, par le relationnel, par le besoin de prendre de la distance, par l’empathie, par les explications supplémentaires données à la demande de la famille.

La diminution du temps de consultation est justifiée par le fait que les médecins invitent les demandeurs des soins membres de la famille à se présenter au cabinet, aussi par le fait que les

médecins restent disponibles et joignables par la suite, et également par la différence de rituel

de la consultation, notamment les échanges d’ouverture de la séance, car le plus souvent il n’y a pas besoin de discours introductif ou demande des nouvelles.

A notre connaissance, la littérature de spécialité ne présente pas d’informations spécifiques liées à la durée d’une consultation avec les proches, toutefois certaines études décrivent une prise en charge incomplète, notamment Lasserre Cornec, qui annonce 46% de prise en charge moins rigoureuse, mais ce pourcentage ne se réfère pas seulement à la durée.

5.1.2.2! Difficultés1liées1à1la1relation1psychoaffective11

Les différences liées au facteur affectif sont exprimées le plus souvent sous la forme de

diffi-cultés ; notre étude retrouve la majorité des termes rapportés par la littérature, notamment la

notion de distance et de neutralité (difficultés à prendre du recul par rapport aux antécédents, par rapport à l’affectif, par rapport au vécu) (18), l’influence du proche patient sur le traite-ment, la pression des autres membres de la famille, la pudeur psychologique lors de l’examen clinique et parfois lors de l’interrogatoire (10, 18, 19), les émotions en cas de pathologie grave (35), la banalisation/exagération des symptômes (18, 19, 26). Nos résultats notent également des écarts marquants selon le facteur générationnel, les séniors faisant tous référence, de ma-nière directe, au risque de l’erreur médicale alors que les internes s’y réfèrent de mama-nière indi-recte, citant le manque d’objectivité. Par ailleurs, certains internes expriment la crainte de crédibilité de leur discours et des difficultés à convaincre les proches ; ces dernières difficul-tés sont citées également par Manasterski, mais son étude concerne seulement les médecins

installés (33). Chez les internes nous avons également trouvé la peur du jugement par les

membres de la famille, qui se retrouve également dans les travaux de Vallerend (11) et de

Dagnicourt (18). Un senior déclare être embarrassé par la volonté de certains membres de la famille de ne pas vouloir le déranger ; nous n’avons pas remarqué cet aspect dans les autres

études, mais il apparaît chez Caniato, qui s’est intéressé au ressentiet aux attentes des patients

proches (50).

Par rapport aux différences de discours envers les deux catégories depatients, le facteur

affec-tif semble avoir plus d’impact sur le discours envers les PMF que le facteur « cadre de la con-sultation ». Ces résultats sont confortés par la thèse de Dagnicourt, qui rapporte que le dis-cours de la majorité des médecins est modifié par les influences du lien préexistant à la fonc-tion médicale (18). Deux autres thèses utilisant une méthode qualitative (par entretien) ont fait référence au discours des médecins, celle de Manasterski (33), qui a interviewé une popula-tion de 13 médecins généralistes installés en Meurthe et Moselle (l’âge médian étant de 52 ans) et respectivement celle de Marin Marin (25) qui a interviewé 10 internes en médecine générale de la région parisienne (entretiens qui complétaient un corpus de 173 question-naires). Manasterski, rapporte d’une manière générale, un discours médical censuré, occa-sionné par l’intimité avec les personnes (p. 20). Il note que la différence de discours persiste même quand les consultations ont lieu au cabinet. La thèse de Marin Marin confirme une mo-dification du discours des internes envers les proches patients, la momo-dification faisant réfé-rence à l’adaptation du discours (la volonté de mieux expliquer les choses ou de rassurer), à des incohérences dans le discours (dues à la position de l’interne, "partagé entre le discours du médecin et le discours du proche" p.67) ; à une rigidité du discours (attribuée à la blouse blanche), ou encore à une certaine lourdeur du discours (pour masquer l’inconfort p. 125) ou, tout simplement une adaptation du discours au proche soigné.

Nos résultats font ressortir premièrement des différences de forme, tous les médecins citant l’aspect formel/informel du discours envers les patients classiques vs patients membres de la

famille. Quant au fond du discours, ce dernier apparaît chez les internes, influencés par

l’affectif : les internes associent au discours les termes de pudeur, de besoin de gagner la con-fiance, d’implication sentimentale, d’empathie, de prosodie de la voix, d’adaptation et de vul-garisation. Les médecins séniors citent seulement la familiarité du langage et la longueur du discours. 50% des médecins (internes et seniors) insistent sur le fait que le discours est iden-tique sur le fond.

Concernant la variable « sexe » du médecin, nous ne notons pas des différences marquantes entre les médecins hommes et femmes ; cette remarque ressort également de l’analyse de Ma-nasterski, qui rapporte que les difficultés liées à la crédibilité du discours concernent 33% hommes et respectivement 34% femmes et la référence à un discours ou examen médical dif-férent apparaît chez 9% d’hommes et respectivement 5% de femmes.

Avec ces dernières considérations nous allons aborder l’impact des facteurs « âge » et « sexe » des médecins sur les soins dispensés aux deux catégories des patients.

5.1.3! Différences entre les deux catégories des patients selon le sexe et