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Chapitre 2 : Revue bibliographique : L’intégration des TICE dans l’enseignement de la

1. Les TICE à l’école primaire : effets supposés et usages déclarés

1.3. La difficile question de l’appropriation de ces technologies par les enseignants

1.3.1. Un déplacement des enjeux

Si les enseignants ont prioritairement utilisé les TICE dans leur préparation de classe et

secondairement dans la classe, avec les élèves (Mériaux et Genevois, 2007), on ne peut que

souligner que ce constat est en nette évolution. Il suffit de reprendre en cela les enquêtes

Profetic cités précédemment.

Force est de constater également que des efforts conséquents ont été réalisés en termes

d’équipements, mais aussi en termes de déploiement de plateformes collaboratives (type

Educnet) et en termes de formation ces quarante dernières années dans ce contexte de

déploiement massif des TICE (voir chapitre 1, partie 3).

Même si certains éléments bloquants perdurent, comme un déficit certain de formation

pédagogique et un contexte français défavorable à un essor majeur des TICE, des progrès ont

été réalisés et le pouvoir politique continue d’investir (Thibert, 2012). Pour Pascal Boyries,

IA-IPR de l’académie de Grenoble

45

, « nous sommes passés d’une approche exploratoire […],

à une approche plus éducative où l’on a des problèmes pédagogiques ou didactiques pour

lesquels l’ordinateur peut apporter des réponses. » Le C2i2e va d’ailleurs en ce sens puisque

désormais la compétence B21 insiste sur le fait que toutes les situations d’apprentissage ne

sont pas favorables à l’utilisation des TICE

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. Reste donc cette question du temps

44Heutte parle d’ « humanware » en opposition avec le hardware (matériels informatiques) et software (les

logiciels)

45

cité par Mériaux et Genevois, 2007 p.123

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d’appropriation des technologies par les enseignants formés dans ce contexte difficile de

succession rapide des innovations. Cette question est loin d’être neutre au regard du titre de

l’article d’Isabelle Pybourdin (2009) déjà cité et assez évocateur : « Politiques publiques :

Construction de la fracture par les usages dans l'enseignement ».

1.3.2. Une lente appropriation

La question du temps d’appropriation de ces technologies est extrêmement importante,

« on ne décrète pas l’usage des TIC » (Pybourdin, 2009, p.211). Il n’est en effet pas évident

que ces outils numériques, autres que matériels, mais logiciels et applicatifs soient tous entrés

dans les classes, et que les démarches pédagogiques se soient modifiées. Il est donc

intéressant de se demander comment les enseignants se sont appropriés ces outils (à la fois

matériels, logiciels et applicatifs), pas tous créés initialement pour l’enseignement et en

particulier pour l’enseignement de la géographie, loin de là, mais au contraire par les milieux

industriels (Chambat, 1994 – Bardi et Bérard, 2005 – Chaptal, 2007). Pour Chambat, 1994,

« l’usage n’est pas un objet naturel mais un construit social » p.253. On peut se demander

comment l’enseignant après une phase d’apprentissage de ces outils les a adaptés à son

activité (Bazin, 1998). De plus, ces outils n’ayant pas été conçus pour les apprentissages, ils

ne les favorisent pas nécessairement. La pédagogie du document et la pédagogie magistro-

centrée ont même pu être renforcées par les TICE, en particulier par le TNI (Chaptal, 2007),

qui peut être vu par certains « comme étant une vitrine « magique » qui permettrait de

masquer une pauvreté pédagogique » (Baffico, 2009, p.66). De plus, les objectifs premiers,

par exemple, d’acquisition des concepts de la géographie, pourraient être occultés par des

enseignants qui auraient centré leur activité (et celle de leurs élèves) sur les TICE et leur

manipulation. Enfin, il ne faut pas oublier que les progrès en terme d’usages des TICE sont

ancrés sur les pratiques qui existent déjà (sociologie des usages – Chaptal, 2007).

La maîtrise de l’outil technique est un autre problème, et même si la seule limite réside

en les compétences du pédagogue, cela reste une limite importante. Le pédagogue doit à la

fois maîtriser dans le cadre de l’utilisation d’un TNI, l’ordinateur qui le pilote, le logiciel

associé (dit aussi propriétaire) et le ou les logiciels utilisés avec l’ordinateur (Baffico, 2009).

Les outils intégrés au TNI peuvent être qualifiés d’« endogènes » et les outils repris lors des

cours et externes au TNI peuvent eux être qualifiés d’« exogènes ». Par ailleurs, certains

outils sont « fortement intégrateurs », lorsqu’ils permettent de mettre en jeu plusieurs savoir-

faire ou que d’autres sont « faiblement intégrateurs » lorsqu’ils ne mobilisent qu’un ou deux

savoir-faire (Baffico, 2009).

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Pour les chercheurs cette appropriation de l’outil est évaluée à quelques années

(Macedo-Rouet, 2010b) et suit globalement plusieurs étapes successives qui peuvent

cohabiter dans le temps (voir tableau ci-dessous). Dans le cadre d’une recherche mêlant TICE

et géographie, il est donc important de travailler sur un corpus d’enseignants ayant

l’expérience de ces outils et d’un outillage conceptuel efficace pour répondre à cette question

de l’appropriation.

Figure 1 – Tableau des étapes successives d’appropriation du TNI

Etape Macedo-Rouet, 2010

Fourgous, 2012

1

Découverte :

utilisation

personnelle de l’outil

2

Support à la didactique : le TBI est essentiellement un

support de projection, qui peut apparaître comme une

nouveauté pour les élèves, mais qui n’est pas utilisé pour

l’interactivité.

Adoption :

utilisation

professionnelle mais la

pédagogie reste inchangée

3

Interactivité : l’usage du TBI incorpore des éléments

(démonstrations, tests de concepts, images, etc.) qui

stimulent les élèves à réfléchir et à résoudre des

problèmes, mais il est utilisé essentiellement comme un

tableau classique, avec des fonctionnalités innovantes

(annotation du document projeté, soulignage de texte,

enregistrement des annotations, etc.).

Appropriation : pédagogie

plus interactive

4

Interactivité améliorée : le TBI devient un moyen de

susciter la discussion, de développer des hypothèses et

de les tester, en utilisant différentes applications

logicielles. Il permet, par exemple, d’accéder à Internet

et à des documents enregistrés sur un ordinateur en

réseau. L’enseignant peut faire de cette consultation une

opportunité pour montrer aux élèves la démarche d’une

recherche d’informations.

Création :

pédagogie

innovante, élève acteur,

producteur et créateur

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Il est important de noter que pour Jean-Michel Fourgous, la majorité des enseignants se situe

à l’étape 1 ou 2. S’il nous a paru nécessaire de montrer que les TICE malgré les fortes

injonctions dont ils font l’objet ne font pas l’unanimité quant à leur plus-value intrinsèque,

elles n’en restent néanmoins pas moins un enjeu évident dans le cadre de la révolution

numérique d’aujourd’hui. Nous avons constaté en chapitre 1, partie 2 que la géographie se

prêtait bien, à priori, à l’usage des TICE et en particulier du TNI, même si peu de recherches

ont été menées sur l’utilisation des TICE en géographie au cycle 3. Avant d’aller plus loin

dans cette réflexion, il est nécessaire de poser précisément l’objet « enseignement de la

géographie au cycle 3 ». Il nous a paru, en conséquence, approprié de l’inscrire dans le champ

de la didactique de la géographie à l’école primaire.

2. Pratiques d’enseignement de la géographie à l’école primaire et