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Le principal diagnostic différentiel, particulièrement durant la vie fœtale, est la dysplasie valvulaire tricuspide. La malformation d’Ebstein ne doit pas être aussi confondue avec l’anomalie d’UHL. Dans les formes les plus sévères de la maladie d’Ebstein, la valve tricuspide est fermée ce qui doit être différencié de l’atrésie tricuspide.

On va détailler quelques-uns de ces diagnostics différentiels :

*anomalie d’UHL et dysplasie arythmogène du ventricule droit :

La malformation décrite par UHL en 1952(59) consiste en l’absence presque totale de fibres myocardiques dans la paroi du ventricule droit : « aplastie du myocarde du ventricule droit » ou « ventricule droit papyracé congénital ». De cette forme princeps, d’expression très précoce, on doit distinguer les « dysplasies arythmogènes du ventricule droit » qui n’ont ni la même intensité anatomique ni la même sévérité pronostique. Les lésions anatomiques y sont moins étendues, la symptomatologie est surtout constituée de troubles du rythme ; enfin, elles s’observent surtout chez l’adolescent et l’adulte jeune alors que l’anomalie d’UHL a surtout été décrite chez le nourrisson. Cependant, des cas de dysplasie arythmogène ont été décrits chez le jeune enfant(60). Il est probable que certains cas rapportés de dysplasie arythmogène aient été en réalité des maladies d’Uhl et vice versa. Il est aussi possible qu’il s’agisse de la même entité anatomopathologique avec des degrés de gravité différente.

 Anomalie d’Uhl

 Anatomie pathologique :

La forme isolée du nourrisson qui représente 50% des cas, comporte une dilatation considérable de la cavité ventriculaire droite. La paroi est réduite à une poche translucide qui acquiert, sur les pièces formolées, l’aspect du parchemin « parchment right ventricle ». A la coupe, l’épicarde et l’endocarde apparaissent accolés, le myocarde étant réduit à quelques ilots de fibres. Le muscle apparait au voisinage de l’anneau tricuspide. Il existe des formes partielles, moins sévères. L’oreillette droite est respectée et même généralement hypertrophique. Le cœur gauche est normal.

Le complexe malformatif associant à cette anomalie une agénésie de l’appareil tricuspide, réduit à quelques minuscules cordages, sans valves, une atrésie pulmonaire valvulaire et une communication inter-auriculaire de type ostium secundum, est une entité particulière, dont la fréquence chez le nouveau-né est à peu près la même que celle de la forme isolée. D’autres associations ont été décrites, en particulier avec la maladie d’Ebstein.

 Signes cliniques :

La forme isolée du nouveau-né et du nourrisson (61, 62, 63, 64, 65) se traduit par une asystolie précoce. Dans le complexe poly-malformatif décrit plus haut, il s’y associe une cyanose intense. Dans la forme isolée, l’évolution est plus longue mais mortelle avant la fin de la deuxième année de vie. La cyanose y est moins constante, souvent discrète ou intermittente. Les bruits du cœur sont assourdis, un bruit de galop est fréquemment perçu et on peut entendre un souffle systolique d’insuffisance tricuspide à l’endapex. La cardiomégalie est constante et très importante, les poumons ont une vascularisation pulmonaire

L’électrocardiogramme révèle toujours une hypertrophie auriculaire droite, tandis que l’axe électrique est normal ou dévié à gauche et que les complexes ventriculaires sont bas voltés dans toutes les précordiales droites. Il peut y avoir une hypertrophie ventriculaire gauche modérée. Des troubles du rythme ont été quelquefois rapportés chez ces patients(66), il semble qu’il s’agit plutôt alors de cas de dysplasie arythmogène.

L’échocardiogramme montre une forte dilatation de la cavité ventriculaire droite, un mouvement systolique antérieur paradoxal de la paroi antérieure du ventricule droit, une ouverture télé-diastolique de la valve pulmonaire et une fermeture retardée de la tricuspide(67) ; une ballonisation ou un prolapsus mitral peuvent être associés(68).

Le cathétérisme et l’angiographie expliquent la physiopathologie. Il y a « auricularisation » de la courbe ventriculaire : c’est en effet, l’oreillette droite qui assure, seule, la progression du sang vers l’artère pulmonaire, d’où une onde « a » très ample dans l’oreillette, mais aussi dans le ventricule et dans l’artère pulmonaire. La dilatation et la stase sont considérables, la contractilité faible, les parois ventriculaires droites d’une minceur extrême ; même en l’absence d’atrésie pulmonaire, le produit de contraste peut, chez le nouveau-né, ne pas progresser au-delà de l’infundibulum (atrésie pulmonaire « fonctionnelle »).

 Dysplasies arythmogènes du ventricule droit :

Cette affection bien décrite par Fontaine et Al. (69) a été progressivement dissociée de l’anomalie d’Uhl. Elle a été essentiellement décrite chez l’adolescent et l’adulte jeune, et prédomine dans le sexe masculin.

musculature ventriculaire droite sont respectées. On trouve des images de dégénérescence des fibres myocardiques, une fibrose et souvent une infiltration graisseuse d’où le nom qui lui est aussi donné de « lipamatosis cordis ». Ces formes s’opposent aux formes acquises du ventricule droit papyracé de l’adulte (atrophies myocardiques d’origine ischémique, dégénérescence graisseuse du ventricule droit).

 Signes cliniques :

Le plus souvent, il s’agit d’adolescents ou d’adultes jeunes qui consultent pour palpitations, tachycardie ou syncopes. Il semble que cette affection soit à l’origine de certaines tachycardies ventriculaires à crises répétitives. On peut aussi observer une extrasystolie ventriculaire abondante, survenant souvent à l’effort(68). Il est rare mais possible que les troubles rythmiques récidivants précèdent l’installation d’une défaillance cardiaque parfois rapidement irréductible, mais qui peut répondre au traitement anti-arythmique et être ainsi compatible avec une survie prolongée. Enfin, on a décrit dans cette affection des morts subites par fibrillation ventriculaire. L’auscultation est habituellement assez pauvre, on note seulement parfois un quatrième bruit.

En radiologie, il y a une cardiomégalie discrète mais la vascularisation pulmonaire est habituellement normale.

A l’électrocardiogramme, on observe le plus souvent un bloc de branche droite et une inversion des ondes T de V1 à V4. Lorsque l’on a l’occasion d’observer les crises de tachycardie, il s’agit soit de tachycardie de type ventriculaire, ou bien lors de la tachycardie, les complexes ont un aspect de bloc

A l’échocardiographie, il y a une augmentation des dimensions diastoliques du ventricule droit, mais la valve tricuspide est en position normale. Il y a habituellement un mouvement septal anormal. Bien que certains auteurs(70) considérant que l’échocardiographie peut, à elle seule, établir le diagnostic en montrant des zones localisés de dyskinésie ventriculaire droite, l’image peut aussi être normale.

Au cathétérisme, on peut parfois observer des ondes A élevées à la courbe de pression auriculaire droite. La ventriculographie droite montre dans tous les cas décrits, des zones akinétiques qui siègent au niveau de la chambre d’admission, sur la face diaphragmatique ou au niveau de l’infundibulum, ainsi que la dilatation du ventricule droit et un retard d’évacuation de ce ventricule (60, 71, 72).

A la ciné-angiographie, les anomalies de la cinésie ventriculaire droite sont caractéristiques avec notamment une expansion systolique de la chambre de sortie. Les études électro-physiologiques ne montrent rien d’anormal en rythme sinusal, mais une stimulation programmée peut induire une tachycardie ventriculaire. La biopsie cardiaque montre une dégénérescence lipofibreuse de la zone dyskinétique(73,74)

 Insuffisance tricuspide congénitale :

Ce sont des anomalies rares si l’on excepte celles qui sont dues à la malformation d’Ebstein, à la malformation d’Uhl ou à certaines formes partielles de canal atrio-ventriculaire.

 Anatomie pathologique :

Désignés parfois par le terme « dysplasie valvulaire tricuspide »(75), les lésions intéressent surtout les cordages qui sont courts et limitent la mobilité des valves. Accessoirement, on peut rencontrer des lésions des valves elles-mêmes dont les caractéristiques sont variables : minceur extrême ou épaississement irrégulier, fusion des valves septale et postérieure, agénésie de la valve antérieure ou absence complète des valves.

La dilatation des cavités droites est toujours importante ; la « lésion de jet » qui se développe plus ou moins rapidement, peut réaliser de véritables anévrismes de l’oreillette droite(76). On signale peu d’associations. La valve mitrale est parfois malformée(77).

 Signes cliniques :

Comme dans la malformation d’Ebstein, la tolérance est très variable et dépend du degré des lésions. Toutes les formes intermédiaires existent entre la forme néonatale grave avec cyanose réfractaire et défaillance cardiaque, réalisant un syndrome d’obstruction fonctionnelle de la voie pulmonaire, et les formes discrètes du grand enfant, décelées seulement grâce à leur souffle caractéristique.

La cyanose précoce et intense dans la forme néonatale, liée au shunt droite-gauche par le foramen ovale, est plus tardive ou manque dans les formes bien tolérées. Typiquement, elle s’accompagne d’une turgescence jugulaire et d’une hépatomégalie pulsatile.

La défaillance cardiaque peut être dramatique dans les formes néonatales. Elle peut apparaitre progressivement au cours de l’enfance et revêtir l’aspect « tricuspide » classique avec dénutrition, ascite, œdèmes, faciès dit de « Shattuck » (émacié, cyanotique et sub-ictérique).

Les troubles rythmiques sont habituels à partir de la seconde enfance. Il s’agit surtout de fibrillation ou de flutter auriculaire.

Le souffle systolique xiphoïdien, plus intense en inspiration forcée, souvent doux, parfois rude et frémissant, est habituel mais peut manquer. Un roulement diastolique est parfois associé.

En radiographie, la cardiomégalie est de règle : parfois monstrueuse chez le nouveau-né, elle peut prendre un aspect évocateur chez le grand enfant, avec un débord droit considérable, qui donne au cœur un aspect symétrique ou simule parfois une tumeur para-cardiaque droite.

L’électrocardiogramme est à prédominance d’hypertrophie auriculaire droite. L’hypertrophie ventriculaire droite avec image qR en V1 est habituelle.

L’échocardiographie associée au Doppler affirme le diagnostic d’insuffisance tricuspide et en démontre souvent le mécanisme ainsi que les anomalies associées éventuelles.

Le cathétérisme montre une élévation de la pression auriculaire droite, caractérisée par une onde « V » très ample.

La ciné-angiographie en oblique antérieure droite montre le reflux massif du produit de contraste injecté dans le ventricule droit. Dans les formes légères, le diagnostic peut être difficile et l’on doit éliminer un artéfact d’injection(5).

 Diagnostic :

La forme du nouveau-né avec sa cyanose profonde et réfractaire, son souffle systolique intense et sa cardiomégalie à poumons clairs, pose le diagnostic des atrésies pulmonaires « fonctionnelles » (malformations d’Ebstein, d’Uhl, hypoplasie isolée du ventricule droit). Leur caractère commun est la conjonction d’un shunt droit-gauche massif auriculaire et de pressions ventriculaires droites peu élevées. Dans l’atrésie pulmonaire à septum inter-ventriculaire intact, la régurgitation tricuspide est également massive mais la pression ventriculaire droite est très élevée(5).

On a aussi décrit des insuffisances tricuspides transitoires qui peuvent être massives, probablement secondaires à une dysfonction des muscles papillaires provoquée par de l’ischémie sous-endocardique chez des nouveau-nés hypoxiques(78,79).

La forme du grand enfant pose surtout le diagnostic des insuffisances tricuspides acquises, par endocardite bactérienne ou par lésion mitrale rhumatismale sévère ayant entrainé une dilatation du cœur droit.

L’échocardiographie et l’angiocardiographie permettront de séparer l’insuffisance tricuspide congénitale de ces lésions acquises et des autres anomalies congénitales comme la maladie d’Ebstein et le canal atrio-ventriculaire(5).

 Hypoplasie isolée du ventricule droit :

L’hypoplasie isolée du ventricule droit est une anomalie congénitale exceptionnelle : le premier cas a été rapporté par Gasul en 1959(80) ; depuis lors, une vingtaine d’observations seulement ont été rapportés dans la littérature. L’hypoplasie du ventricule droit est en effet associée dans la majorité des cas à une atrésie tricuspide, à une atrésie pulmonaire ou à une sténose pulmonaire sévère, et beaucoup plus rarement à une large communication inter-ventriculaire ou à une transposition des gros vaisseaux. Lorsqu’elle est « isolée », elle est en fait associée à un foramen ovale perméable ou à une véritable communication inter-auriculaire. Cette anomalie est due à un défaut de développement, au cours de la vie fœtale, de la portion sinusale ou portion trabéculée du ventricule droit, contrastant avec un développement normal de la chambre d’admission et surtout de la chambre de chasse, qui est même parfois dilatée. La cavité ventriculaire droite est donc de petite taille, mais l’épaisseur de la paroi ventriculaire est elle-même normale, ce qui différencie fondamentalement cette anomalie du ventricule droit papyracé ou maladie d’Uhl.

Le retentissement physiopathologique de la malformation dépend de l’importance de l’hypoplasie du ventricule droit et de la taille de la communication inter-auriculaire.

L’hypoplasie ventriculaire entraîne en effet un trouble de compliance, responsable d’une élévation de la pression de remplissage du ventricule droit, ce qui élève la pression auriculaire droite, et ce d’autant plus que la communication inter-auriculaire est plus petite. Cette augmentation de pression auriculaire droite provoque un shunt droit-gauche. Le shunt droit-gauche est d’autant plus

droit moins compliant. Tous les degrés de sévérité sont possibles entre l’hypoplasie extrême du ventricule droit avec simple foramen ovale perméable provoquant une cyanose intense et une insuffisance cardiaque, avec mort au cours des premiers mois de vie, et l’hypoplasie modérée du ventricule droit avec une large communication inter-auriculaire, permettant la survie à l’âge adulte (26, 81,82). Dans près la moitié des cas publiés, il s’agissait de formes familiales (73, 75, 83).

Les constatations clinques orientent le plus souvent vers le diagnostic d’atrésie tricuspide : il y a en effet une cyanose d’intensité variable, une dyspnée modérée, un souffle systolique peu intense de type éjectionnel, un volume cardiaque à peine augmenté sur le cliché thoracique de face et à l’électrocardiogramme, un allongement de l’espace PR dans un tiers des cas, une hypertrophie auriculaire droite dans trois-quarts des cas et une hypertrophie ventriculaire gauche, évidente dans plus de la moitié des cas, avec déviation de l’axe QRS au-delà de -10 degré.

L’échocardiographie élimine d’autres diagnostics qui peuvent être discutés devant cet ensemble clinique, en particulier l’atrésie tricuspide, la maladie d’Ebstein, l’atrésie pulmonaire ou l’exceptionnelle sténose tricuspide congénitale. Elle montre surtout la petite taille du ventricule droit.

Le cathétérisme met en évidence l’augmentation de la pression auriculaire droite avec la grande onde A, sans gradient de pression diastolique entre oreillette et ventricule droits, et l’existence d’une communication inter-auriculaire ou d’un foramen ovale perméable avec shunt droit-gauche et

L’angiographie affirme le diagnostic : la dilatation très franche de l’oreillette droite contraste avec la petite taille de la portion trabéculée du ventricule droit, qui a un aspect lisse, tandis que l’infundibulum a une taille normale. L’orifice tricuspide est petit dans les formes sévères.

L’évolution spontanée est sévère en l’absence d’intervention, il semble que les chances de survie soient d’autant plus grandes chez le nourrisson que la communication inter-auriculaire est plus large : celle-ci joue en effet, en présence de la gêne au remplissage du ventricule droit, le rôle de « soupage de sûreté », en s’opposant à la forte élévation des pressions auriculaires droites. D’ailleurs la plupart des patients décédés étaient des nouveau-nés ou des nourrissons n’ayant qu’un foramen ovale perméable(5).

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