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Di¤érentiation de la subvention croisée et du "cost shifting"

On propose une modélisation simple pour illustrer la di¤érence entre subventions croisées et "cost shifting", nous adoptons la même formalisation que celle du cha- pitre précédent. Pour simpli…er l’analyse nous présentons un cadre horizontal. Une entreprise remplit donc une mission de service public et propose un bien vendu sur un marché concurrentiel. Le marché concurrentiel est un duopole de Cournot. Les notations sont identiques à celles de la section précédente. On simpli…e en supposant que le SIEG est rendu gratuitement il est alors compensé par l’Etat sur la base de son coût incrémental plus une proportion du coût commun.

Aide = CI(SIEG) + kF

L’entreprise a la possibilité de faire croire au régulateur qu’une partie des coûts variables du marché concurrentiel est en fait attribuable au marché régulé. Plus les coûts du marché concurrentiel sont importants, plus l’entreprise possède la possibilité de tromper le régulateur sur leur a¤ectation réelle. A…n de prendre cette e¤et en compte on écrit le "cost shifting" de la façon suivante :

S = s cc qc

Avec S le montant total de "cost shifting" et s la part des coûts sur laquelle l’entreprise peut tromper son régulateur. En conséquence l’aide versée réellement à

l’entreprise prendra la forme suivante :

Aide = CI(SIEG) + kF + s cc qc (3.7)

d est la constante associée à la demande, cc est le coût marginal constant de la

…rme sur le marché concurrentiel, et cn est le coût du concurrent. Le prix adopté

par la …rme sur le marché concurrentiel est le suivant :

pc =

d + cc(1 s) + cn

3

On retrouve le résultat traditionnel d’un duopole à la Cournot sauf que sur le marché concurrentiel tout se passe comme si la …rme ne subissait pas l’intégralité de ses coûts, puisqu’en e¤et, elle peut en récupérer une partie à travers une hausse de la subvention allouée au SIEG. Partons de la situation sans "cost shifting" c’est à dire pour s = 0. Le prix de l’entreprise régulée sur le marché concurrentiel est donc le suivant :

pc =

d + cc+ cn

3

Le prix de l’entreprise sur le marché concurrentiel est bien supérieur au coût incrémental moyen (sous les hypothèses du modèle détaillées dans le chapitre II). Sur le marché régulé le revenu dégagé est bien inférieur au coût de fourniture isolée puisqu’en remplaçant s par 0 dans (3.7) on a :

Aide = CI(SIEG) + kF

Suite au "cost shifting" on cherche à comparer le prix sur le marché concurrentiel

d+cc(1 s)+cn

3 au coût incrémental moyen c’est à dire cc.

d + cc(1 s) + cn 3 < cc (3.8) c’est à dire si d + cn 2cc cc < s

On voit aisément que cette condition ne sera pas toujours véri…ée, ainsi le nu- mérateur est par hypothèse positif, si le "cost shifting" tend vers zéro l’inégalité est donc violée. Cela signi…e qu’il faut que le "cost shifting" soit relativement important pour que l’on observe un prix inférieur au coût incrémental moyen. On peut égale- ment véri…er si le revenu dégagé par la mission de service public dépasse le coût de fourniture isolée. On rappelle en e¤et que le pro…t de la …rme n’est pas nul et que le test du coût de fourniture isolée et du coût incrémental ne coïncident donc pas. Le montant de l’aide est donné par :

Aide = CI(SIEG) + kF + s cc qc

de la même façon si s tend vers zéro le revenu ne dépassera pas le coût de fourniture isolée il faut que s soit su¢ samment grand pour que ce soit le cas. C’est à dire qu’il n’y aura subvention croisée au sens d’un revenu supérieur au coût de fourniture isoléee que si le "cost shifting" est su¢ semment grand. Le "cost shifting" et la subvention croisée ne se confondent que dans des cas très spéciaux. Supposons ainsi qu’il n’existe plus de coût …xe commun. Pour F = 0 , l’équation (3.7) devient :

Aide = CI(SIEG) + s cc qc

On voit que dès que le "cost shifting" est positif on a un revenu supérieur au coût de fourniture isolée (qui est ici identique au coût incrémental). Sur le marché concur- rentiel pour que le "cost shifting" génère un revenu inférieur au coût incrémental on a montré qu’il fallait que :

d + cc(1 s) + cn

Si l’on souhaite que le "cost shifting" génère une subvention croisée quel que soit l’ampleur de ce premier, il faudra que l’on ait une subvention croisée lorsque s tend vers zéro et également quelquesoit s supérieur à 0. On souhaite donc que l’inégalité ci dessus soit véri…ée pour s qui tend vers zéro, c’est à dire :

d + cc+ cn

3 cc

On souhaite également qu’en l’absence de "cost shifting" il n’y ait pas de subven- tion croisée, c’est à dire pour s = 0, le prix est supérieur ou égal au coût incrémental moyen :

d + cc+ cn

3 cc

Au …nal on trouve qu’il y a équivalence entre un revenu sous le coût incrémental et "cost shifting" si et seulement si :

d + cc+ cn

3 = cc

C’est à dire que si le coût incrémental moyen de l’activité concurrentielle est égal au prix du marché concurrentiel (pour un "cost shifting" nul) et si il n’y a pas de coûts communs alors il y aura e¤ectivement équivalence entre les subventions croisées au sens de Faulhaber et le "cost shifting". Ces deux conditions permettent en e¤et d’assurer que chaque produit couvre précisément son coût incrémental et son coût de fourniture isolée qui sont ici confondus. L’apparition d’un "cost shifting" même minime va venir perturber cet équilibre et le résultat sera que le marché concurrentiel ne couvre plus son coût, tandis que le SIEG génère un revenu qui sera lui supérieur à son coût. Quand les conditions posées ne sont pas satisfaites il n’y aura pas d’équivalence entre la subvention croisée et le cost shifting, plus précisément, dans le cadre de ce modèle, le cost shifting sera une condition nécessaire mais pas su¢ sante à l’apparition de subventions croisées.

Par ailleurs nous avons vu dans le second chapitre que le "cost shifting" est une stratégie pro…table même si le concurrent n’est pas exclu du marché, cependant on remarque ici que le pro…t du concurrent en présence de "cost shifting" s’écrit :

n = (

d 2cn+ cc(1 s)

3 )

2 G

Gétant un coût …xe quelconque subi à chaque période par le concurrent. C’est à

dire que le pro…t du concurrent sera une fonction décroissante du "cost shifting". En conséquence même si l’entreprise en charge du SIEG n’a pas d’intention prédatrice, l’exclusion du concurrent peut apparaître comme un "dommage collatéral" de la stratégie de "cost shifting".

On voit que la tache à la quelle sont confrontées les autorités de la concurrence n’est pas aisée. D’une part il existe un risque de confusion entre la subvention croi- sée et le "cost shifting", d’autre part le "cost shifting" peut éventuellement avoir les mêmes e¤ets qu’une stratégie prédatrice ce qui peut être source d’une nouvelle confusion. Le Conseil de la Concurrence français a été confronté à de nombreuses a¤aires entremêlant ces di¤érentes notions de "cost shifting" et de subventions croi- sées, nous présentons ici la pratique du Conseil de la Concurrence à travers une a¤aire type. Cette a¤aire nous permettra par ailleurs de montrer que le modèle pré- senté plus haut n’a pas qu’un intérêt théorique mais peut expliquer dans la pratique des comportements qui semblent à priori irrationnels.