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Le deuxième effet de la crise : la variation du bien-être associé au statu quo

Annexe I.2. : Elections boliviennes du 30 juin 2002

2. La crise comme facteur de dynamisation du modèle

2.2. Le deuxième effet de la crise : la variation du bien-être associé au statu quo

Le deuxième effet de la crise est une diminution du bien-être associé au statu quo. A chaque itération la comparaison se fait au temps 1 par rapport à une valeur 1st

U puis au temps

2 avec une valeur 0 2st 1

U U

≤ < st. Nous obtenons alors comme condition d’acceptation pour un

individu : (1 2) 2 2

st

a b U

α β

− + ≥ .

Cette nouvelle condition est plus facile à atteindre que celle du temps 1. Dès lors, la réforme a plus de chance de passer. La droite d’acceptation évolue dans un sens favorable à la

réforme. Alors, un point

( )

α β, qui était en dehors de la zone d’acceptation au temps 1 peut s’y retrouver au temps 2. De plus, si les hypothèses de Williamson sont vérifiées, l’évolution de

( )

α β, est telle que

( )

α β, et la droite d’acceptation (D’) se rapprochent l’un de l’autre.

Si l’on suppose des agents ayant des évolutions de leurs α et β différentes de ce que prévoit Williamson, la réforme ne pourra alors se faire que si la situation de statu quo se dégrade assez vite pour compenser les modifications de α et β des agents. Ceci explique pourquoi des crises très violentes et ayant un impact fort sur le bien-être des agents ont plus de chance de provoquer la réforme.

Il apparaît que la crise économique ne peut être un facteur déclenchant de la réforme que dans le cas où le point

( )

α β, finit par se trouver dans la zone d’acceptation de la réforme. Si ce n’est pas le cas, le statu quo perdurera et cela quelle que soit la gravité de la crise. En effet, α et β sont à leurs valeurs limites et ne peuvent donc atteindre la zone d’acceptation de la réforme que si la diminution du bien-être est suffisante. C’est ici que la distinction de Drazen entre crise grave et crise très grave prend tout son sens. Il est alors clair que les formes des fonctions f et g sont fondamentales puisqu’elles déterminent l’évolution du niveau de désintérêt social et le niveau d’intérêt individuel. Les formes de f et g sont définies par le type de crise (crise d’hyperinflation, chômage de masse etc.).

La réforme peut se faire au travers d’une modification des valeurs des gains et des pertes associés à son acceptation. Dès lors, les pays possédant des marges de manœuvre peuvent jouer sur ce levier pour faire passer des réformes, tandis que les pays soumis à des programmes de réformes rigides n’ont aucune marge et ne peuvent pas mettre en place de politiques actives pour sortir du statu quo74

.

L’hypothèse de crise n’est pas une tautologie mais il apparaît clairement que la crise n’est pas une solution miracle permettant d’assurer l’acceptation de la réforme par la majorité des agents ; il peut parfois arriver qu’elle ne permette pas de sortir du statu quo. La relation causale entre crise et réforme n’est donc pas du tout évidente et doit s’analyser à la lumière du type de crise mais aussi de son impact sur les niveaux de désintérêt social, d’intérêt individuel des agents et leur bien-être. Tous ces éléments vont conditionner leur comportement vis-à-vis de la réforme.

74 Ceci peut justifier la volonté de résorber les déficits publics durant les périodes de croissance pour avoir des

marges de manœuvre durant les périodes de crise. Elles permettront de diminuer les coûts individuels des réformes nécessaires en compensant partiellement les perdants.

Toutefois, la crise modifie aussi l’utilité associée au statu quo par les agents : à chaque itération les agents voient leur utilité diminuer, ils sont alors prêts à faire des concessions supplémentaires pour que cesse la crise et que la réforme soit acceptée. Ils soutiendront une réforme même si cette dernière leur est coûteuse puisqu’ils ne désireront pas continuer à subir la crise. Ceci se traduit dans le modèle par une modification de la droite d’acceptation : on observera une translation de celle-ci.

Conclusion

L’hypothèse de crise est un concept utile pour comprendre les relations liant la crise à la réforme mais elle doit être utilisée avec prudence car sa simplicité n’est qu’apparente. Elle soulève de nombreux problèmes du point de vue opérationnel.

Ce modèle simple montre qu’il n’existe pas de relation certaine entre la crise économique et la réforme, même en se plaçant dans des cas où les individus ont des comportements favorables à la réforme. Certes, une crise peut conduire à modifier les fonctions d’évolution75 de l’intérêt porté à sa situation personnelle et du désintérêt porté à l’égard de la société et mettre fin au statu quo. Ce scénario nécessite de la part des agents des modifications culturelles et psychologiques qui ne peuvent prendre place que dans une perspective de moyen ou long terme.

Nous avons pu vérifier cela pour deux types de réformes : celles à caractère sociale (comme par exemple les réformes en liaison avec l’idée de solidarité nationale et de biens publics) et celles à caractère individualiste (baisse d’impôts etc.).

A travers ce chapitre, nous avons contribué à éclairer sous un angle différent la controverse opposant Dani Rodrik à Allan Drazen à propos de ce que peut être une crise grave et une crise très grave. Nous donnons un contenu à la notion de gravité d’une crise. Ceci nous amène à rejeter la première critique de Rodrik concernant l’aspect tautologique de l’hypothèse de crise. A niveau de pertes et de gains donnés, nous avons vu que sous certaines conditions sur les fonctions d’évolution de f et de g (comme par exemple « l’hypothèse de Williamson »), il existait des limites 1 lim n

n l α →+∞ = et 2 lim n n l β →+∞

= . Cela signifie que si la crise

perdure mais que les fonctions d’évolution f et g, qui déterminent les réactions de la société à la crise, ne sont pas modifiées, alors tout se passe comme si la société dans son ensemble refusait d’aller plus loin dans la révision de la moyenne α des niveaux de désintérêt par rapport à la société et de la moyenne β des niveaux d’intérêt personnel et cela quelle que soit l’ampleur de la crise76. Théoriquement cela peut même rendre la réforme plus difficile à faire

75 Il s’agit des fonctions notées f et g dans le modèle.

76 Cela signifie que les paramètres αet β suffisent pour décrire l’évolution de la situation. Ceci peut paraître

surprenant au premier abord mais l’est beaucoup moins si l’on se souvient que des phénomènes analogues existent en mécanique statistique : un système composé d’un très grand nombre d’atomes peut voir émerger en

accepter. Ceci permet d’expliquer pourquoi certains pays ne parviennent pas à réformer quand ils subissent des crises de faible intensité mais sur de longues périodes. Nous rejoignons la critique fonctionnaliste de Weyland qui conteste l’idée qu’une crise grave mènera tôt ou tard à la mise en place de réformes. Notre modèle soutient l’idée qu’une crise économique, aussi grave soit-elle, n’entraînera pas automatiquement des réformes. De plus, nous montrons que certains programmes de réformes imposés par les organismes internationaux qui ne laisseraient aucune marge de manœuvre aux Etats peuvent se révéler nuisibles si la crise à elle seule ne permet pas de provoquer la réforme. Nous avons dans ce cas tous les aspects négatifs des crises sans en avoir le bénéfice attendu : le changement.

son sein des propriétés collectives (pression, température) dont l’évolution est déterminée sans que l’on ait besoin de connaître dans le détail le comportement de tous les atomes.

Annexes au chapitre II