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3.3 Un nouveau mod` ele de propagation

3.3.1 Description du mod` ele

Le but est de construire un mod`ele de feu simple, bas´e sur les ´ev´enements ´

el´ementaires tir´es des ´etudes de terrain, et tel que le comportement ´emergent – en particulier les formes des aires brˆul´ees – soit compatible avec celui du syst`eme r´eel.

Simplification du mod`ele ´energ´etique. Il ne s’agit pas d’´ecrire une ver- sion discr´etis´ee d’un mod`ele ´energ´etique mais d’en tirer un mod`ele compatible avec lui mais plus simple. Que signifie l’´equation (3.5) ? D’abord, elle d´ecrit l’´evolution des variables d’´etat : temp´erature et masse d’une parcelle de v´eg´eta- tion. Cette parcelle re¸coit de la chaleur de la v´eg´etation en feu environnante, ce qui induit une augmentation de sa temp´erature. Si cette temp´erature d´epasse une temp´erature seuil (ou, de fa¸con ´equivalente, si la chaleur stock´ee – l’´energie

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Mod`ele Carte initiale Lois d’´evolution

Percolation de sites Proportion p de sites V 1− p de sites vides

E + V −→ ∅ + E1 Percolation de liens Homog`ene E + V −→ ∅ + Ep Percolation dynamique Homog`ene E−→ ∅p

sinon, un des voisins est choisi au hasard et passe dans l’´etat E s’il est V

Mod`ele de  feux de fo- rˆet 

Homog`ene E + V −→ ∅ + E1

V −→ Ef ∅−→ Vp Percolation avec persis-

tance

Homog`ene E + V −→ E + Eq

E−→ ∅p

Tab.3.2 – Synth`ese des diff´erents types de mod`eles de propagation de feux de type per- colation. Pour chaque mod`ele, l’espace est discr´etis´e en cellules et chaque cellule peut se trouver dans trois ´etats : V´eg´etation (V , susceptible de brˆu- ler), Enflamm´e (E, susceptible d’enflammer une cellule V dans son voisi- nage), Vide (∅, soit absence de v´eg´etation, soit ´etat apr`es combustion).

interne – dans cette parcelle d´epasse une valeur seuil) la v´eg´etation s’enflamme. Une fois enflamm´ee, la combustion produit de la chaleur (qui est transmise `

a la v´eg´etation environnante). Ce d´egagement de chaleur s’accompagne d’une consommation de la masse combustible, jusqu’`a extinction.

Finalement, cela revient `a consid´erer les deux propri´et´es du combustible mises en avant par Trabaud [109] : l’inflammabilit´e et la combustibilit´e. Il suffit donc d’avoir un mod`ele des temps n´ecessaires `a l’inflammation et `a la combus- tion de chaque parcelle de v´eg´etation. Comment tenir compte des h´et´erog´en´ei- t´es de la v´eg´etation (densit´e du combustible, variations locales de temp´erature, humidit´e, vent, etc.) ? La premi`ere possibilit´e consiste `a les consid´erer explicite- ment et bˆatir un mod`ele des temps de combustion et d’inflammation en fonction de ces param`etres. La seconde possibilit´e consiste `a consid´erer que ces h´et´ero- g´en´eit´es induisent des variations autour d’une valeur moyenne. Ainsi, il suffit de consid´erer un mod`ele stochastique des temps de combustion et d’inflammation. L’h´et´erog´en´eit´e peut donc ˆetre int´egr´ee de fa¸con explicite dans les param`etres ou de fa¸con statistique comme induisant des variations al´eatoires des variables. En l’absence de donn´ees pr´ecises sur les m´ecanismes liant param`etres et variables, c’est la seconde solution qui a ´et´e retenue.

Description. La v´eg´etation est consid´er´ee comme homog`ene (au sens o`u les h´et´erog´en´eit´es sont incluses dans le mod`ele stochastique) et l’espace est discr´e- tis´e en cellules. Chaque cellule peut ˆetre dans trois ´etats : v´eg´etation, en feu ou brˆul´ee. Consid´erons deux cellules voisines, dont l’une est en feu et l’autre encore `

a l’´etat v´eg´etation. La cellule en feu ´emet par unit´e de temps la chaleur dQcomb

toute la charge combustible est consomm´ee) : Z

dQcomb = Q∞. (3.7)

Qcomb est un processus al´eatoire, dont les accroissements peuvent ˆetre d´e-

riv´es de l’´equation de perte de masse du combustible avec un bruit al´eatoire correspondant aux h´et´erog´en´eit´es diverses. Alors, le temps n´ecessaire pour at- teindre Q est ´egalement une variable al´eatoire dont la distribution d´epend de celle de Qcomb (ce temps est d´efini comme le temps d’acc`es ou hitting time du

processus al´eatoire). L’option choisie ici est de d´efinir a priori la distribution du temps d’acc`es `a Q comme ´etant binomiale. A chaque unit´e de temps, on a la mˆeme probabilit´e p d’atteindre la chaleur d’extinction.

Le temps d’inflammation est d´efini de fa¸con ´equivalente. On consid`ere que la maille de discr´etisation est telle que chaque cellule ne re¸coit de la chaleur que de ses voisines imm´ediates. La fraction de la chaleur ´emise par chacune des voisines re¸cues par la cellule d´epend des conditions ext´erieures, en particulier de la pente et du vent. Chaque cellule re¸coit par unit´e de temps l’´el´ement de chaleur dQdif. Elle s’enflamme lorsqu’elle a re¸cu une quantit´e de chaleur Q0,

qui lui a permis de lui faire atteindre la temp´erature d’inflammation : Z

dQdif = Q0. (3.8)

Le temps n´ecessaire pour atteindre l’inflammation est plus compliqu´e `a d´e- terminer, car il d´epend du nombre de voisins en feu (plus il y a de cellules en feu autour, plus la chaleur re¸cue est importante). De la mˆeme fa¸con que pr´e- c´edemment, le temps d’inflammation est mod´elis´e par une variable al´eatoire de distribution binomiale : `a chaque unit´e de temps, chaque voisin enflamm´e a la probabilit´e q d’apporter la quantit´e de chaleur n´ecessaire `a l’inflammation. A chaque unit´e de temps, la probabilit´e d’inflammation est donc

1− (1 − q)k, (3.9)

o`u k est le nombre de voisins enflamm´es.

Les deux param`etres p (combustibilit´e) et q (inflammabilit´e) d´ependent `a la fois des caract´eristiques du v´eg´etal, des conditions climatiques globales (hu- midit´e) ou locales (vent). La vitesse de propagation, qui ´etait au centre des m´ethodes d´eterministes, devient ici une cons´equence de la valeur prise par la paire de param`etres (p, q).

Comparaison avec les mod`eles pr´ec´edents. Ce mod`ele de la propagation de feu est le produit de consid´erations sur le d´eroulement d’un feu (consid´era- tions ´energ´etiques), sur l’identification des m´ecanismes de base et de la mo- d´elisation de ces processus. En repartant `a la source (au syst`eme feu) plutˆot que d’essayer de raffiner quelque chose ou de travailler par analogie, c’est un mod`ele de type percolation qui apparaˆıt, o`u la vitesse de progression n’est pas le param`etre mais la r´esultante du mod`ele.

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Le point faible de ce mod`ele est clairement l’hypoth`ese sur la distribution des temps d’acc`es aux chaleurs d’inflammation et d’extinction. Comme les consi- d´erations tir´ees de cette ´etude sont qualitatives (mod`ele explicatif), l’approxi- mation de distribution binomiale de ces temps d’acc`es suffit (c’est l’hypoth`ese la plus simple : chaque pas de temps a la mˆeme probabilit´e de voir apport´e ou enlev´e l’incr´ement de chaleur qui allume ou ´eteint la cellule). Ce faisant, le mod`ele entre dans la classe g´en´erale des mod`eles de percolation de Bernoulli, la plus couramment ´etudi´ee.

Etude heuristique. Que peut-on dire a priori d’un tel syst`eme ? Tout d’abord, il s’inscrit dans le cadre g´en´eral des mod`eles de percolation. On s’at- tend donc `a l’existence d’une courbe (chemin critique) dans l’espace `a deux dimensions des param`etres (p, q) s´eparant une zone (sur-critique) o`u le feu peut se propager d’une zone o`u le feu s’´eteint rapidement (sous-critique). Dans la r´egion sur-critique o`u le feu se propage, on peut d´efinir des courbes iso-vitesse de propagation.

Un incendie d´emarre et se propage si les conditions locales font que p et q se trouvent dans la r´egion sur-critique. Au cours du temps, avec les variations climatiques ou topographiques, p et q ´evoluent en chaque endroit du front de flamme. Le feu s’´eteint en un endroit donn´e lorsque (p, q) traverse le chemin critique, mˆeme s’il peut continuer de se propager en un autre endroit. A un moment donn´e le feu est partout ´eteint. Partout, au moment de l’extinction, le couple de param`etres (p, q) venait de passer le chemin critique. Et mˆeme s’il ne l’a pas pass´e partout au mˆeme moment, le p´erim`etre de la r´egion brˆul´ee a les propori´et´es de celui des amas critiques.