4.3 Théorie de Bruhat-Tits : cas quasi-déployé
4.3.1 Description d’une alcôve fondamentale par ses cloisons
4.3.1 Définition. Une cloison est une facette de X(G, S) de codimension 1.
On veut décrire numériquement, en fonction de certaines racines relatives et leurs ensembles de valeurs, les murs bordant une alcôve donnée. Pour ceci, on peut s’appuyer
sur un système de racines dual, qu’il est nécessaire de considérer dans les cas d’extensions ramifiées.
Premièrement, on définit un système de racines dual de Φ par une normalisation convenable du système de racines dual canonique. On rappelle que, dans cette section, le système de racines Φ est irréductible par hypothèse d’absolue simplicité sur G.
4.3.2 Notation. On considère une réalisation géométrique de Φnd dans l’espace euclidien
V∗,(·|·). Pour chaque racine a ∈ Φnd, on pose λa = µ
2
(a|a) ∈ {1, d
0} et aD = λ
aa ∈ V où
µdésigne la longueur d’une racine longue, de sorte que aD = a pour toute racine longue.
L’ensemble ΦD
nd = {aD, a ∈Φnd}est un système de racines, car il est proportionnel (par
le facteur µ2
2 ) au système de racines inverse Φ
∨ de [Bou81, VI.1.1 Prop. 2]. En particulier,
si Φ est un système de racines irréductible et réduit, alors on a l’égalité ΦD = Φ si, et
seulement si, c’est un système de racines simplement lacé (i.e. de type A, D ou E). De plus, par [Bou81, VI.1.5 Rem.(5)], si ∆ est une base de Φ, alors ∆D = {aD, a ∈∆} est
une base de ΦD nd.
Bien que Φ∨ et ΦD soient construits strictement en termes de théorie de Lie, on a
trouvé qu’il était plus pratique d’introduire le système de racines suivant Φδ qui prend
également en compte la nature des extensions de déploiement attachées aux racines.
4.3.3 Définition. Pour toute racine non divisible a ∈ Φnd, on note δa ∈ {1, d0} l’ordre
du groupe quotient ΓLa/ΓLd (resp. ΓLa/ΓL0) si Φ est réduit (resp. non réduit), on pose aδ = δaa et Φδnd = {aδ, a ∈Φnd}. On pose ∆δ = {aδ, a ∈∆}. On va voir que Φδnd = Φnd
ou ΦD nd.
4.3.4 Notation. Dans la suite, on notera :
— h la plus haute racine de Φ par rapport à la base ∆ ;
— θ ∈ Φnd la racine telle que θδ est la plus haute racine de Φδnd par rapport à la base
∆δ.
De plus, si Φ est non réduit, on va voir que Φδ
nd = ΦDnd = Φnm, de sorte que h = 2θ.
On remarque que si a est multipliable et 2l ∈ Γ0
2a, il est possible que l’ensemble
H2a,2l = Ha,l soit un mur même si l 6∈ Γ0a. De plus, on a Γa= Γ0a∪12Γ 0
2a dans ce cas. Sinon,
si a est non multipliable et non divisible, on a Γa = Γ0a par le lemme1.3.7. Par conséquent,
les murs de A peuvent être décrits par les différentes racines a ∈ Φnd et les valeurs l ∈ Γa.
D’après [BrT84, 4.2.23], on peut classifier les échelonnages pour décrire les différentes alcôves d’un groupe K-simple G. De manière analogue, il existe une classification des groupes absolument presque-simples sur K, à isogénie près, donnée par Tits dans [Tit79, §4]. Ici, on réduit la disjonction de cas à trois types de comportements.
Premier cas : Φ est réduit et L0/Ld est non ramifiée. Il s’agit des groupes
résiduellement déployés nommés An, Bn, Cn, Dn, E6, E7, E8, F4 et G2 ; et des groupes
non résiduellement déployés nommés 2A0
2n−1, 2Dn+1, 2E6 et 3D4 dans les tables de Tits
[Tit79, 4.2, 4.3]. Ceci correspond respectivement aux échelonnages, classifiés dans [BrT72, 1.4.6], de type An, Bn, Cn, Dn, E6, E7, E8, F4 et G2 ; et Cn, Bn, F4 et G2.
Soit a une racine relative. Comme Φ est réduit, on a Γa = ΓLa par le lemme 1.3.7.
Donc, par la proposition 1.1.20, on a Γa = ΓLd. Comme L
0/L
d est non ramifiée, on a
ΓL0 = ΓL
d. Donc
Φδ = Φ et h = θ
Pour alléger les notations, on normalise la valuation ω de sorte que ΓL0 = Z = ΓL
d
et 0+= 1. Par définition des alcôves comme composantes connexes, on peut définir une
alcôve comme étant l’intersection de tous les demi-appartements D(a, l) et D(b, l+) pour
a ∈Φ+, b ∈ Φ− et l ∈ R. Comme D(a, l) ⊂ D(a, l0) pour tout l > l0, on est en fait en train
de considérer l’intersection finie des demi-appartements D(a, 0) et D(b, 1) pour a ∈ Φ+ et
b ∈Φ− comme dans la figure ci-dessous. On appelle cette alcôve l’alcôve fondamentale,
qu’on note caf. caf \ b∈Φ− D(b, 1) \ a∈Φ+ D(a, 0)
Par [Bou81, VI.2.2 Prop. 5], les cloisons de cette alcôve sont exactement contenues dans les murs Ha,0, pour a ∈ ∆, et H−h,1.
4.3.5 Exemple (Les appartements et leurs alcôves fondamentales en dimension 2).
c
afb
a
−θ
caf b a −θ caf b a −θType A2 Type C2 Type G2
Deuxième cas : Φ est réduit et L0/Ld est ramifiée. Il s’agit des groupes résiduel-
lement déployés nommés B-Cn, C-Bn, F4I et GI2 dans les tables de Tits [Tit79, 4.2]. Ils
correspondent respectivement aux échelonnages, classifiés dans [BrT72, 1.4.6], de type
B-Cn, C-Bn, F4I et GI2.
Comme L0/L
d est ramifiée, on a d0 ∈ {2, 3}, donc Φ est un système de racines non
simplement lacé. De plus, on a d0Γ
L0 = ΓL
d. Soit a une racine relative. Comme Φ est
réduit, on a Γa = ΓLa par le lemme1.3.7. Par la proposition 1.1.20, si a est une racine
longue, on a Γa = ΓLd ; si a est une racine courte, on a Γa = ΓL0. Donc, on a δa = λa.
Ainsi Φδ
Pour alléger les notations, on normalise la valuation ω de sorte que ΓL0 = Z. L’intersec- tion de tous les différents demi-appartements D(a, 0) et D(b, 0+) où a ∈ Φ+ et b ∈ Φ− est
exactement une alcôve. Si b ∈ Φ−est courte, alors Γ
b = ΓL0 de sorte que D(b, 0+) = D(b, 1) ; si b0 ∈ Φ− est longue, alors Γ
b = ΓLd de sorte que D(b, 0
+) = D(b0, d0). On l’appelle
l’alcôve fondamentale et on la note caf.
Ses cloisons sont exactement contenues dans les murs Ha,0, où a ∈ ∆, et H−θ,1. En
effet, soient a ∈ Φ et l ∈ R. On pose lD = δ
al de sorte que pour tout x ∈ A, on ait :
a(x − O) − l = 0 ⇔ aD(x − O) − lD = 0
On sait que l’ensemble Ha,l est un mur de A si, et seulement si, l ∈ Γa ; donc si, et
seulement si, lD ∈ Γ
Ld. Ainsi, les cloisons de caf sont contenues dans les murs HaD,lD
décrits par le premier cas. Comme la plus haute racine θD est une racine longue de ΦD
d’après [Bou81, VI.1.8 Prop. 25 (iii)], on en déduit que θ est une racine courte de Φ, donc que δθ = d0.
4.3.6 Remarque. La ramification de l’extension de déploiement a l’effet d’ajouter certains
murs dans les directions correspondant aux racines courtes. Par exemple, si d = 2 et si le système de racines absolu Φ est de type Ae 3, alors le système de racines relatif est de
type C2 et on a le dessin suivant où l’on représente en pointillés les murs « ajoutés », et le
système de racines ΦD au lieu de Φ :
caf
bD
aD
−θD
Troisième cas : Φ est non réduit. Il s’agit des groupes nommés C-BCn et 2A02n
dans les tables de Tits [Tit79, 4.2, 4.3]. Ils correspondent respectivement aux échelonnages, classifiés dans [BrT72, 1.4.6], de type C-BCIII
n et C-BCnIV.
Comme Φ est non réduit, on a d = d0 = 2. Pour simplifier les notations, on normalise
la valuation ω de sorte que ΓL0 = Z. Soit a une racine relative non divisible. Si a est multipliable, par le lemme 1.3.8, on a Γa = 12ΓL0 ; si a est non multipliable, par le lemme
1.3.7, et par la proposition 1.1.20, on a Γa = ΓLa = ΓL0. Donc δaΓa= ΓL0.
Comme précédemment, on peut voir que l’intersection des différents demi-appartements suivants : D(a, 0) pour a ∈ Φ+
nd, D(b, 1) pour b ∈ Φ −
nd non multipliable, et D(b 0,1
2) pour
b0 ∈Φ− multipliable, est exactement une alcôve. On l’appelle l’alcôve fondamentale et
on la note caf. Ses cloisons sont exactement contenues dans les murs Ha,0, pour a ∈ ∆, et
H−θ,1 2.
En effet, on procède de même que dans le cas précédent en travaillant avec le système de racines réduit ΦD
4.3.7 Exemple (Φ de type Ae 4 et Φ de type BC2). caf b a 2a −θ −2θ