4.3 Théorie de Bruhat-Tits : cas quasi-déployé
4.3.3 Action sur une boule combinatoire unité
Soit P = P+
c un sous-groupe pro-p maximal de G(K). Pour tout a ∈ Φ, s’il existe
un mur Ha,l bordant l’alcôve c, on note Fc,a la cloison de c contenue dans Ha,l. On note
Ec,a = EFc,a le résidu de cloison de Fc,a. On veut étudier l’action du groupe dérivé et du
sous-groupe de Frattini de P sur l’immeuble de Bruhat-Tits X(G, K) de G sur K. Pour cela, on considère l’action, sur chaque ensemble Ec,a, des différents groupes radiciels Ua,c
et du groupe T (K)+ b.
4.3.12 Lemme. Soient c1 et c2 deux alcôves adjacentes de l’appartement A le long d’un
mur défini par une racine a ∈Φ. Si b ∈ Φ \ Ra, alors fc0
1(b) = f
0
c2(b) où les applications
f0 ont été définies dans les notations 1.3.17. En particulier, on a Ub,c1 = Ub,c2.
Démonstration. Pour que fc01(b) 6= fc02(b), il faut et il suffit qu’il existe un mur défini
par une racine b séparant les alcôves c1 et c2 en deux demi-appartements opposés. Les
alcôves c1 et c2 sont adjacentes par une cloison contenue dans un mur défini par a. Ce
mur est le seul qui sépare les deux alcôves dans deux demi-appartements opposés. Donc, si f0
c1(b) 6= f
0
c2(b), alors a et b sont colinéaires.
4.3.13 Proposition. Soit a ∈ Φ = Φ(G, S) une racine relative telle qu’il existe un mur
Ha,l bordant c. Si a est non multipliable ou si l’extension quadratique La/L2a est ramifiée,
alors le sous-groupe de Frattini Frat(P ) fixe Ec,a point par point.
Par conséquent, siΦ est un système de racines réduit ou si l’extension L/Ldest ramifiée,
alorsFrat(P ) fixe point par point l’enclos de la boule combinatoire unité cl(B(c, 1)) centrée en c.
En général, en notant Qa le stabilisateur point par point de Ec,a, on a une inclusion
de groupes Frat(P ) ⊂ QaU2a,c.
Le reste de cette section a pour but de démontrer cette proposition.
Soit c0 une alcôve de A adjacente à c. En particulier, on a c0 ∈ B(c, 1). On écrit
a0+ r0, avec a0 ∈Φ et r0 ∈Γ
a0, la racine affine dirigeant le mur séparant les alcôves c et
c0. Si a0 est divisible, on pose a = 12a0 et r = 12r0. On remarque qu’on a toujours r ∈ Γa
mais a + r peut être ou non une racine affine selon que r est, ou non, un élément de Γ0 a.
Sinon, on pose a = a0 et r = r0. On a aussi la définition suivante de r donnée par l’égalité
r= fc(a) = fc0(a) d’après [Lan96, 7.7]. Quitte à échanger a et −a, on peut supposer que
fc0(a) = fc(a)+ > fc(a) et que fc0(−a) < fc(−a) = fc0(−a)+.
Le groupe P agit sur l’ensemble fini d’alcôves Ec,a et fixe c. Donc, il agit sur l’ensemble
d’alcôves E0
c,a = Ec,a\ {c}. On note Qa le noyau de cette action. On va montrer que le
groupe quotient P/Qa est isomorphe à un sous-groupe de Ua,r/Ua,r+.
4.3.14 Lemme. Le groupe Ua,c agit transitivement sur l’ensemble Ec,a0 .
Démonstration. Par construction de l’immeuble, le sous-groupe Pc agit transitivement
sur l’ensemble des appartements contenant l’alcôve c [Lan96, 9.7 (i)]. Comme l’action préserve le type des facettes, on en déduit Ec,a = Pc· c0.
On écrit Pc= Ua,c·Qb∈Φ+nd\(a)Ub,c· U−Φ+,c· T(K)b [BrT72, 7.1.8]. Le groupe T (K)b fixe A point par point [Lan96, 9.8], donc il fixe aussi c0. Pour tout b ∈ Φ \ Ra, par le lemme
4.3.12on a Ub,c = Ub,c0. Donc Ub,c fixe c0. Comme on a supposé que fc0(−a) < fc(−a), on a
U−a,c⊂ U−a,c0. Donc U−a,c fixe c0. Par conséquent, on a Ec,a0 = Ua,c· c0, car le sous-groupe borné du groupe radiciel Ub,c et le groupe T (K)b fixent c0.
4.3.15 Lemme. Soit g ∈ P un élément fixant c0. Si [v, g] fixe c0 pour tout v ∈ Ua,c, alors
g fixe Ec,a.
Démonstration. Soit c00 ∈ E0
c,a. Par le lemme 4.3.14, il existe un élément v ∈ Ua,c tel que
c00 = vc0. On effectue le calcul suivant :
g · c00 = gv · c0
= v[v−1, g]g · c0
= v[v−1, g] · c0 car g fixe c0
= vc0 car [v−1, g] fixe c0
= c00
Comme ceci est vrai pour toute alcôve c00 ∈ E0
a,c, on conclut que g fixe Ea,c.
Ainsi, pour montrer qu’un élément g ∈ [P, P ] fixe Ec,a, il suffit de vérifier que [Ua,c, g]
fixe c0. On se ramène donc à calculer des commutateurs. On rappelle que le groupe
Ua,fc(a)+ = Ua,c0 fixe c
0.
4.3.16 Lemme. Les groupes suivants :
(1) Ua,fc(a)+
(2) T(K)+b
(3) Ub,c où b ∈Φ \ Ra
(4) U−a,c
fixent le résidu de cloison Ec,a.
Démonstration. (1) Soit u ∈ Ua,fc(a)+. Alors u fixe c
0. Soit v ∈ U a,c.
Si a est non multipliable, alors [v, u] = 1 car le groupe radiciel Ua(K) est commutatif.
Si a est multipliable, par le lemme 4.2.15, on sait que [v−1, u] ∈ U
2a,dfc(a)+e+dfc(a)e.
Comme dfc(a)+e+ dfc(a)e > 2fc(a), on en déduit que [v−1, u] ∈ Ua,fc(a)+ = Ua,fc0(a) fixe
c0.
En appliquant le lemme 4.3.15, on obtient que u fixe Ec,a.
(2)Soit t ∈ T (K)+
b. L’élément t fixe c
0 car T (K)
b fixe l’appartement A. Par les lemmes
4.2.1 et4.2.7, on sait que [T (K)+
b , Ua,c] ⊂ Ua,fc(a)+ = Ua,c0. Donc [v, t] ∈ Ua,c0 fixe c
0 pour
tout v ∈ Ua,c. On déduit de (1) que T (K)+b fixe Ec,a.
(3) Soient g ∈ Ub,c et v ∈ Ua,c. Par le lemme 4.3.12, on a Ub,c = Ub,c0. Donc g · c0 = c0. Par quasi-concavité des fonctions f0 appliquée dans le cas où a et b ne sont pas colinéaires
[BrT84, 4.5.10], on obtient que : [v−1 , g] ∈ Y m,n∈N∗, ma+nb∈Φ Uma+nb,f0 c(ma+nb)
En appliquant à nouveau le lemme 4.3.12, on a Uma+nb,c = Uma+nb,c0. Donc [v, g] fixe c0 pour tout v, ainsi, par le lemme 4.3.15, l’élément g fixe Ec,a.
(4) Soient u ∈ U−a,c et v ∈ Ua,c. Comme fc0(−a) < fc(−a), on a U−a,c ⊂ U−a,c0. Donc
u fixe c0.
Suivant que a est multipliable ou non, on sait que le commutateur [v, u] ⊂ U−a,fc(−a)+T(K)
+
b Ua,fc(a)+, en appliquant soit le lemme 4.2.9, soit le lemme
4.2.2. Les groupes Ua,fc(a)+, T (K)
+
b , et U−a,fc(−a)+ ⊂ U−a,fc(−a) fixent c
0. Donc, le commu-
tateur [v, u] fixe c0 car il peut s’écrire comme produit de trois tels éléments. En appliquant
Démonstration de la proposition 4.3.13. On conserve les notations introduites précédem-
ment. En particulier, a est une racine telle qu’il existe un mur Ha,l bordant l’alcôve
c ⊂ A ; l’alcôve c0 ∈ A possède une cloison Fc,a en commun avec c. On a les égalités
fc0(a)+ = f0
c0(a) = fc∪c0 0(a). Donc Ua,fc(a)+ = Ua,c∪c0. Pour toute racine b ∈ Φnd \ Ra, par le lemme 4.3.12, on a f0
c(b) = f 0
c0(b) = fc∪c0 0(b). Donc Ub,fc(b) = Ub,c∪c0. En- fin, puisqu’on a supposé que f0
c0(−a) < fc0(−a), on en déduit les égalités de groupes
U−a,c∪c0 = U−a,f0
c(−a) ∩ U−a,fc00 (−a) = U−a,max(fc0(−a),fc00 (−a)) = U−a,c. De cela, on déduit
l"égalité des groupes :
Ua,fc(a)+ Y b∈Φnd\{a} Ub,c T(K)+bU−Φ+,c = UΦ+,c∪c0T(K)+b U−Φ+,c∪c0 On note ce groupe P+
c∪c0. Cette notation se justifie car on pourrait montrer que (comme dans la proposition2.3.5) il s’agit du (unique par hypothèse de simple connexité de G) sous-groupe pro-p maximal du stabilisateur point par point dans G(K) de c ∪ c0.
Par le lemme 4.3.16, le sous-groupe Qa contient le sous-groupe Pc∪c+ 0. Tout d’abord, on montre que P+
c∪c0 est un sous-groupe distingué de P . On peut écrire P = Ua,cPc∪c+ 0. On a les inclusions de groupes suivantes :
— [Ua,c, Ua,fc(a)+] ⊂ Ua,fc(a)+ ⊂ P
+
c∪c0 par le lemme4.2.15 ou par commutativité suivant que la racine a est multipliable ou non ;
— [Ua,c, T(K)+b] ⊂ Ua,fc(a)+ ⊂ P
+
c∪c0 par le lemme4.2.7 ou4.2.1 ; — [Ua,c, U−a,c] ⊂ Ua,fc(a)+T(K)
+
b U−a,fc(−a)+ ⊂ P
+
c∪c0 par le lemme4.2.9 ou 4.2.2 ; — [Ua,c, Ub,c] ⊂ Pc∪c+ 0 pour toute racine b ∈ Φnd\Ra par quasi-concavité [BrT84, 4.5.10],
comme dans la démonstration du lemme 4.3.16 (3). Donc, P+
c∪c0 est un sous-groupe distingué de P et le quotient P/Pc∪c+ 0 est isomorphe à
Ua,fc(a)/Ua,fc(a)+ = Xa,fc(a). Ensuite, on voit que Qa est un sous-groupe distingué de P
en tant que noyau de l’action de P sur Ec,a. Donc, le groupe quotient P/Qa est un
sous-groupe de Xa,fc(a).
On définit un sous-groupe Q0
a par Q0a= QaU2a,2fc(a) si a est multipliable, La/L2a est
ramifiée et fc(a) ∈ Γ0a; et par Q 0
a = Qa sinon. On montre que le groupe quotient P/Q0a
peut être muni d’une structure d’espace vectoriel.
Premièrement, on suppose que a est non multipliable ou que La/L2a est ramifiée. Alors,
par la proposition4.3.9, on sait que le groupe quotient P/Q0
a= Xa,fc(a) est un κLa-espace
vectoriel (de dimension 1).
Deuxièmement, on suppose que a est multipliable, que l’extension La/L2a est non
ramifiée et que f0
c(a) 6∈ Γ 0
a. Alors, par la proposition 4.3.9, on sait que Xa,f0
c(a) = X2a,2fc0(a)
est un κL2a-espace vectoriel de dimension 1 car l’espace quotient Xa,fc0(a)/X2a,2fc0(a) est nul
par le lemme4.3.11. Donc P/Q0
a = Xa,f0
c(a) est un espace vectoriel.
Finalement, on suppose que a est multipliable, que La/L2a est non ramifiée et que
fc0(a) ∈ Γ0a. Alors, par la proposition4.3.9, on sait que P/Q0a ' Xa,f0
c(a)/X2a,2fc0(a) est un
κLa-espace vectoriel de dimension 1.
Par conséquent, d’une part, le groupe P/Q0
a est commutatif ; donc [P, P ] ⊂ Q 0 a.
D’autre part, le groupe P/Q0
aest d’exposant p ; donc Pp ⊂ Q 0
a. On obtient Pp[P, P ] ⊂ Q 0 a.
P en tant que noyau de l’action de P sur Ec,a. De plus, le groupe QaU2a,2fc(a) est encore
fermé. Donc Frat(P ) = Pp[P, P ] ⊂ Q0 a.
Si Φ est un système de racines réduit ou si l’extension L0/L
d est ramifiée, alors pour
toute racine a ∈ Φ correspondant à une cloison de c, on obtient que Frat(P ) fixe Ec,a
point par point et donc qu’il fixe la boule combinatoire unité centrée en c, notée B(c, 1), qui est la réunion de tous les résidus de cloison Ec,a. Par continuité de l’action, le groupe
Frat(P ) = Pp[P, P ] fixe point par point l’enclos de B(c, 1).
4.3.17 Remarque. Bien que le tore borné T (K)b fixe point par point l’appartement A, son
action sur le 1-voisinage de cet appartement est, en général, non triviale. Par exemple, supposons que Φ est un système de racines réduit et choisissons une racine relative a ∈ Φ définissant un mur bordant l’alcôve c. L’action de T (K)b sur Ec,a correspond à l’action du
sous-groupe κ×2 La ⊂ κ
×
La. La partie utile d’un élément t ∈ T (K)b pour décrire son action sur
l’ensemble d’alcôves Ec,a\ {c0}est a(t)/$LaOLa ∈ κ
×2
La. En effet, soit c
00 ∈ E
c,a\ {c0}qu’on
écrit sous la forme c00 = x
a(x)·c0 où ω(x) = fc0(a). Alors t·c 00 = tx
a(x)t−1·c0 = xa(a(t)x)·c0.
4.3.18 Corollaire (de la proposition 4.3.13). Pour toute racine relative a ∈ Φnd non
divisible,
— si a 6∈∆ ∪ {−θ}, on pose Va,c= Ua,c ;
— si a ∈∆ ∪ {−θ} est non multipliable, on pose Va,c = Ua,fc(a)+ ;
— si a ∈∆ ∪ {−θ}, si a est multipliable, et si La/L2a est non ramifiée ou fc0(a) 6∈ Γ 0 a,
on pose Va,c = Ua,fc(a)+ ;
— si a ∈ ∆ ∪ {−θ}, si a est multipliable, si l’extension La/L2a est ramifiée et si
fc0(a) ∈ Γ0a, on pose Va,c= Ua,fc(a)+U2a,2fc(a) = Ua,fc(a)+U2a,c.
On a l’inégalité : Frat(P ) ≤ Y a∈Φ−nd Va,c· T(K)+b · Y a∈Φ+nd Va,c = T (K)+b Y a∈Φnd Va,c
Démonstration. Comme Frat(P ) ⊂ P , il suffit de vérifier que Frat(P ) ∩ Ua(K) ⊂ Va,c
pour tout a ∈ ∆ ∪ {−θ}. Soit a ∈ ∆ ∪ {−θ}. Par la proposition 4.3.13, on a l’inclusion Frat(P ) ⊂ QaU2a,c lorsque a est multipliable, l’extension La/L2a est ramifiée et fc0(a) ∈ Γ0a
; on a l’inclusion Frat(P ) ⊂ Qadans les autres cas. En particulier, on a Frat(P )∩Ua(K) ⊂
Va,c.
4.3.19 Proposition. On suppose que Φ est un système de racines réduit. Le groupe
Q= T (K)+b Q
a∈ΦVa,c est le sous-groupe pro-p maximal du stabilisateur point par point
dans G(K) de l’enclos cl(B(c, 1)) de la boule combinatoire unité centrée en c.
Démonstration. On note cl (B(c, 1)) l’enclos de la boule combinatoire unité centrée en c.
On pose Ω = cl(B(c, 1))∩A. On notePbB(c,1) (resp.PbΩ) le stabilisateur point par point dans
G(K) de cl (B(c, 1)) (resp. Ω). Par [Lan96, 9.3 et 8.10], on écritPbΩ = T (K)bQa∈ΦUa,Ω.
Par la proposition 4.3.13, on sait que Q fixe cl(B(c, 1)) point par point. Soit g ∈
b
PB(c,1) ⊂ PbΩ. On écrit g = tQa∈Φua où t ∈ T (K)b et ua ∈ Ua,Ω = Va,c. Par le lemme
4.3.16, on sait que ua fixe point par point cl(B(c, 1)).
Soit t ∈ T (K)b fixant point par point cl(B(c, 1)). Soit a une racine correspondant à
une cloison de c. Par le lemme4.3.14, on écrit l’orbite E0
le calcul u · c0 = tu · c0 = [t, u]uc0 nous montre que [t, u] ∈ V
a,c. Par le lemme 4.2.1, on a
a(t) ≡ 1 mod $.
Comme cette égalité est vraie pour tout a ∈ ∆, on a t ∈ T0 = Q
a∈∆ae(±1 + mLa).
Donc PbB(c,1) ⊂ T0Qa∈ΦVa,c.
L’indice [T0 : T (K)+
b] divise
Q
a∈∆| ±1 + mLa/1 + mLa|= 2
|∆| qui est premier à p car
p 6= 2. Donc Q est un sous-groupe, d’indice premier à p, du groupe profini PbB(c,1). Comme
Q est un groupe pro-p, on en déduit que c’est un sous-groupe pro-p maximal dePbB(c,1).
Il reste à montrer que c’est le seul, autrement dit que Q est distingué dans PbB(c,1).
Mais comme T (K)b normalise Q, on a le résultat.