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Les masques de la violence : analyse lexicologique

1. La définition de la violence

2.2 Description des sous-champs sémantiques

Nous nous proposons à présent de décrire les huit sous-champs sémantiques associés à la notion de violence (le détail du champ et des sous-champs sémantiques est consultable en annexe 2).

2.2.1 La drogue en tant que matière (la droga)

Le sous-champ sémantique de la drogue en tant que matière regroupe les différents noms de drogue classés en fonction de leur consommation : par inhalation (droga inhalada), par injection (droga inyectada) et par ingestion (droga ingerida). Nous remarquons une abondance de termes désignant les drogues prises par inhalation, notamment la marijuana et la cocaïne. Ce sous-champ sémantique se distingue par une multitude d’expressions argotiques et d’emprunts à l’anglais, mises en évidence par une typographie particulière (annexe 2a). Nous reviendrons sur la terminologie argotique dans le chapitre suivant.

2.2.2 Le circuit de la drogue (el circuito de las drogas)

Nous avons divisé ce sous-champ en deux parties distinctes : les agents d’une part, les actions, d’autre part. Le premier domaine regroupe les différents acteurs directement liés à la drogue : le producteur (productor), le trafiquant (traficante) et le consommateur (consumidor). La terminologie liée au producteur est plutôt restreinte comme nous le constatons dans l’annexe 2b : il s’agit pourtant du premier maillon du circuit mais le rôle-clé est joué par le trafiquant, chargé de distribuer la drogue dans le pays et surtout au-delà des frontières. Le second groupe d’agents laisse apparaître un certain nombre de termes regroupés en fonction du rôle assumé par le trafiquant au sein du cartel de drogue : le vendeur de drogue, le passeur, c’est-à-dire l’agent qui transporte de la drogue aux États-Unis en passant la frontière ou encore l’agent chargé de repérer les opposants des organisations criminelles. Il existe une grande variété de termes désignant le consommateur, selon la drogue qu’il consomme : le consommateur d’héroïne (el consumidor de heroína), le consommateur de marijuana (el consumidor de marihuana) et le consommateur de cocaïne (el consumidor de

cocaína). Une fois de plus, de nombreuses tournures argotiques sont employées pour désigner

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expressions désignant les effets produits par les drogues sur le consommateur. Le second domaine se rapporte aux actions en lien avec les agents du circuit : produire (producir), trafiquer (traficar) et consommer (consumir).

2.2.3 Le narco-pouvoir (el narco-poder)

Ce troisième sous-champ sémantique concerne le pouvoir des organisations criminelles, le narco-pouvoir (annexe 2c). L’élément de composition narco- – abordé dans la première partie de notre travail – domine très largement les différents pôles représentés : les personnes et groupes de pouvoir (narcogentío), la narco-culture (narcocultura), à savoir, l’empreinte du narco dans toutes les sphères culturelles de la société, l’univers des narcotrafiquants (narcomundo) et plus particulièrement les femmes et les biens matériels dont ils disposent. La violence au Mexique est avant tout engendrée par la soif de pouvoir et d’argent (narcodinero) et de domination des cartels de drogue sur le territoire mexicain (narcoguerra).

2.2.4 L’armement (el armamento)

L’armement est réparti en deux pôles (annexe 2d) : d’une part, l’homme armé (hombre

armado), criminel ou membre des forces de l’ordre et d’autre part, l’arme en tant qu’objet

d’attaque ou de défense, divisée en trois catégories : l’arme à feu (arma de fuego), l’arme explosive (arma explosiva) et l’arme blanche (arma blanca). Les deux pôles font apparaître plusieurs expressions argotiques, pour désigner notamment l’homme armé – aussi bien le criminel que le policier – et l’objet – le pistolet et la kalachnikov, à titre d’exemples –.

2.2.5 Tuer (matar)

Nous avons relevé également un certain nombre de verbes désignant l’action de tuer, faire mourir (annexe 2e). Nous distinguons tout d’abord la mort individuelle (matar a una

persona, tuer une personne, et matarse, se tuer) de la mort collective (matar a un grupo de personas). Puis, plusieurs manières de tuer sont signalées : tuer par balles (matar a tiros), en

égorgeant (matar por degollamiento), par coups (matar a golpes) et par asphyxie (matar por

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particulièrement, notamment pour nommer l’action de tirer sur quelqu’un avec une arme à feu. Nous y reviendrons plus loin.

2.2.6 Torturer (torturar)

De même, plusieurs verbes font référence à l’action de torturer : torturer en donnant des coups (dar golpes, golpear), en provoquant des lésions profondes dans le corps (cortar), en agressant sexuellement (violar) ou en brûlant la victime (quemar) (annexe 2f).

2.2.7 Le corps (el cuerpo)

Le sous-champ sémantique du corps est particulièrement riche lexicalement dans la mesure où il fait référence aux modes opératoires criminels, qui se sont considérablement multipliés et diversifiés à compter du début du XXIe siècle (annexe 2g). Il laisse apparaître deux domaines : le corps disparu (el cuerpo desaparecido) et le corps sans vie (el cuerpo sin

vida). Le second pôle domine naturellement ce septième sous-champ, les victimes du

narcotrafic étant très souvent retrouvées mortes. Il est intéressant de constater la présence de plusieurs procédés de dérivation. Tout d’abord, le procédé de préfixation en- et em- pour désigner l’endroit où sont retrouvés les corps des victimes : encajuelado, encobijado,

embolsado, etc. Un second procédé de préfixation apparaît également : des-, pour nommer

cette fois-ci le corps démembré (desmembrado, descuartizado, etc.). Enfin, nous retrouvons l’élément de composition narco- employé dans la désignation des nouveaux modi operandi :

narcomensaje, narcomanta, entre autres. Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur

ces procédés.

2.2.8 Une frontière, deux mondes (una frontera, dos mundos)

Lieu géographique et stratégique convoité par les organisations criminelles, la frontière constitue un domaine extrêmement récurrent dans les ouvrages de notre corpus. Il est particulièrement intéressant d’analyser les différents termes désignant les États-Unis (Estados

Unidos) et le citoyen états-unien (estadounidense) ainsi que la terminologie employée pour

faire référence à l’immigration illégale (annexe 2h). Nous distinguons au sein de ce pôle plusieurs expressions argotiques désignant aussi bien le migrant que le passeur de clandestins.

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Les anglicismes trouvent naturellement leur place dans ce sous-champ sémantique, la langue anglaise exerçant une influence considérable sur l’espagnol parlé au Mexique.

Les différents sous-champs sont marqués par des registres de langue variés. L’argot – qui occupe une place importante dans la plupart des domaines – ainsi que les procédés de dérivation et de composition nous invitent à prendre en compte l’évolution de la langue et ses nombreuses variations.

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3. Les étapes et les facteurs intervenant dans la constitution d’une

variante linguistique