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Chapitre I : La mucoviscidose

IV. Mutation du gène CFTR

IV.4. Description des atteintes cliniques

La mucoviscidose est une maladie multi-viscérale qui affecte principalement les tissus épithéliaux. Les organes majoritairement concernés sont l’appareil respiratoire, le système digestif (comprenant les intestins et le pancréas), et le système uro-génital. La mucoviscidose peut conduire à des phénotypes très diversifiés, ce qui explique les nombreuses différences dans les symptômes observés entre deux patients, et cela même lorsqu’ils possèdent une mutation identique. Néanmoins, la mucoviscidose reste une maladie chronique qui s’exprime de manière progressive et généralement durant la petite enfance voire même dès la naissance avec notamment la présence d’iléus méconial. Par la suite, les différentes atteintes cliniques décrites ci-dessous apparaissent au cours de la vie du patient (Figure 7) selon la ou les mutations qu’il porte :

0-10 ans 10-20 ans 20-35 ans >35 ans Voies aériennes Epaississement du mucus et bronchectasie précoces Bronchectasie établit Bronchectasie établit avec hémoptysie et pneumothorax Insuffisance respiratoire→ transplantation pulmonaire Principales infections S.aureus Intermittence S.aureus / P.aeruginosa P.aeruginosa et autres bactéries Gram- non fermentatives, ABPA - Pancréas Insuffisance pancréatique exocrine - Diabète de type I - Foie Dysfonctions hépatiques Cirrhose Hypertension de la veine porte Transplantation hépatique

Intestins Iléus méconial -

Syndrome d'obstruction intestinale distale - Appareil reproducteur Absence de canal déférent - - - Autre - - Arthropathie et ostéoporose -

Figure 7 : Apparition des symptômes cliniques de la mucoviscidose en fonction de l’âge. ABPA : Aspergillose Broncho-Pulmonaire Allergique. Tableau adapté de "Cystic Fibrosis. Elborn J.S. Lancet. 388-10059. p 2519-2531. 2016".

L’atteinte génitale

Plus de 95% des hommes sont stériles en raison d'une absence bilatérale congénitale du canal déférent (CBAVD) et d'une azoospermie obstructive (148). La réduction de la fertilité chez les femmes ne semble pas avoir une cause anatomique (149). Cette infertilité est principalement due à l’épaississement du mucus cervical qui ne subit pas les changements typiques au cours des menstruations et dont les concentrations en électrolytes sont dérégulées. Ainsi le mucus cervical des femmes atteintes de mucoviscidose devient imperméable au passage des spermatozoïdes (150),(151). Cependant, il a également été proposé que les perturbations de la fertilité féminine dans la mucoviscidose soient liées à un dysfonctionnement de l’ovulation et à une déficience en acide gras essentiels (152)

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L’atteinte pancréatique et biliaire

Les cellules épithéliales des canaux pancréatiques et biliaires sont également affectées par les mutations de CFTR. En effet, CFTR est présent dans les canaux pancréatiques pour permettre le transport des ions Cl- et HCO3- et obtenir un environnement alcalin. Les cellules épithéliales pancréatiques absorbent le chlore et sécrètent le bicarbonate (153). Au sein du mucus pancréatique, les ions bicarbonates neutralisent les acides gastriques et procure un pH basique optimal pour le bon fonctionnement des enzymes pancréatiques (153),(154). Dans le cas de la mucoviscidose, les dysfonctionnements des échanges anioniques ont pour conséquence l’obstruction progressive des canaux pancréatiques, la destruction des acini pancréatiques et dans les cas les plus grave aboutissent à une fibrose du pancréas.

L’atteinte métabolique

Les progrès médicaux ont permis d’augmenter considérablement l’espérance de vie des patients atteints de mucoviscidose mais à contrario, ils ont aussi permis le développement d’autres pathologies en parallèle de la mucoviscidose.

Le diabète associé à la mucoviscidose est un problème croissant qui affecte environ 40% de la population mucoviscidosique et qui est associé à un mauvais pronostic vital surtout pour les femmes (155),(156). De nombreux patients souffrent également d’ostéopénie. En effet, les retards de puberté causent une faible densité minérale osseuse et la présence d’une réponse inflammatoire chronique favorise l’ostéopénie (157),(158). Enfin, les patients présentent souvent des atteintes rénales en raison de l’administration répétée d’antibiotiques tels que les aminoglycosides, comme la gentamicine, qui s’avèrent être nephrotoxique (156).

L’atteinte pulmonaire

Les atteintes respiratoires sont responsables de la morbidité et de la mortalité de la mucoviscidose. Ce sont les symptômes les plus sévères et ils représentent un enjeu majeur dans le développement de thérapies. La principale pathologie dans le poumon est l’inflammation des bronches générée d’une part, par la diminution voire l’absence de clairance muco-ciliaire qui ne permet pas d’éliminer les microorganismes présents dans le mucus et d’autre part, par la génération d’un microenvironnement pro-inflammatoire et toxique pour le tissu pulmonaire (159),(156). Ces différents problèmes apparaissent très tôt dans la vie des patients (quelques mois pour certains) et se caractérisent par une bronchectasie des voies respiratoires (160),(161). La bronchectasie (Figure 8) est accompagnée d’une augmentation de l’élastase sécrétée par les neutrophiles qui conduit à la perturbation des défenses immunitaires innées, à une augmentation de la production de

Figure 8 : Comparaison entre une bronche saine et une bronche atteinte de bronchectasie. Schéma adapté du "National Heart Lung and Blood Institute".

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mucus, à une dégradation des peptides protecteurs du mucus et à la digestion de la matrice extracellulaire (162),(163).

L’inflammation pulmonaire chronique est une caractéristique physiopathologique inévitable pour les patients atteints de mucoviscidose. Cette inflammation chronique se caractérise par un taux élevé de polynucléaires neutrophiles (PNN) avec une trans- migration endothéliale accrue via l’expression exacerbée de la protéine ICAM-1 (Intercellular Adhesion Molecule-1) mais également une migration paracellulaire anormale due à un relâchement des jonctions serrées. Ces nombreux PNN sécrètent de l’élastase en très grande quantité et ne remplissent plus leur rôle de cellules suppressives (164). En effet, les récepteurs des PNN sont altérés et ne permettent plus la phagocytose.

Les PNN affluent sous l’influence de médiateurs pro-inflammatoires qui sont dérégulés dans la mucoviscidose. Les patients montrent une augmentation de la cytokine IL8 (165), du leucotriène B4 (166) et du facteur de croissance GM-CSF (Granulocyte-Macrophage Colony-Stimulating Factor) et une diminution de la cytokine anti-inflammatoire IL10. Par la suite, ces PNN subissent un processus d’apoptose, ils libèrent alors les protéases et autres ROS (Reactive Oxygen Species) qu’ils contiennent. Ces diverses molécules présentent en quantité anormalement élevée deviennent néfastes et conduisent à la destruction du tissu bronchique (167). A long terme, la destruction du tissu bronchique provoque une insuffisance respiratoire et sans transplantation pulmonaire peut conduire au décès du patient.

L’ensemble de ces données montrent que la protéine CFTR possède de très nombreuses fonctions et participe à de multiples processus physiologiques mais dont les bases moléculaires restent encore à éclaircir.

A ce stade de la recherche, nous savons que les atteintes pulmonaires induites par les mutations de CFTR sont responsables de la morbidité et de la mortalité des patients atteints de mucoviscidose. Dans ce contexte, la protéine CFTR participe à la régulation de canaux ioniques, au trafic protéique intracellulaire, aux infections bactériennes, au processus inflammatoire exacerbé et dans la perméabilité de la barrière épithéliale bronchique. Cette barrière épithéliale bronchique est un élément clé dans la protection des voies aériennes. Elle constitue une barrière physique entre la lumière des bronches et le parenchyme pulmonaire et régule la perméabilité épithéliale. Dans la mucoviscidose, la

barrière jonctionnelle bronchique est altérée et la perméabilité épithéliale est augmentée suggérant un rôle de la barrière épithéliale dans les infections chroniques et l’inflammation. Cette perméabilité accrue permettrait le passage des pathogènes vers le tissu pulmonaire et la libération de cellules de l’inflammation dans la lumière des bronches. Cependant, ce phénomène est controversé puisque certaines études suggèrent une migration trans- cellulaire des bactéries au travers de l’épithélium, tandis que d’autres proposent un passage para-cellulaire provoqué par un relâchement des jonctions cellulaires. De plus, les rôles de CFTR au sein de la barrière épithéliale sont peu connus.

Ainsi pour mon projet de thèse, nous nous sommes focalisés sur l’étude de la barrière épithéliale bronchique, des protéines jonctionnelles et du rôle de CFTR dans cette organisation cellulaire.

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Chapitre II : La barrière